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Première interruption

« Ça y est, tout le monde est là Michaël. » Me dit cette larve de Fabrice en rappliquant.

Je vérifiais du regard que nous étions bien là tous les six. Non pas que Fabrice ne soit pas fiable. Il savait tout de même compter. Il s’agissait juste de préserver sa crainte, de bien lui rappeler que j’étais toujours derrière son épaule. Un larbin ça s’entretient.

Heureusement que le reste de la bande était d’un niveau un peu plus élevé. Il comprenait deux vrais cogneurs, c’est-à-dire des mecs capables de vraiment assurer dans une baston. Les autres étaient juste bons à tabasser un mec avec leurs potes en soutien.

Justement ils n’avaient plus personne sur qui passer leurs nerfs régulièrement depuis quelques temps. Sans oublier les merdes, qui nous étaient tombés dessus récemment. Ils étaient donc tous biens chauds. Le moment était parfait pour passer l’annonce.

« Bon je vais être bref. Je sais où se planque ce fumier, quelque part à Chicago. »

« On le dénonce à la police ? » Proposa Fabrice toujours fidèle à lui-même.

« J’ai une tête de balance ! Et puis si les poulets le chopent ce qui n’est pas sûr, ils lui feront quoi ? Ils le foutront en taule. Moi je veux que cette ordure paye. »

Tout le monde avait pigé où je voulais en venir. Mais personne n’osait le dire tout haut. Fabrice se chargea alors de me refiler cette tâche. Ce qui me convenait parfaitement. Je rappelais ainsi qui était le chef de meute. D’ailleurs je crois que mon larbin s’en doutait un peu.

« Qu’est-ce tu veux lui faire ? »

« Ce qu’il a fait à Robert en lui refilant sa merde. »

« T’en avais pas rien à foutre de lui ? » Répliqua Olivier.

Toujours à me faire chier celui-là. Comme c’était un des deux vrais cogneurs donc très utile, je tolérais ses incartades du moins pour le moment. Une fois l’affaire réglé je me promettais de le remettre à sa place.

Pour l’heure il fallait mettre tout le monde sur mon plan.

« Ouais, sauf que je sniffais la même saloperie coupée, comme vous tous. Ce type ne nous a pas seulement entubés. Il a failli nous tuer. »

« Il savait peut-être pas ? » Suggéra Fabrice toujours à tout embrouiller.

« C’est ça. Et il a disparu pour quelle raison à ton avis ? Il était parfaitement au courant, et maintenant se cache de ses clients. »

Je jetais un petit regard en coin vers le larbin lui signifiant, qu’il n’y couperait pas. L’impensable se produisit alors. Fabrice se rebella, enfin à sa façon.

« Tu sais, il doit avoir des potes à Chicago. Tu n’arriveras pas à l’avoir tout seul. »

« Pourquoi crois-tu que je vous ai appelé ? »

« Tu veux qu’on te serve d’alibi ? »

« T’es vraiment qu’une merde Fabrice. T’as très bien compris. »

Le message était enfin passé, sauf pour Olivier, qui crut encore malin de la ramener :

« T’oublies les trouffions. Ils seront furax, s’ils apprennent ça. »

« Et toi t’oublies que nous sommes à Malbousquet. Ici ces connards regardent ailleurs. Du moment qu’on bousille rien dans leur putain d’Arsenal, ils s’en foutent.

Rappelles-toi quand Ben s’est fait gauler avec une barrette de shit par cette pétasse de premier maître. Le capitaine a vite enterré l’affaire. »

Ben confirma d’un hochement de tête. Les militaires n’étaient pas différents des autres bourgs. Tout ce qui les intéressait, c’était de conserver leurs petites vies pépères sans que rien ne vienne casser l’ambiance.

Je serrais un peu les poings afin d’éviter d’autres contestations. Ça suffit largement.

Seul Olivier cherchait ses mots. Ne les trouvant pas, il n’osa pas passer à l’étape suivante.

Décidément j’étais le seul à avoir des couilles dans cette baraque.

Quand on vous fait un coup de pute, il faut le rendre, sinon vous êtes plus rien. Bien entendu ce raisonnement les dépassait. Tu parlais de mecs !

Il est vrai que je demandais beaucoup à ces minables. Mon projet allait plus loin que tirer un sac à main ou une bagnole.

Je décidais de leur accorder quelques jours, histoire que leurs couilles aient eu le temps de se remettre en place.

Ce délai passé je les traînais à l’extérieur de l’Arsenal pratiquement par la peau du cul.

N’ayant pas le droit de rentrer nos bagnoles à l’intérieur, nous étions obligés de nous taper tout le chemin à pied. Et franchement la traversée avait de quoi déprimer.

Une ville dans la ville disait un dicton populaire au sujet de l’Arsenal. Mon cul oui !

Dans une ville il y a de la vie des gens qui se baladent, des meufs à draguer, là personne dehors hormis quelques trouffions se magnant de rentrer ou de se tirer.

Et les constructions que des clapiers destinés à entasser aux choix des papelards, du matos, ou ces cons en uniformes.

On aurait dit une sorte de parc à thème sans thème, un lieu fonctionnel, vide, triste, et mort.

Je n’avais qu’une hâte, c’était de le quitter. Ce qui arriva plutôt que prévu. Quoique « prévu » ne colle pas beaucoup avec la suite.


Texte publié par Jules Famas, 3 novembre 2015 à 21h28
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