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tome 2, Chapitre 18 « Le Sacrifice de Jareth » tome 2, Chapitre 18

Le commandeur Ficini était parti le premier. Il écourtait ainsi son séjour, mais ce serait pour mieux porter à la fin l’estocade finale et mettre un terme aux agissements malhonnêtes de ce seigneur marchand. Nostria lui avait remis, peu avant son départ, un médaillon d’argent dans lequel était enchâssé un minuscule éclat de diamant. Grâce à lui, il pourrait revenir au temple sans encombre, de même qu’il conserverait un lien avec l’énigmatique Jareth. À aucun moment, il n’aurait de contact avec Nyx. En outre, il avait toujours en mémoire l’avertissement de ce dernier à son sujet, « Défiez-vous de l’ordre de Styrr. »

De l’ordre de Styrr ? Ou bien de Nyx ?

Face à la ville endormie qui s’étendait à ses pieds, il s’interrogeait. Demain, il regagnerait la garnison, avant de se rendre au palais des Juges. À côté de lui, le chat veillait, ou plutôt le surveillait de ses grands yeux ambrés. Il avait examiné ses appartements et avait été rassuré ; personne n’avait tenté d’y pénétrer en son absence. Toutefois, il demeurait aux aguets et, une fois ne serait pas coutume, il prendrait ses quartiers dans son cabinet des horreurs.

Pendant ce temps, au temple d’Ourchosia, Jareth avait demandé la permission à Dame Nostria de se retirer à son tour, afin de réceptionner le message que ne manquerait pas de lui faire parvenir le seigneur Baldavi. À lui aussi, elle lui avait confié l’un des précieux médaillons.

D’autres existent, mais pas dans ce monde, avait-elle ajouté à demi-mot.

Qu’entendait-elle par là ?

Assis sur une vieille souche humide et pourrie, il examinait le singulier objet. C’était un pendentif en métal argenté, incrusté d’un éclat de minéral transparent. Il n’aurait pas juré que ce fût un diamant, même s’il en avait toutes les apparences.

Grâce à lui, vous pourrez nous rejoindre chaque foi qu’il vous sera nécessaire et vous serez lié au commandeur Ficini.

Il lui sembla qu’elle voulut ajouter quelque chose loin des oreilles de Dame Nyx, mais elle s’était abstenue. Nyx n’avait rien reçu de ses mains. Jareth doutait qu’elle en eût grand usage, à moins que cela ne représentât un danger ; pour elle ou pour l’enfant ? Il l’ignorait. Soudain, un bruit attira son attention ; les pas étouffés de deux hommes en armes. Les sourcils froncés, car personne de raisonnable ne s’aventurerait en ces lieux. Ce recoin était son domaine. Il y avait tendu de nombreux pièges, à même de décourager les opportuns. Aux aguets, il les sentait approcher, malgré toutes les précautions qu’il prenait. Jareth avisa un trou d’ombre. Hélas pour lui, la lune se dissimulait derrière de sombres nuages et il lui serait impossible de s’y mirer.

– Tant pis, grogna-t-il, appuyé sur l’épais tronc d’un arbre dans lequel il se fondit avec difficulté.

De lui, ne dépassaient que les bras métamorphosés en branches mortes. Ses yeux étaient devenus des nœuds. Ainsi fusionné avec l’ombre végétale, il observait l’avancée de deux hommes à la mine peu amène. D’après leurs armoiries, il s’agissait de soldats de la garnison. Néanmoins, certains détails l’intriguaient, surtout Giuseppe n’aurait jamais donné un ordre aussi insensé. Il se concentra alors sur le cristal enchâssé et son esprit fut aspiré.

Giuseppe était chez lui, assis sur le rebord de son balcon, un chat sur les genoux. Il scrutait la ville à la recherche du moindre indice, à moins qu’il ne fût plongé dans ses réflexions. À l’affût, Jareth examina les lieux quelques instants, puis il réintégra la forêt, soulagé.

Les deux hommes s’étaient rapprochés de l’arbre qui le dissimulait ; un peu trop à son goût. Hélas, il était à présent trop tard. Il ne pouvait se retirer, non plus que s’enfoncer plus en avant dans le végétal, au risque de ne jamais en ressortir. Son inquiétude grandit encore, lorsqu’ils dégainèrent leurs armes ; des épées runiques. Bien que peu versé en la matière, il ne douta pas qu’ils seraient à même de le pourfendre s’ils le découvraient, même protéger par son armure de bois. Les yeux fixés sur les lames luisantes ; il se dégageait d’elles une aura à l’éclat menaçant. Sa crainte grandit lorsqu’il s’aperçut que l’intensité des pulsations augmentait à mesure qu’ils se rapprochaient de lui. En d’autres circonstances, il n’aurait eu aucune difficulté à maîtriser deux gardes, même aguerries. Cependant, ils avaient esquivé, avec une aisance rare, ses chausse-trapes et ils possédaient des armes enchantées. Homme-arbre, Jareth hésitait. Ces hommes n’attendaient que l’instant où il relâcherait sa concentration pour mieux le pourfendre. Ils ne lui laissaient que peu d’ouverture. Il souleva l’une des racines et abaissa ses frondaisons ; seule la surprise lui assurerait une victoire possible sur ses adversaires. Soudain, alors même qu’il ne les avait pas quittés du regard, ils disparurent.

À la place, il perçut un léger grésillement. Prompt, il baissa les yeux et aperçu un tas de poudre déposée au pied du chêne. Aurait-il seulement le temps de sortir et de s’éloigner ? L’enfant ne l’aiderait pas, il était trop accaparé par sa découverte. Comment en serait-il autrement ? Il n’était qu’un pion sur l’échiquier des mondes et il était prêt à se sacrifier sa vie pour lui, mais pas de cette manière. Il enrageait, qu’il sorte, il serait à leur merci, ou souffler par l’explosion. Qu’il demeure et il serait déchiqueté par la déflagration. La mèche mesurait une dizaine de mètres, tandis que ses assaillants se mouvaient à une distance double. Pourtant, il ne se sentait ni l’âme d’un héros ni d’un chevalier, en même temps que le point où il ne pourrait reculer approchait. Il était cette mèche incandescente qui se frayait un chemin dans l’humus de la forêt. Le cristal, non plus, ne lui serait d’aucun secours. Il permettait la projection de l’âme de son porteur, non le corps. Que le seigneur Baldavi eut découvert sa duplicité lui importait peu, même s’il doutait que ce dernier fût assez sagace pour le démasquer seul. Néanmoins, il ne se sacrifierait pas en vain. Il userait de ses derniers instants pour avertir Nostria, puis il occirrait – le souhaitait-il seulement, l’un de ses adversaires. La rage emplissait son cœur ; il ne l’avait que depuis trop longtemps contenue. Il adressa une pensée à cet arbre qui l’avait hébergé et qui, bientôt, ne serait plus. Capturant son essence, il jaillit du tronc ; gigantesque ombre sylvestre.

Avait-il tardé, ou bien était-il trop tard ?

L’explosion avait soufflé le chêne, comme s’il n’avait été qu’un fétu de paille, tandis qu’il était projeté vers ses assaillants qui l’attendaient de pied ferme. Il n’était plus un homme, mais un monstre qui les emplissait de terreur et qui hurlait de douleur. Pourtant, ils n’avaient pas bougé d’un pouce et se tenaient prêts à le pourfendre. Il devinait la peur qui habitait leur regard, mais ils ne fléchissaient pas. Jareth ne se contrôlait plus ; le souffle l’avait sonné et des étoiles dansaient ses yeux. Il apercevait les éclats de leurs lames luisantes, pointés en sa direction.

Encore quelques instants et il sentirait la morsure du métal dans sa chair.

Condamné, il déploya ses bras en des branches acérées, tandis qu’il projetait sa volonté dans le cristal enchâssé, puis son esprit fut aspiré. Son corps, habité par sa seule bestialité, sa bouche s’ouvrit sur un rugissement de fauve meurtri, en même temps que fondaient sur lui les deux silhouettes au regard dément.


Texte publié par Diogene, 8 mars 2018 à 20h01
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