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Partie 2

Une goutte d’eau vint taquiner le bec de l’Ourkkha. Elle releva aussitôt la tête, impatiente. Le ciel déjà couvert était maintenant assombri par les épais nuages gorgés d’encre. Une deuxième puis une troisième goutte tombèrent sur sa tête, glissant sur son pelage acajou.

Enfin il pleuvait.

La créature étira ses membres engourdis. L’attente avait était longue. Prenant appui sur une écaille rocheuse, l’Ourkkha déploya ses grandes ailes et prit son envol. Elle fendit l’air sans scrupule, prenant de l’altitude. Le vent protesta, lui opposant de la résistance. Le timide crachin s’était changé en averse et un déluge d’eau frappa la bête, alourdissant son corps.

L’Ourkkha rugit et utilisa ses puissants battants pour s’élever encore. Ici, les bourrasques se déchaînaient les unes après les autres, hurlant et ruant un moment, se dissipant comme par magie l’instant suivant. Ballotée par les assauts sauvages des rafales et inondée par un torrent d’eau glacé, l’Ourkkha luttait contre les éléments enragés, son cri bestial retentissant régulièrement. Et elle gagnait inlassablement de la hauteur, avide de gouter à la fureur de la tempête qui se préparait.

Un éclair zébra le ciel, éclairant pendant un instant fugitif la bataille qui se déroulait dans les cieux. L’Ourkkha était la seule combattante assez hardie pour voler à cette altitude. Les aigles et les autres rapaces avaient déserté le coin et si elle pouvait distinguer quelques chouettes braver la tempête, ces dernières se trouvaient bien plus bas, préférant la proximité des arbres.

Un nouvel éclat lumineux déchira le manteau de vent. Aussitôt le tonnerre mugit comme un taureau, rugit comme un fauve et gronda comme un ours. Il dévala les courants aériens, vibrant et écrasant le moindre son, hérissant les poils de tout être vivant qu’il rencontrait. L’air chargé en électricité crépita, semblant sur le point d’exploser. La foudre claqua comme un fouet, s’éclatant contre les rochers en hauteur et fendant les arbres. Les échos de ses terribles coups résonnaient dans les cieux sous tension.

Ravie, l’Ourkkha s’approcha un peu plus des nuages noirs de suie. Leur pelage était parfois parcouru par de fugaces étincelles qui illuminaient leurs organes vaporeux. La sensation de danger était grisante. Son corps, malmené par les tempétueuses bourrasques et la pluie, supportait tant bien que mal les cahots. Ses ailes fatiguées par l’effort se laissaient porter par les éléments, descendant et remontant au rythme capricieux du vent.

« Tel un papillon attiré par les flamme de son bûcher. »

L’Ourkkha perdit de l’altitude, oubliant un instant sa danse au milieu de l’orage.

« Tu es bien impudent de t’aventurer dans mon refuge, humain. »

« Ce n’est pas ce que j’appellerai un refuge. » se moqua la voix.

« Qu’as-tu à me dire ? Mon vengeur a-t-il rempli sa mission ? »

« J’ai échoué... » le ton était pitoyable cette fois.

« Donc, tu viens chercher du réconfort auprès de moi ? Les humains sont si faibles. »

« Et les Esprits bien condescendants. Tu n’es pas différente de nous, Ourkkha. »

La créature poussa des cris stridents qui pouvaient s’apparenter, avec un peu d’imagination, à un rire.

« Tu as gagné humain. Montre-moi ce qui te pose tant de problèmes. »

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L’obscurité réconfortante de la pièce fut tout à coup chassée par des rayons de lumière téméraires, qui décrivirent les contours de l’escalier menant à la cave. Un homme svelte aux cheveux auburn referma la porte et descendit les marches. Puis, il alluma les deux torches de la salle, éclairant les lieux.

Aujourd’hui Stataz avait les traits sombres et fermés. Il était vêtu d’un grand tablier blanc qui n’annonçait rien de bon. Le cœur d’Ucobo battit la chamade, traduisant son appréhension. En voyant l’homme au visage de pierre se saisir d’une épaisse pince et l’examiner, il ne put s’empêcher de s’écrier :

- Que comptes-tu faire ?

-Mes confrères pensent que je suis trop doux avec toi. murmura-t-il.

Stataz se retourna et s’approcha de lui, les traits indéchiffrables.

Ucobo remarqua qu’il avait changé de position. Certainement les cultistes l’avaient déplacé pendant son sommeil. Il était assis sur une chaise, les bras solidement ligotés aux accoudoirs, ses jambes attachées aux pieds de la chaise. Un frisson glacé courut le long de son dos. Prit de panique, il se débattit, sans succès.

Le dezien s’agenouilla face à lui et approcha sa pince de ses doigts de pieds.

-Je vais t’arracher les ongles. Mais si tu bouges trop tu risques d’y laisser les orteils.

Ucobo expira lentement, tentant de se calmer. Sans crier gare, le cultiste lui happa un ongle, déchirant la chair d’un coup sec. Le jeune Ambulant hurla de douleur, tentant d’échapper à son tortionnaire.

« Pourquoi cries-tu ? » demanda une voix curieuse dans sa tête.

Ucobo se figea. L’Ourkkha lui parlait réellement ? Il avait pensé délirer lors de son dialogue en pleine tempête. Il dû se concentrer pour répondre.

« Ça fait un mal de chiant voilà pourquoi ! »

« La douleur est une sensation qui m’est inconnue. » la voix était presque mélancolique cette fois.

Les étranges réflexions de l’Ourkkha passèrent au second plan aussitôt que le dezien s’attaqua à un autre orteil. Stataz ne réagit pas à son cri de souffrance, poursuivant son horrible entreprise. Son tortionnaire s’affairait avec précision et méthode, les traits inexpressifs. Il ne semblait pas retirer un quelconque plaisir sadique à lui arracher les ongles, paraissant au contraire effectuer une corvée.

En l’observant, Ucobo remarqua que le visage du cultiste était pâle et que sa main tremblait. Le jeune Ambulant ressentit une vive émotion qui domina puis chassa la peur et la colère qui l’habitaient jusqu’à présent. Son tortionnaire le torturait comme à contrecœur. Certainement il jugeait ce type de pratique « barbare ». Par le geste qu’accomplissait le dezien, ils étaient liés contre leur volonté. Mais ce n’était pas seulement une relation de gardien à prisonnier. À la souffrance physique que ressentait Ucobo se mêlait la souffrance mentale de Stataz.

L’homme au visage de pierre le torturait parce qu’il n’avait pas le choix. Et pour cela Ucobo le haïssait. La faiblesse et la lâcheté du cultiste souillait cette curieuse symbiose entre la victime et le bourreau. Son agonie n’en était que plus amère.

Ucobo serra les dents. Son pied le lançait et était trempé de sang. Le liquide écarlate gouttait abondamment, imbibant le sol.

« Ourkkha ! Aide-moi ! »

« En supposant que ce soit dans mes capacités, pourquoi le ferai-je ? » à nouveau la créature semblait curieuse.

« Tu es un esprit du bien ! Cet homme me torture ! »

« Je ne suis pas ce que tu crois. Je recherche, il est vrai, un équilibre entre le bien et le mal, mais seulement à une échelle globale. De plus une mauvaise action peut engendrer un plus grand bien. »

« Ma mort importe tant que ça ? » pensa Ucobo, cynique.

« C’était juste un exemple. »

« Si je meurs tu n’auras jamais la pierre. » remarqua le jeune Ambulant.

L’Ourkkha resta silencieuse un moment. Sûrement évaluant la situation selon des critères qu’elle seule connaissait.

« Ce dezien est la clé de ta survie. »

« … C’est tout ? »

« À quoi t’attendais-tu ? Je n’ai aucun pouvoir dans ce monde. Je suis déjà à moitié morte je te rappelle. »

Ucobo fronça les sourcils. Était-ce de l’humour à l’instant ? Peut-être. Mais savoir si l’Ourkkha était capable de faire une blague ou non n’était pas la première de ses priorités.


Texte publié par Louarg, 24 octobre 2015 à 14h59
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