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tome 1, Chapitre 17 tome 1, Chapitre 17

Je parvenais à faire encore plus fort. Ce n’était pas une soirée, mais la journée entière que je bousillais par le biais de mes obsessions.

Lucas n’habitait pas la porte à côté. Il me restait tout de même une partie de mon samedi une fois rentré ou plutôt il m’en aurait resté, si je ne m’étais pas obstiné dans mes investigations.

Il est vrai que je venais d’essuyer deux énormes plantages.

Mes prédictions sur Vincent s’étaient révélées complètement fausses, et il ne m’avait fourni que des informations sans intérêt dans mon enquête sur Hamed.

Ma technique d’approche avait été déjouée par Lucas en quelques secondes. Par contre il m’avait procuré des noms intéressants. Sauf que Justine aurait certainement pu me les donner, si j’avais songé à lui demander.

Pauvre Justine à qui j’avais apporté une lueur d’espoir en lui annonçant ma tentative de retrouver son mari.

Sa confiance était bien mal placée. Hélas elle ne disposait pas de beaucoup de choix, je suppose.

Non seulement mes pistes étaient foireuses, mais en plus je ne tentais même pas d’étudier les nouvelles qu’offraient les relations d’Hamed.

Sur le chemin du retour dans le train, je m’étais décidé à lever le mystère de la dénonciation de Manu.

Une action qui ne rapporterait rien à personne, sauf la satisfaction à mon usage de résoudre une affaire.

Même si je le dissimulais derrière la vengeance et la conscience professionnelle, mon égo était à présent la force dominante.

Je crois que je cherchais aussi inconsciemment à éviter Aurélie.

Mon existence n’avait jamais rien eu d’exceptionnelle hormis ma vie de couple.

Comme disait un ami nous étions deux célibataires ensembles. On n’empiétait jamais l’un sur l’autre.

Et cette particularité allait prendre fin à cause d’une banale usure du temps.

C’était moins angoissant de se focaliser sur l’affaire Manu-Steve. On pouvait difficilement faire plus simple.

Une personne détenait obligatoirement la réponse : Steve.

Il suffisait de l’approcher subtilement, c’est-à-dire pas comme avec Lucas.

L’endroit était tout trouvé : le bowling. Steve n’oserait jamais fuir, frapper, ou gueuler sur son lieu de travail.

Comme élément de persuasion la mention d’Hadrien suffirait. Mon pote avait déjà fait ses preuves auparavant auprès de ce petit escroc.

Pour une fois il n’existait pas d’inconnu (à part l’identité de la balance). Tout était maitrisé.

Sincèrement je n’y voyais aucune faille. Il en subsistait tout de même une n’ayant rien de téléphoné d’ailleurs.

Je revenais d’une enquête, une vraie avec un cadavre, une disparition, un combat au couteau...

Alors fouiner dans ce bowling, ce n’était rien à coté. Et justement cet orgueil me revint en pleine face. Je fis preuve de négligence. Un petit repérage de l’endroit n’était pas une mauvaise idée, sauf si on s’attardait comme un con sur le grand balaise surveillant l’entrée.

C’est sûr il ne valait pas un garde du corps pour VIP. Mais il avait tout de même apprit à repérer les fouteurs de merde. Se sentant espionné il arrêta à son tour son regard sur moi. Je ne détournais pas le mien, histoire de faire semblant de rien. Ca aurait donné l’effet inverse. Sortant une carte de ma réserve je continuais à le fixer délibéremment.

« Salut Trivette. » Lui dis-je en parvenant à sa hauteur.

Le videur se contenta d’un hochement d’épaule blasée. Combien de fois avait-on dû lui faire le coup du fait de sa ressemblance avec le personnage ? Etant devenu un simple comique lourdingue, je perdis alors tout intérêt.

Cette connerie rattrapée eut au moins le mérite de me faire bosser un peu plus correctement. J’en revenais à quelques ficelles de la filature. Par exemple dans un magasin les règles diffèrent par rapport à celles de la rue. Un type qui se contente de circuler dans les rayons sans rien regarder, finira par se faire repérer que se soit par un vendeur, par un vigile, ou tout simplement par la personne filée. Bref il faut donner l’impression d’être occupé.

Je n’allais tout de même pas me mettre à jouer au bowling seul. Il me restait le bar. Je commandais un verre, et matais ma montre de temps à autre, histoire de faire croire que j’attendais d’autres personnes.

Quelques coups d’oeils furtifs révélèrent la fameuse faille. Steve n’était tout simplement pas à son poste ce soir-là. Ce devait être son jour de congé.

Hélas ma fierté n’était pas contenté. Donc au lieu de tout simplement repasser la semaine prochaine, il fallut que j’insiste bêtement.

J’enchainais un second verre tout en affichant la gueule du mec, qui s’emmerde, puis lançais négligemment au barman :

« Il n’est pas là ce soir Steve ? »

Qu’est-ce que j’espérais avec cette question ? Savoir quand il repasserait.

Ce foutu barman approchait la cinquantaine. La fluidité dans ses gestes suggéraient une longue expérience. Je venais de m’adresser à l’un des vétérans de l’établissement, le genre qui sait parfaitement comment tourne la boutique. Ca me paraissait un bon choix.

Dans un premier temps l’employé marqua un blanc. Il réfléchissait ? Brusquement il soupira tout en hélant Trivette d’un signe de la main.

Le videur me jeta un regard interloqué. Je ne ressemblais pas au bagarreur/alcoolique/drogué/fouteur de merde.

Le barman n’eut qu’une phrase à dire pour le faire changer d’avis :

« Il cherche après Steve. »

Trivette sortit alors le grand classique des videurs et autres vigiles :

« Veuillez me suivre monsieur. »

Le tout accompagné d’une main sur l’épaule avec une pression suggestive.

Comment m’avait-on démasqué si facilement ? Je n’étais pas mauvais... enfin pas à ce point là.

J’étais censé faire quoi maintenant ? Sonner Trivette d’un crochet du droit, le tenir en respect en dégainant mon calibre 38, ou sortir un barratin génial.

Sans doute à cause de ma coopération, le videur m’accorda un semblant d’explication :

« On en a eu marre de Steve, et de ses conneries. Pigé ! »

Normalement tout en m’éloignant j’aurais dû maudire ce coup du sort. Ensuite je me serais bricolé une piste de secours bien foireuse, comme guetter Steve à la sortie de chez lui.

Sauf que sur cette affaire la motivation était présente. Elle me permit de percevoir l’incide sous mes yeux.

Que le renvoi de Steve ait eu lieu à peu près en même temps que sa visite chez Manu, ne pouvait pas être une coincidence ou alors une très grosse.

Visiblement la magouille de Steve sur son lieu de travail , était remontée aux oreilles de son employeur. Sans doute n’était-ce peut-être la première. D’où le renvoi.

Quant à sa visite chez Manu il s’agissait sûrement d’une sorte de vengance mesquine. Un renvoi brutal est toujours un peu humiliant. Alors Steve sous un prétexte quelconque comme un manque de discrétion de la part de Manu, était allé se défouler sur cette cible facile.

Où alors Steve avait été dénoncé par un de ses multiples arnaqués. Mais ignorant lequel il avait fait la tournée des délateurs potentiels, Manu compris.

Ce n’était qu’une théorie, je le reconnais. En tous cas elle tenait la route, et me satisfaisait.

De toute manière ça ne pouvait pas être plus complexe que celà. On ne parlait pas de génies du crime.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas mené quelque chose à son terme. Cette sensation était agréable et motivante.

Je me sentais prêt à rendre visite aux diverses connaissances d’Hamed, et qui sait à le retrouver.


Texte publié par Jules Famas, 25 décembre 2015 à 11h38
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