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tome 1, Chapitre 25 « Chapitre 7, Partie 2 » tome 1, Chapitre 25

Elidorano soupira. Il lui tardait d’arriver à Tarem. Il tenait dans une main le registre détaillant toutes les provisions disponibles à ce jour, mise à jour gracieusement par Valan. Dans l’autre il tenait un épais volume recensant toutes les familles Ambulante du Convoi. Quand le Uo lui avait demandé de s’occuper du rationnement, Elidorano s’en était acquitté sans perdre de temps, sachant que ce travail n’avait rien de réjouissant et que mieux valait en terminer au plus vite. Il avait passé la matinée à tenir les comptes, distribuant les rations d’eau parmi les Ambulants. Il avait pondéré le nombre de ration d’eau par famille suivant le nombre d’enfants et d’adultes, puis il avait fourni la quantité restante aux responsables des wagons pour malade, c’est-à-dire à Alako et Betalice. Celles-ci redistribueraient les rations supplémentaires aux femmes enceintes et aux vieillards par exemple. Concernant la nourriture ils étaient plus larges et Elidorano avait laissé le champ libre à Nokate, le chef cuisinier du Convoi. De plus certaines cargaisons de fruit devaient être consommées sous peu. Nokate, ravi, avait parlé de préparer des tartes et des cakes pour tout le monde ce soir.

Par la suite l’assistant du Uo avait remarqué que les enfants Brolls et les adultes ne pouvant chasser étaient particulièrement bien hydratés. Les Brolls devaient avoir trouvé une source d’eau à proximité. Mais Elidorano ignorait où. Ceux qu’il avait interrogés étaient bien incapables de lui répondre. En effet, la majeure partie des chasseurs Brolls étaient partis rencontrer une autre tribu à l’aube.

Le départ des Brolls constituait le sujet d’inquiétude principal d’Elidorano. Car Katala, récemment nommée Bawe, devait accompagner la Première Lance pendant la rencontre avec la tribu concurrente. Et le départ en armes des Brolls ne signifiait rien de bon. Les confrontations entre tribus n’étaient pas rares chez les Brolls et elles se résolvaient souvent en véritable bain de sang.

Bien sûr, Elidorano n’y pouvait rien. Les Ambulants ne se mêlaient pas des affaires des Brolls et en échange, les tribus Brolls acceptaient de commercer avec eux. Pourtant il aurait aimé être là pour s’assurer que les choses n’escaladent pas entre Owabel et l’autre chef. La Première Lance n’était pas réputée pour sa patience.

Deux Lectavis à cheval se dirigeaient vers lui au trot. Quand ils ralentirent, Elidorano reconnut Elya et Vendar, les guerriers qu’il avait affecté à la surveillance du Ledgovas. On aurait difficilement pu constater leur lien de parenté vu qu’ils étaient complètement différents. Elya, qui était l’ainé, avec l’air sûr de lui et le menton volontaire. Large d’épaule et expérimenté, il était particulièrement respecté par les autres Lectavis. Son jeune frère ne devait pas dépasser les dix-huit genèses. Tout dans l’attitude de Vendar trahissait son manque de confiance en lui, de son dos voûté à son regard fuyant.

Les deux hommes le saluèrent avant de faire leur rapport.

-Depuis ce midi, le cultiste de Gener prie dans la crypte du roi Funeste. Il a déclaré ne pas vouloir être dérangé lors de sa communion avec les esprits défunts. Il a également précisé qu’il y resterait plusieurs heures et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

Le roi Funeste avait vécu il y a plus de trois siècles, vers l’an 520 du calendrier Gregorien. C’était un despote qui avait tourmenté son peuple pendant toute une décennie. La légende racontait qu’un jour il invita seize Primitifs à sa table et leur servit les mets les plus délicieux. Puis, quand les Primitifs furent repus, les gardes derrière eux leur tranchèrent la gorge. On dit que quinze de ces êtres succombèrent à leurs blessures, mais que le seizième, enragé par la mort de ses camarades, massacra tous les humains dans la salle et démembra le roi Funeste. Il déclara alors que la table du banquet serait le tombeau du tyran et que le château dans lequel Funeste avait commis ses meurtres serait sa prison. Selon la légende, le château se serait alors enfoncé de plusieurs dizaines de mètres dans le sol, ce qui aurait donné la crypte d’aujourd’hui. Bien sûr ce n’était qu’une histoire que l’on raconte aux enfants pour qu’ils ne s’approchent pas de la crypte, dont les parois étaient accidentées. Mais Elidorano considérait le vœu pieux du Ledgovas comme une provocation.

-Très bien. Qu’il prie tout son soul. Avertissez-moi quand il aura… terminé.

Elya et Vendar s’inclinèrent à nouveau avant de repartir dans la direction où ils étaient venus. Elidorano secoua brièvement la tête, faisant danser ses cheveux noirs. Ecalune pouvait même converser avec l’esprit du roi maudit si ça lui chantait !

Cela faisait plusieurs jours qu’ils étaient sur la route qui séparait Tarem et Tomroe. Désormais les petits vallons verts et les étendues fleuries avaient laissé la place aux landes sèches et brûlées des Plaines-Caveaux. Cette surface désolée fissurée par endroits était reconnaissable par tout voyageur aguerri des terres marchandes. Un territoire dangereux et impitoyable pour les hommes. Les traverser revenait à jouer aux dés avec la mort. Et comme souvent, les dés étaient pipés.

Encore un mythe. Selon la légende, il y a deux mille genèses, Jonaevach Marilion Seden Makenez, aussi surnommé le Seigneur des Rampants sorti d’une de ces étranges plaine. Comme un dieu de la mort surgissant de nulle part il laboura la terre et la chair sur près de la moitié de Leeri à l’aide de ses Makenez et de millions de Veldaars. Les Makenez montaient de bien terribles créatures appelés les Vers de Pierre mesurant entre quinze et cinquante mètres de diamètres. Seul le Chien de Feu parvint à repousser Jonaevach lors des Amers Conflits. Il est dit que le Chien de Feu sauva l’humanité toute entière quand il vainquit Jonaevach en terres Drinad.

Si la véracité de ce conte peut sérieusement être mise en doute et que même l’existence des Makenez est réfutable, Elidorano a déjà rencontré des Veldaars. Ceux-ci sont en général des esclaves reproduits en captivité pour satisfaire les fantasmes d’un monarque lambda. Concernant les Vers de Pierre, des dépouilles de taille gargantuesque ont déjà été retrouvées il y a plusieurs décennies. Et selon toute probabilité leur espèce n’est pas éteinte.

En effet, les Plaines-Caveaux sont de plus en plus nombreuses et leur superficie tend à s’élargir selon les études réalisées par les Candélabres. C’est un fait inquiétant car en considérant que les Vers de Pierre aient survécu et continuent de creuser sous la surface, les terres marchandes deviendront de moins en moins viables. S’aventurer dans les Plaines-Caveaux, c’est prendre le risque que le sol se dérobe sous ses pieds et de sombrer dans un abîme sans fond. Les explorateurs qui se sont aventurés sous terre décrivent d’immense cavité et failles dont les plus profondes descendent sur plusieurs milliers de mètres.

Elidorano s’aperçu qu’il avait machinalement arrêté son cheval, observant captivé les étendues brunes à l’est. Il mit pied à terre et déroula une de ses toiles vierges. Il était vrai que les Plaines-Caveaux possédaient une certaine beauté après tout.

Tracer une esquisse était comme commencer une conversation. Au départ il fallait faire les présentations. Elidorano s’imaginait à la place de ces plaines désolées. Pour cela il ferma les yeux et se détendit du mieux qu’il pouvait. Puis il ouvrait son esprit. C’était peut-être la meilleure description qu’il pouvait donner du phénomène qui se produisait alors. Les Plaines-Caveaux répondaient à son appel avec curiosité et avidité. Elles n’avaient pas communiqué avec des humains depuis bien longtemps comprenait intuitivement Elidorano.

Un dialogue s’amorça, les interlocuteurs de l’Ambulant décrivaient leur peine, comment ridés par le temps et la chaleur, guettant la moindre goutte d’eau à portée et respirant péniblement, ils avaient survécu jusque-là. Leurs ventres grouillaient de vie, d’infâmes créatures craquaient et grognaient en profondeur, forant la chair avec la ténacité des fourmis. Elidorano pouvait presque ressentir l’intolérable douleur que les Plaines-Caveaux devaient supporter chaque jour, torturées par des tortionnaires inconscients.

Patiemment, l’Ambulant s’appliqua à décrire du mieux qu’il pouvait ses interlocuteurs, traçant l’abime peuplé dans leurs girons et esquissant leurs visages brûlés par le soleil en surface.

Une chevelure hirsute se glissa à ses côtés coupant la délicate connexion qu’Elidorano avait tissée avec ses modèles.

-Quel choix merveilleux ! Le grand Elidorano a décidé de dessiner les interminables steppes arides qu’on se botte depuis deux jours. Ça ressemble plus à de la bouse de cheval étalée si tu veux mon avis.

Agacé, Elidorano écarta le fauteur de trouble d’un revers de main. Pourquoi les gens ne pouvaient-ils pas s’empêcher de regarder une esquisse inachevée ? Il ne viendrait à l’esprit de personne d’ouvrir un bourgeon pour y observer la fleur en devenir. Tout comme on ne perçait pas la fine chrysalide qui protégeait la chenille en pleine métamorphose. Au contraire, il semblait logique d’attendre que le bourgeon éclose et que le papillon sorte de son cocon. Eh bien il en était de même avec les toiles. Une esquisse ne devait être touchée par les regards qu’une fois terminée.

Bien sûr Elidorano l’avait expliqué mainte fois à Andreas, aussi il ne prit pas la peine de formuler à voix haute sa pensée. Nul besoin de gaspiller sa salive avec cet insolent personnage.

-Que veux-tu Andreas ?

-Je veux voir comment tu te portes ! C’est normal pour un ami non ? s’exclama le Lectavis, adoptant un air outré.

-Andreas, sous l’œil de l’esprit-monde, pas une seule fois tes visites ont été purement amicales.

-D’accord, d’accord. répondit Andreas sans se démonter.

L’assistant du Uo attendit la suite, les bras croisés.

-Si je ne me trompe c’est à toi qu’on a confié la distribution des provisions ?

-C’est exact. Mais…

-Oh je ne veux pas de l’eau ne t’inquiète pas ! Seulement moi et d’autres Lectavis, on voulait organiser une petite fête ce soir en l’honneur de la naissance du fils de Fortu. Et un peu d’alcool en rab ça nous arrangerait beaucoup. souffla-t-il sur un ton de conspirateur.

Elidorano jaugea Andreas du regard.

-Vous pouvez certainement reporter la fête à demain non ? De plus les futs de bière et de vin sont destinés au troc et non à la consommation.

Le Lectavis parut désappointé un moment avant d’hausser les épaules.

-Je comprends, ce n’est pas grave.

Andreas était presque parti quand il se retourna soudain, se frappant le front du dos de sa main.

-Ah ! J’ai failli oublier ! Le Uo m’a demandé de t’informer au sujet du Candélabre.

-Je sais déjà tout. J’ai parlé au colporteur ce matin.

Andreas sourit.

-Il a dit que tu dirais probablement cela et que je devrais dans ce cas te rappeler que… comment disait-il ? Ah oui ! « La gestion de l’éducation des enfants entre dans les prérogatives de l’assistant du Uo ». mima Andreas, s’appliquant à prendre un ton autoritaire et sentencieux.

Elidorano claqua des dents. C’était tout Ecalo ça.

-Très bien, je m’en occuperai. À ce sujet Andreas, il serait bon que tu n’ébruite pas les propos du colporteur.

Le Lectavis prit une mine soucieuse.

-Je vais faire de mon mieux, Eli. Mais quand on s’ennuie toute la journée, il devient très difficile de tenir sa langue.

Elidorano n’en revint pas. Andreas faisait du chantage ! À lui ! Un instant la pensée de Baradan remontant les bretelles du Lectavis retors lui rendit le sourire. Mais même si l’idée était plaisante elle serait inutilement source de tension au sein du Convoi. Elidorano capitula avec un profond soupir.

-Et tu auras de la bière pour ce soir.

Andreas prit un air ravi.

-Un colporteur tu dis ? Je n’ai pas souvenir d’en avoir vu un dernièrement.

Sans prêter plus d’attention au Lectavis, Elidorano se focalisa à nouveau sur sa toile, peaufinant certains détails, achevant son travail avec minutie.

Ce matin, il avait appris qu’Aulnom, l’une des trois académies des Candélabres avait été réduite en cendre et que la grande majorité des sages étaient morts asphyxiés à l’intérieur. La nouvelle était à la fois tragique et inquiétante. Aulnom se situait près de la frontière est des terres marchandes. La ville de Tarague avait également été incendiée. Ce n’était donc pas des Ruhons. Et une troupe de bandits ne s’en serait jamais prise à Tarague car la prendre aurait coûté bien trop d’hommes. Les soupçons d’Elidorano se tournaient donc en toute logique vers l’empire Dezan.

Peut-être des Maraudeurs ? Ou une véritable armée dépêchée par les trois Conseils ? L’hypothèse des Maraudeurs semblait plus plausible. Si une guerre avait éclaté entre l’empire Dezan et les terres marchandes, ils l’auraient su. Désormais le Daradel’Itati devait être un immense champ de bataille. Les troupes ennemies attaqueraient certainement Menib, la capitale de la seigneurie, si elles voulaient assurer leur victoire.

Quoi qu’il en soit, la priorité était à la discrétion. Le Candélabre Auguste Barnabé souhaiterait certainement rejoindre ses pairs survivants, pleurer ses frères et sœurs morts et aider à reconstruire. Or il était actuellement le seul enseignant que le Convoi avait à disposition pour les jeunes Ambulants. Bien sûr il y avait Ourna, la vieille institutrice, mais cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait plus enseigné aux enfants. Non, mieux valait tenir l’accident sous silence, le temps de trouver au Candélabre un remplaçant. Ce fut sur cette pensée qu’Elidornao rejoignit le Kew où les cours de l’après-midi étaient dispensés.

Le Candélabre donnait cours presque chaque jour aux jeunes Ambulants. Il les initiait à plusieurs langues, comme le Courant, le Dezien, l’Eamalien, le Muskavien et le Broll, il enseignait également l’histoire de leur peuple ainsi que la géographie. Jusqu’à quatorze genèses les Ambulants suivaient une formation intense. Ils devaient apprendre au moins deux langues, dont le Courant, connaître parfaitement les terres marchandes ainsi que les cultures des différents peuples qui y vivaient. Quand un enfant atteignait les quatorze genèses, il choisissait un autre formateur. Il y avait Pweto, qui s’occupait de l’enseignement artistique, Alako pour les futurs herboristes et guérisseurs, Glenn pour le commerce en général, le maître charpentier Dael, le chef cuisinier Nokate, le maître tisserand Peld, le maître forgeron Joel et ainsi de suite. Finalement ils étaient tous des outils au service du Convoi, ils avaient seulement l’opportunité de choisir quel type d’outil ils souhaitaient devenir.

Elidorano reconnut Barné à son crane velu poisseux de sueur et à ses amples mouvements des bras. À s’agiter ainsi, le Candélabre donnait l’impression de vouloir s’envoler. Probablement l’aurait-il fait s’il en avait eu le pouvoir. Ce serait pour lui une occasion inespérée de découvrir si les nuages étaient vraiment gorgés d’eau.

Parmi ses élèves, l’assistant du Uo repéra sa sœur, Emda et Poko. Ces derniers ricanaient au fond, plongés dans une de leurs mystérieuses messes basses. Elidorano grimpa par l’échelle et rejoint Pweto et Micha qui jouaient aux Mandeïlon non loin du cours. Micha était une grande femme aux larges épaules qui était à la fois une forgeronne accomplie et un maître serrurier de talent. Brin, l’un des apprentis de Micha, était là aussi, servant d’arbitre à la partie.

-Par la croupe d’Ura ! J’ai l’impression que tu te fous de moi ! grogna Pweto.

La partie n’était pas en la faveur du maître des arts, il avait déjà perdu toutes ses pièces en argent et en fer ainsi que deux pièces de bois. Son adversaire avait quant à elle perdu sa pièce en or, deux en argent, deux en fer et ses trois en bois. Micha venait de poser une de ses pièces sur une case jaune, une case amovibles. Le socle s’était enfoncé d’un quart de la profondeur maximale, ce qui signifiait que le cylindre était en granite.

-Qu’en penses-tu Elidorano ? demanda Pweto, la mine soucieuse.

-C’est un piège.

-Bien sûr que c’est un piège ! s’exclama le conteur du Convoi. Mais quel est son but ? Si je ne connais pas le but, je n’éviterai pas le piège !

L’assistant du Uo observa la disposition des pièces avec plus d’attention. L’objectif de Micha semblait assez évident. Pweto ayant déjà quatre pièces de fer hors-jeu, si jamais une cinquième était prise, le flutiste perdrait la partie. Et le meilleur moyen pour attirer une pièce de fer était de l’appâter avec une pièce de granite. Ce qui signifiait… que la forgeronne avait à proximité une pièce en argent. Justement, une autre case était occupée par Micha à proximité de l’appât. Quand Pweto prendrait la pièce en granite, il serait pris à son tour par l’une de ces pièces.

-Ne l’aide pas, Elidorano. Il y a un enjeu à la clé. dit Micha, sans lever le nez du plateau.

Sauf qu’il y avait une petite maladresse dans le bluff de la forgeronne. Le granite prend le bois, et le bois prend l’or. Or Micha n’avait plus de pièce en or. Ce qui signifiait que Pweto n’avait pas vraiment besoin de sa pièce en bois restante. Donc qu’il n’avait pas grand-chose à faire de l’appât tendu par Micha. Par contre, la seconde pièce de la forgeronne était intéressante. Celle-ci avait logiquement pour rôle de s’emparer de la pièce en fer trop gourmande, qui aurait pris l’appât. Donc elle devait être en argent. Car l’argent prend le fer.

Pweto semblait avoir abouti à cette conclusion, car il avança une de ses pièces, l’ombre d’un sourire sur le visage.

Il y avait plusieurs façons de gagner au Mandeïlon. La première, la plus simple mais également la moins courante, était de prendre toutes les pièces de l’adversaire. En pratique il suffisait de capturer les pièces de valeurs de l’adversaire, car rares étaient les Ambulants qui pratiquaient l’art de l’alchimie au point de changer le bois en or et vice-versa. Ainsi, la pièce en or valait vingt points, celles en argent dix points, celles en fer six points, celles en granites trois points et un point par pièce de bois. Le score de chaque joueur correspondait au total cumulé de leurs prises. Si un joueur avait un score trop élevé pour que son adversaire le rattrape, la partie était terminée.

Un autre moyen de remporter la victoire était de jouer selon l’une des règles du Mandeïlon : « les pièces capturées doivent respecter la composition initiale du jeu. Le joueur ne respectant pas la composition initiale perd la partie au moment où la pièce en surplus est échangée. » Ainsi, en s’emparant d’une autre pièce en fer de Pweto, Micha aurait cinq pièces identiques parmi ses prises, ce qui était impossible. Elle remporterait donc la victoire. Voilà pourquoi, selon le joueur de flûte, la forgeronne se prêtait à une telle mascarade.

Mais le raisonnement de Pweto était malheureusement faux. Obnubilé par l’occasion inespérée de prendre une des dernières pièces en argent de son adversaire, il en avait oublié toute prudence : Micha n’était pas désespérée au point de tendre un appât sans aucune valeur. En vérité elle avait bel et bien tendu un piège et c’était la raison pour laquelle Elidorano avait prévenu son ami.

L’appât qui n’en était pas un était en réalité la pièce qui offrirait la victoire à la forgeronne. Et la pièce en argent était le véritable appât.

En effet, pour réaliser son plan, Pweto allait devoir exhiber sa précieuse pièce en or. Et c’était elle la véritable cible de Micha. La forgeronne n’avait plus de pièce en bois, mais même un Ambulant avec un faible don en alchimie pouvait changer le granite en bois. Or, tous les trois tours, le joueur pouvait choisir de toucher sa pièce au lieu de la déplacer. Et c’est ce que ferait Micha.

A nouveau, ce fut au tour du flutiste. Celui-ci avança une de ses pièces et déclara vouloir faire un échange. L’Arbitre révéla les deux cylindres confrontés : l’un en argent et l’un en or. L’or prend l’argent, la pièce de Pweto gagna.

Comme prévu, Micha demanda à toucher sa pièce. Puis elle procéda à un échange et s’empara de la pièce en or de Pweto.

-J’ai gagné ! annonça fièrement la maître serrurier.

Elle totalisait désormais quatre-vingt-deux points, contre soixante-trois points pour Pweto. De plus il ne restait au maître des arts que des pièces en granite et en bois. Même en réalisant une alchimie granite-fer, il ne pourrait pas dépasser ce score.

-C’était donc ça le piège… Tu l’avais vu n’est-ce pas ? lui demanda Pweto l’air abattu.

Elidorano acquiesça.

-T’as progressé au Mandeïlon, Elidorano ! Y’a une sanois t’aurais été bien incapable de me voir venir ! s’exclama Micha.

-J’affronte quotidiennement un expert en la matière. souffla Elidorano.

Ecalo estimait que l’assistant du Uo ne pouvait se permettre d’être aussi mauvais au Mandeïlon, aussi il avait décidé qu’Elidorano ferait autant de partie que nécessaire avant d’atteindre « un niveau convenable ». Et le Uo n’était pas ce qu’on pouvait appeler un maître bienveillant. C’était bien le contraire…

-Que nous voulait l’assistant du Uo au fait ? l’interrogea Pweto, le visage encore boudeur.

-C’était au sujet d’Ourna. Elle a une fille il me semble ?

-Oui et non. Une adoptée qu’elle a. répondit Micha. C’est une des apprentis de Dael. Yelle qu’elle s’appelle, si je me souviens bien.

-Elle avait suivi une formation dans une des académies pour Candélabre non ?

-C’est ça. C’était la vieille Ourna qui voulait qu’elle s’instruise mieux que les autres.

-Et puis elle ne tenait pas Barné dans son cœur. glissa Pweto amusé.

Ce n’était pas nouveau. Les querelles entre Ourna et le Candélabre étaient suffisamment fréquentes et virulentes pour que tous les membres Convoi sachent que mieux valait ne pas se trouver entre ces deux-là au moment où l’orage éclatait.

Elidorano se demanda si Yelle serait en mesure d’instruire les jeunes Ambulants. Ce n’était pas une tâche facile, et cela signifierait qu’elle devrait probablement mettre entre parenthèse sa formation d’apprentie charpentier. La convaincre ne s’annonçait pas facile…


Texte publié par Louarg, 16 novembre 2015 à 00h06
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