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En cette aube d’un nouveau millénaire.

Je suppose que je dois commencer par cette phrase pourrie. Toute personne dont on lisait un temps soit peu les écrits, débutait ainsi à l’époque.

Donc en cette aube d’un nouveau millénaire, je végétais devant un bureau, un uniforme de la marine militaire sur le dos.

Comment en étais-je arrivé là ?

Je pourrais prétendre qu’à cause de mon année de naissance je comptais parmi les derniers poissards à faire leur devoir de citoyen auprès de notre belle armée. Seulement ce ne serait que partiellement vrai.

Je devais ma situation aussi voir surtout à ma manie de faire les choses à moitié.

Lors de mes classes on m’avait posté à Lorient en Bretagne chez les fus. Vous savez les fusiliers marins, l’infanterie de marine dont le programme contient en vrac : crapahutage, série de pompes, longue marche…. Enfin vous voyez les genres. N’étant pas très motivé pour cela, j’avais fait le pleurnichard devant le psy suffisamment pour être considéré comme une lopette inapte à cette tâche guerrière, mais pas assez pour être exempté de service militaire.

Et voilà l’origine de mon état léthargique.

« Simon. » Murmura ironiquement Patricia dans le but justement de m’en sortir. « Le capitaine d’arme veut te voir. T’as pas fait de bêtise j’espère ? »

Oui je sais le ton de cette militaire était très maternel, alors qu’elle ne me devançait que de cinq ou six ans.

Donc je quittais mon bureau et traversais la cour du fort.

Et oui nous logions dans un fort à Toulon à l’extérieur du grand Arsenal militaire.

L’histoire de ce bâtiment me le rendait sympathique. Bien que sa construction remonte au dix-neuvième siècle, il n’avait jamais été mêlé à une quelconque bataille et à présent servait de centre administratif.

En résumé étant inutile au combat, on l’utilisait autrement. Difficile de ne pas y voir une similitude avec ma personne.

MAEC, le capitaine m’attendait un sourire aux lèvres. Le rôle d’un capitaine d’arme consiste à assurer la sécurité d’une base. Au vue de l’absence chez nous de plans secrets, de missiles nucléaires, et même simplement d’armes…. le capitaine passait son temps à fliquer les appelés.

Au final on se retrouvait avec le cliché du petit chef tyrannique et frustré, le treillis en plus.

« Salut Sherlock. Il y a les gendarmes, qui veulent te voir. » Me dit-il. « Ils sont installés dans l’annexe de la salle de surveillance. »

Je fis l’impasse sur ce surnom dont il usait depuis mes trois mois de présence.

Ma première pensée fut pour les joints dans la piaule. De quoi pouvait-il s’agir d’autres de toute façon ? Adieu les jours du bon soldat, adieu le certificat de bonne conduite. J’étais dégoutté.

Devant la porte de la pièce, un autre appelé Thomas attendait.

Beaucoup parmi nous le voyait comme un lèche-cul.

Il est vrai qu’en redemander en échange des cinq cents francs par mois (ce n’était pas encore l’euro à l’époque), ça pouvait paraitre suspect. Car Thomas s’était porté volontaire pour être chef de liste, c’est-à-dire le gérant de nos tours de garde à l’entrée.

Le connaissant un peu, mon opinion était différente. Pour moi tout provenait de son tempérament de bosseur.

Il cherchait toujours de quoi s’occuper comme lire, dessiner, peindre des figurines… Au fond Thomas était peut-être le moins con de nous tous.

Fidèle à son tempérament il me sauta pratiquement dessus, et engagea la conversation.

« Ils interrogent Vincent pour le moment. C’est malin d’amener du teusch dans le fort. »

« C’est pas le mien. » Répliquais-je énervé par son ton professoral.

« Il est dans ta chambre. Ils ne feront pas la différence. »

Et puis mon petit cerveau se mit enfin à fonctionner.

« Si c’est une affaire de fumette, pourquoi ils emmerdent un sobre comme toi et d’une autre piaule ? »

Hé oui Thomas n’avait aucun vice, si ce n’est les disques d’Ophélie WINTER.

Vous vous dites sûrement : « Comment un type dans la vingtaine pouvait écouter çà ? »

Il était un lourd des fois. Je le reconnais.

« Je suis un peu votre délégué syndical. » Répondit-il.

Tu parles. Il voulait plutôt lui faire cracher des noms supplémentaires à ceux trouvés que de nous représenter.

Cette pensée en provoqua une autre. Celle qu’un détail n’allait pas. Plus précisément il en manquait un. Au bout d’un moment, je finis par trouver. Faut dire que c’était évident. Qui disait joint disait…

« Et Guillaume ! » Ajoutais-je triomphalement. « Ils auraient dû le faire venir aussi. »

« T’as raison. » Pensa à haute voix Thomas intéressé. « Ils n’ont pas pu découvrir un indice sans louper Guillaume. A moins d’être vraiment bigleux. »

« Et puis il y a aussi, Tarek, Didier,... »

« Pitié épargnes-moi la liste. Pourquoi nous trois ? Nous ne sommes pas dans le même service. »

« A part nos classes à Lorient, je ne vois pas de lien. » Poursuivit-il après une courte réflexion.

C’est alors grâce aux raisonnements de ce type, qui contrairement à moi ne disposait d’aucun autre élément, que je compris enfin. Décidément je portais mal mon surnom.

Vincent en sortant confirma très vite ma théorie.

Thomas n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche en s’avançant, qu’il résuma tout en deux mots.

« C’est Hamed. »

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, Vincent n’était pas du genre bavard. Malgré cela je m’entendais bien avec lui. Sans se perdre dans de la psy foireuse, je crois qu’une sorte d’affinité instinctive nous rapprochait. Ce n’était jamais aller très loin non plus, Vincent faisant bande à part.

Cette histoire réveilla mes petits neurones. C’est pourquoi je remarquais sur le visage de Vincent en plus dans son air renfermé habituel, une certaine inquiétude.

Était-ce si grave ? Impatient d’en savoir plus je passais devant Thomas. Je flippais déjà un peu depuis ce que j’avais appris à Marseille.

Dans cette salle d’interrogatoire, se trouvaient deux gendarmes.

Le plus vieux un petit gros à moustache correspondait tout à fait au stéréotype. Le second encore jeune et mince ressemblait à un homme ordinaire. J’étais content qu’il soit présent. Le moustachu ne m’inspirait pas confiance avec son air borné. Surtout qu’une partie de mon passée m’avait donné une mauvaise expérience des forces de l’ordre.

« Nom et prénom ? » Me balança-t-il comme à un chien.

« BIEZ Simon. »

Il y eut un court silence, que le moustachu camoufla en regardant ses papiers. Le trouble du jeune lui ne trompait pas. J’étais classé à part. Savaient-ils à propos de ma visite chez Justine ?

Je n’eus pas vraiment le temps d’étudier la question. Le moustachu reprit la parole sans grande conviction d’un ton voulu autoritaire. Tout cela l’emmerdait.

« Je suis le brigadier-chef DECROT. Et cette autre personne, c’est le gendarme NERVEL. Nous enquêtons sur la désertion de l’appelé Hamed ABIL.»

Il marqua une courte pause probablement destinée à ce que j’encaisse la nouvelle, qui n’était en fait qu’une confirmation.

« Vous n’avez pas l’air très surpris. » Ajouta-t-il donnant cette fois dans le genre perspicace.

Je parvenais à répondre que deux « si » fades. Son cinéma était si grotesque. Comment aurais-je pu y donner le change correctement ?

« Cet homme comme vous le savez sûrement, a déjà un actif assez lourd : vol, et PATC douteuses. Alors si vous le voyez, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Et n’oubliez que la prison militaire est valable aussi bien pour un déserteur que pour la personne qui l’aide. »

PATC signifiait permission à titre de convalescence. L’équivalent des congés maladies chez l'armée.

« La prime de délation est de combien ? »

« Vous savez ce que coûte l’irrespect à un supérieur jeune homme ! »

Je n’en revenais pas. J’avais pensé tout haut. Il était tellement lourd aussi, qu’il m’avait quelque peu abruti.

« Dommage qu’il n’y aura bientôt plus de service pour dresser la racaille comme vous ! » S’exclama-t-il en se levant.

Le fait que la colère parvienne à mouvoir un cul pareil, n’était pas rassurant. J’allais sûrement en baver.

Heureusement le jeune intervient.

« Allons, il n’a rien à se reprocher pour le moment. »

Le brigadier-chef le fusilla d’abord du regard. Apparemment ce type d’initiative était réservé à des galons plus élevés que ceux de mon sauveur.

Moi je m’en foutais. L’essentiel était la réponse à ma première interrogation. Ils ignoraient tout au sujet de Justine et moi.

« Vous avez l’air soulagé tout d’un coup ! » Constata moustache avec un éclair de malice au milieu de ses yeux de bovins. « Ça ne serait pas sans rapport avec l’affirmation de mon collègue ? »

Il m’avait bien baisé l’enculé. Abusé par son apparence et son style presque comique, j’oubliais qu’il s’agissait d’un professionnel sans doute expérimenté.

« Vous ne comptez pas jouer au fouille-merde par hasard ? »

Voilà enfin ce qu’ils craignaient de ma part, juste une éventuelle contre-enquête. Je m’étais inquiété pour rien.

Le stress envolé je pus servir convenablement ma réponse : « Bien sûr que non. » la tête baissée et le regard craintif.

Pile ce qu’un représentant d’une quelconque autorité aime voir.

Et voilà le tour était joué. Bon d’accord il n’y avait pas trop de quoi se vanter. Je le devais plus au bol qu’à la ruse.

Quasiment toute la suite fut d’ailleurs dans la même veine.


Texte publié par Jules Famas, 3 novembre 2015 à 21h17
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