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tome 1, Chapitre 15 tome 1, Chapitre 15

Le quotidien s’améliorait au fort en ce qui concerne les appelés.

Déjà MAEC avait été muté ailleurs. Son remplaçant TULLY ne cherchait pas à nous piéger à tout prix. Il veillait seulement à la bonne tenue au sein de la base.

Quelqu’un de réglo, rien à voir avec le petit chef précédent.

Et surtout débutait l’opération Caravelle dans l’ensemble de la France. Durant une semaine des fus allaient tenter de s’infiltrer dans les différentes bases de la marine, une sorte de test grandeur nature.

En quoi était-ce bon pour les appelés ? Ces intrusions avaient lieu n’importe quand y compris la nuit. Or pour une raison que j'ignore, nous les appelés étions exemptés des gardes de nuit, sans doute le manque de confiance.

Nous assistions alors à une sorte de revanche sur toutes nos longues gardes à la porte d’entrée.

Pourtant je ne restais pas ce soir-là à la caserne dans l’intention de profiter du spectacle.

Officiellement comme mon camarade de chambrée Vincent, j’avais simplement la flemme de sortir, et envie d’une petite soirée tranquille.

Nous étions à la fenêtre à admirer la vue sur la cour intérieure secondaire. Ça laisse deviner l’ambiance.

Je racontais à Vincent une scène très kafkaïenne à laquelle j’avais assisté le jour même en étant de garde.

La consigne imposait aux visiteurs de passer par le responsable journalier du poste de garde, qui vérifiait sur son ordinateur, si la venue y était enregistrée.

A quoi servaient les appelés en faction devant la porte comme moi alors ?

Un couloir séparait le corridor de l’entrée, et la fenêtre du poste de garde. Donc l’engagé ne pouvait pas interpeller, celui qui négligeait de passer par lui avant de pénétrer dans le fort.

C’est beau l’organisation militaire !

Donc en ce jour de Caravelle nous avions eu une panne de notre réseau informatique. La maintenance était venue rapidement. Malheureusement l’engagé en faction ne voyant pas ses membres sur la liste affichée à son écran et pour cause, ne voulait pas les laisser entrer.

Au bout d’un certain temps le responsable de l’appel (un civil) songea à contacter le surveillant, et résolu le problème en se rendant sur place.

« J’espère ne pas avoir à faire un boulot aussi con une fois dehors. » M’exclamais-je en faisant allusion au surveillant du jour.

« Tu ne vas pas reprendre ton poste ? »

« Mon ancienne agence est en train de couler. Il y a peu de chance qu’ils me reprennent. Et ton engagement t’en es où ? »

« Je suis en train de voir. »

Nous étions au stade de la discussion amicale et inoffensive. Vincent n’étant pas sur ses gardes, la suite logique était d’amener en douceur la conversation sur le sujet m’intéressant.

Hélas je n’étais pas Tarek. En étant conscient je décidais d’entrer dans le vif du sujet avec toutefois un soupçon de velours :

« Tu devrais le faire. Tu n’es pas content de dormir de nouveau dans un lit avec un toit au-dessus ? »

Je prononçais ces paroles sur ton naturel et tranquille.

Malgré cela Vincent prit un certain temps avant de répondre et avec de l’hésitation dans la voix.

« Comment t’as deviné ? »

« La similitude, je suppose. Moi aussi j’ai vécu dans la rue presque deux ans. Et puis t’es revenu si frais de ta nuit blanche lors de notre weekend. Le signe d’un mec habitué à vivre dehors. »

Bien que je sois parvenu à présenter cette découverte comme un concours de circonstance et non une action préméditée, la méfiance de Vincent n’était pas endormie pour autant.

« Et pourquoi tu me le dis ? » Demanda-t-il toujours tendu

« Pour que t’évites de déconner. Qu’est-ce tu vas faire après la quille ? Tu n’as même pas l’air d’avoir économisé sur ta solde. »

Ce faux prétexte de solidarité était calculé dans l’attention de l’attendrir, d’endormir sa méfiance.

Vincent poussa d’abord un petit rire avec une pointe d’attendrissement avant de répondre.

« T’inquiètes pas. Je vais sûrement m’engager. Je dois simplement attendre un peu après la fin du service. »

« Pourquoi ? »

« Pour pouvoir le faire sous mon vrai nom. » Expliqua-t-il l’œil malicieux.

Je crois que ses révélations le démangeaient depuis pas mal de temps.

« Un fils à papa ne voulait pas faire son service. Alors comme je lui ressemblais son père m’a payé afin que je m’y colle à sa place. »

Il poursuivit en précisant que le fiston visant une carrière dans l’administration tenait à son certificat du bon soldat. C’est pourquoi son géniteur ne s’était pas orienter vers la corruption d’un médecin pour être déclaré inapte comme c’est souvent le cas lorsqu’on a les moyens.

De mon côté je n’écoutais plus beaucoup bien qu’un plan aussi tordu mérite de l’attention. Je venais de me prendre une véritable claque.

Ma théorie sur Vincent se basait partiellement sur sa honte de son passée de clochard le poussant à être discret.

Quant à ses moyens financiers, il était censé être à l’origine du vol de Lorient, et avait planqué une partie de l’argent dans le transistor d’Hamed dans le but de brouiller les pistes.

Et c’est toujours dans l’intention de se protéger, qu’il ne voulait pas d’enquête de ma part sur Hamed.

Car en attirant les gendarmes il subsistait un risque éventuel que la culpabilité de Vincent soit dévoilée.

En réalité il ne craignait que pour son usurpation d’identité.

Et moi qui m’apprêtais à user de la menace voir de la force, pour qu’il reconnaissance ses torts et dédouane par ricochet Hamed.

Je me sentais vraiment con.

Pourtant la rumeur sur le père friqué de Vincent aurait pu me mettre la puce à l’oreille.

Cet élément ne coïncidant pas avec mes conclusions, je l’avais mis sur le compte d’un délire de MAEC ou d’une déformation d’information quelconque.

Suivi un court silence avant que Vincent reprenne la parole.

« Au fait il te voulait quoi en réalité le mec au couteau ? » Me dit-il avec un sourire complice.

A présent à ses yeux nous étions amis et à l’heure des confidences.

Moi qui le voyais comme le pire des salauds quelques instants auparavant. Imaginez comment je me sentais.

Je fus donc bien obligé de répondre.

« Il est de Malbousquet et mêlé je ne sais pas trop comment à la disparition d’Hamed. »

Ça sonnait vrai puisque c’était le cas. Hélas cela n’éclairait pas tout.

Je poursuivis.

« Il savait que j’enquêtais dessus, et désirait que j’arrête. »

En enchainant vite le mensonge passa.

De ce que m’avait dit ou plutôt grogné Michaël, il cherchait uniquement à se venger de la venue de la police, que j’avais provoquée lors de leur action punitive à Chicago.

« Qu’est-ce qui t’as pris ? Je croyais que tu ne voulais pas t’en mêler. » Ajouta Vincent s’en se rendre compte qu’il me mettait encore plus dans l’embarra.

« J’ai sorti ça pour que rien ne remonte aux gendarmes. »

Après l’argument technique je passais au psychologique.

« Il est sympa Hamed. J’espérais l’aider un peu. Jamais je n’aurais cru que ça irait si loin. »

« Et maintenant ? »

« Je n’ai rien trouvé. Alors j’arrête. »

Face à mon honteuse impuissance Vincent n’insista pas.

Je venais de faire passer un sacrée baratin. La réalité était exactement l’inverse du moins depuis peu de temps.

Grâce à Didier j’avais trouvé une nouvelle piste, mais je ne voulais pas l’exploiter toujours à cause des emmerdes m’ayant frôlées à Chicago

Et puis Michaël était réapparu.

Abruti par l’alcool et la beue je l’avais suivi docilement sans même prévoir l’évidence du traquenard. Peut-être espérais-je des révélations ?

La vue de son couteau me ramena sur terre.

Ce danger était à la fois concret et incertain. Impossible de savoir jusqu’où Michaël comptait aller : l’humiliation, le vol, le passage à tabac, le meurtre…

A présent je suis sceptique sur ce dernier point. Trop de personnes à proximité (les appelés en l’occurrence), l’avaient vu. Mais sur le moment je ne poussais pas le raisonnement si loin.

Et malgré le risque, j’étais tout de même parvenu à réagir. Bien sûr la peur ne me lâcha pas.

Elle ne m’empêcha pas pour autant de me reculer subrepticement pendant que Michaël flambait avec son arme, et de… me vautrer comme une merde toutefois dans la bonne direction, la seule où se situait une aide éventuelle.

Je ne m’attarderais pas sur mon coup de pied dans la lame. C’était une petite précaution après que le véritable risque soit passé.

Quoiqu’il en soit le simple fait d’avoir répliqué face à cette menace, me procura confiance et fierté.

A la solidarité envers Hamed, à l’ennui, voilà que cette pointe d’orgueil plutôt puérile de ma part en s’additionnant, me procura la force nécessaire d’aller jusqu’au bout.

Et c’était la plus stupide des trois raisons.

Mon come-back débutait maladroitement. Mais au moins j’étais parvenu à résoudre le mystère de Vincent.


Texte publié par Jules Famas, 5 décembre 2015 à 18h38
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