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tome 1, Chapitre 16 « Chapitre 4, partie 3 » tome 1, Chapitre 16

Quand Elidorano arriva à l’avant du Kew de tête, le Uo parlait avec Valan et Mewad, les Ambulants qui géraient d’ordinaire le transport des marchandises. Talada était là aussi étonnamment, ayant revêtu son élégante tunique blanche et argent.

-Concernant le domaine alimentaire, le plus urgent est le manque d’eau potable. Sans rationnement nous serons à cours d’eau dans deux jours. Nous avons aussi découvert des rats dans l’un des Kew chargé des provisions. Le problème est réglé mais je crains qu’une partie de la nourriture soit manquante ou contaminée. Avec les rumeurs courantes sur des épidémies de peste au sud du fleuve Brillad je préconise de ne prendre aucun risque, quitte à détruire une partie de la cargaison. Au niveau du foin nous avons encore de la marge puisque nous n’avons pu en troquer l’excès à Tomroe. Les mufleurs et les chevaux étant rationnés depuis quelques jours je propose qu’on les nourrisse plus correctement, d’autant qu’il reste encore du trajet avant Tarem.

-Alako et Betalice vous font savoir qu’elles manquent cruellement de verveine, de valériane et de belladone pour soulager la douleur. Elles souhaitent faire le plein dans les herboristeries de Tarem autrement il ne sera pas possible de produire suffisamment de remèdes et d’onguent. Elles demandent aussi à ce qu’un troisième chariot leur soit alloué car le manque de place ne leur permet pas de soigner les malades dans des conditions idéales. Plus urgent encore, Dael le chef charpentier indique que des réparations doivent être effectuées le plus tôt possible sur le quatrième Kew car l’une des roues semble endommagée, il voudrait également profiter de la halte à Tarem pour inspecter le troisième et le cinquième Kew.

Le Uo hochait la tête et répondait par l’affirmative ou la négative à chaque question, écoutant patiemment Valan et Mewad. Ceux-ci déroulaient au fur et à mesure qu’ils parlaient leur parchemin couvert de notes.

Elidorano dévisagea avec curiosité Talada qui attendait la fin de la conversation, tout comme lui. L’homme était le porte-parole d’Antares et en cela il jouissait d’une immunité diplomatique sur toutes les terres marchandes et même au-delà. Sa venue n’annonçait rien de bon surtout quand elle était inattendue. Comme à son habitude il arborait un air grave, ses longs cheveux sombres descendaient presque jusqu’à ses chevilles, ses mains croisées sur son torse serrait un manuscrit aux gravures dorées.

Finalement Ecalo mit fin à la discussion et Valan et Mawad disposèrent. Le Uo se tourna vers Talada tout sourire.

-J’ai réfléchi à tes propos Talada. J’accepte bien sûr les directives des Primitifs, que l’œil de l’Esprit-monde les observe. J’aimerai également que tu restes quelques jours je souhaiterais te montrer... Hem disons que tu ne seras pas déçu. sourit Ecalo.

Talada acquiesça en se fendant d’une infime révérence, mouvement que les hommes de pouvoir semblaient maîtriser à la perfection.

-Je resterai jusqu’à notre arrivée à Tarem. Je souhaiterai m’entretenir avec le Majah de l’Ojalah au sujet de tu sais quoi.

Une fois Talada partit, le Uo focalisa son attention sur le jeune Ambulant resté en retrait.

-Ah Elidorano ! Tu fais bien de venir, j’allais te faire chercher. Nous avons plusieurs sujets à aborder aujourd’hui.

Le Uo fit une brève pause, l’étudiant de ses yeux perçants.

-Mais tu veux toi-même me dire quelque chose il semblerait. Qu’est-ce qui te dérange ? Parle.

Elidorano s’éclaircit la gorge et prit le temps de s’asseoir sur la rangée de coussin qui faisait face à Ecalo.

-Je crois avoir fait une erreur de jugement, Uo. Quand il y a plusieurs jours vous m’avez demandé s’il valait mieux poursuivre Ucobo ou le laisser partir j’ai choisis la deuxième option, pensant qu’il ne tarderait pas à revenir. Il semble que je me sois trompé et j’en suis profondément désolé.

Elidorano inclina la tête sentant le regard dur d’Ecalo peser sur sa nuque.

-J’ai moi aussi fait une erreur de jugement en te laissant prendre la décision ne penses-tu pas ?

Le jeune Ambulant releva les yeux. Le visage du Uo était sombre, presque menaçant.

-Pourtant est-ce que je me tourmente sur le choix que j’ai fait ? Non, car ce type de réflexion n’a pas lieu d’être. Je suis le Uo. En cela j’ai la responsabilité de prendre de nombreuses décisions, certaines pour le mieux d’autres moins. Mon rôle n’est pas de ne pas commettre d’erreurs mais de les assumer et d’agir avec les informations à ma disposition. J’ai jugé que tu étais le mieux placé pour décider que faire au sujet de ton frère. Tu as estimé que poursuivre Ucobo était une perte d’hommes et de temps. En définitive nous nous sommes tous les deux trompés et Ucobo ne reviendra peut-être pas. Est-ce que tu comptes te lamenter sur son sort maintenant ? Si c’est le cas tu peux repartir car tu ne me seras d’aucune utilité. La fonction de Uo nécessite aussi d’accepter sa part de culpabilité. Si ton dos se voûte sous le poids des décisions que tu prends, comment pourras-tu guider toute une communauté ? Chaque erreur te fera douter un peu plus de la légitimité de tes actions.

Le Uo le fixa un moment, silencieux.

-Alors que décides-tu Elidorano ? Souhaites-tu toujours être mon assistant ?

Elidorano connaissait déjà la réponse. Il avait seulement eut besoin de confirmer sa détermination. Son vœu avait toujours été de protéger sa famille, son peuple, le Convoi. S’il pouvait se révéler utile au Uo alors tout allait pour le mieux. Aussi Elidorano répondit par l’affirmative sans la moindre hésitation.

En voyant la froide résolution qui brillait dans les yeux du jeune Ambulant, le Uo sembla se détendre et esquissa même un sourire.

-C’est tout ce que je voulais entendre. Sache que le doute n’est pas mauvais en soi. Quelqu’un qui n’a aucun regret risque de sombrer dans le despotisme. Une personne de ce genre est encore moins qualifiée au poste de Uo. Bien ! Maintenant nous allons aborder un sujet important.

Ecalo prit le temps de s’installer confortablement puis joignit ses mains, paume contre paume, comme il aimait bien le faire avant de commencer un commencer un discours. Pourtant, après un long silence, il lui posa juste une question.

-Que penses-tu de la situation politique globale des terres marchandes, Elidorano ?

La question était ambiguë : « que pensait-il ? », le jeune Ambulant jugea préférable de commencer par une présentation objective.

-Globalement la paix règne. Les Muskav-laz et les Déserteurs du Soir ne montrent aucun comportement belliqueux, chacun ayant intérêt à ce que la situation actuelle soit durable. Les Brolls sont indépendants mais ne cherchent pas querelle aux autres peuples bien que les tribus Brolls peuvent parfois se disputer un territoire de chasse. Les Ambulants respectent bien sûr le Principe de neutralité et la loi des Primitifs. Il reste les Ruhons qui sont certainement les plus chaotiques du lot. Les treize principautés qui les réunissent sont constamment en guerre, quand ce n’est pas l’Incad, le Daradel’Itati ou l’Ojalah ce sont les petites seigneuries qui passent à l’acte. Il serait particulièrement difficile de régler les querelles de territoires et les jalousies entre voisins. Cependant nous avons eu droit à une accalmie ces derniers temps avec la formation de l’alliance des sept domaines. Les autres seigneuries hésitent désormais à se jeter dans la bataille, la probabilité d’y laisser des plumes étant assez élevée.

-Très bien, très bien. le coupa le Uo d’un air agacé. Mais où se situent les Ambulants dans ce tableau ? Le Principe de neutralité ne suffit pas à décrire nos actions.

Visiblement la réponse d’Elidorano n’était pas ce qu’attendait Ecalo. Où voulait-il en venir ? La position des Ambulants, dictée par les Primitifs, était de ne pas intervenir directement dans un conflit. Le « directement » avait son importance bien sûr. Cependant il ne fallait pas favoriser l’une des nations en guerre… Elidorano comprit soudain.

-Nous nous situons au centre des conflits entre Ruhons. En effet nous continuons à faire du commerce avec l’ensemble des seigneuries ruhondes, mais cela implique que nous modifions notre cargaison pour pourvoir à leurs besoins. Notamment le troc d’armes est un excellent marché en temps de guerre. De même certains domaines manquent cruellement de vivres et nous sommes là pour y remédier. C’est une position certes avantageuse mais qui serait extrêmement dangereuse si la loi des Primitifs ne prévenait pas des attaques de Convoi.

-Pourquoi donc ? le Uo semblait vaguement intéressé cette fois.

-Il me semble que l’embargo commercial et le soutien unilatéral des Déserteurs du Soir envers les Primitifs pèse déjà lourd dans la balance. Mais plus que cela, le troc de marchandises avec une seigneurie ruhonde à une influence considérable sur le plan politique car cela implique que les Primitifs reconnaissent la légitimité du Majah. À l’inverse si les Convois d’Ambulant évitent une principauté, les domaines ruhons voisins seraient grandement avantagés en cas de conflit. Au contraire ses alliées risqueraient de pâtir à leur tour de l’embargo commercial. Une seigneurie ruhonde peut ainsi se trouver exclue politiquement. J’en déduis que les Majah préfèrent ne pas créer de problèmes aux Convois et nous laissent le champ libre. Cette liberté d’action nous permet d’échanger armes et provisions avec deux seigneuries ennemies par exemple. C’est un jeu pervers pour les Ruhons car plus les besoins au niveau militaire sont satisfaits par le troc, plus la guerre dure. Plus la guerre dure, plus les seigneuries deviennent dépendantes des Convois.

-En conclusion qu’est-ce que les conflits ruhons apportent aux Ambulants ? l’interrogea le Uo, un sourire aux lèvres.

-Nous y gagnons beaucoup, et en particulier dans deux domaines. Tout d’abord nous développons des liens plus étroits encore avec les Ruhons et profitons de la guerre pour accroitre les trocs avec les seigneuries. Indirectement nous développons le commerce avec d’autres nations comme le royaume d’Eamel par exemple, principal fournisseur d’armes et d’armures. C’est l’avantage économique : nous nous assurons un quasi-monopole sur certaines ressources. Ensuite les guerres entre principautés nous donnent un rôle prépondérant aux yeux des Ruhons. Nous y gagnons ainsi un poids politique considérable qui assure notre suprématie sur la totalité du peuple Ruhon.

Le Uo acquiesça, semblant cette fois satisfait par la réponse de son assistant.

-C’est assez vrai. Dis-moi Elidorano, quels sont les principales causes de la guerre ? Je te donne un indice, il y en a trois.

Elidorano s’accorda un temps de réflexion.

-Par cupidité, certains souhaitent agrandir leur territoire ou piller leurs voisins. D’autres, comme les Brolls et les Ruhons se haïssent mutuellement par tradition et en viendraient facilement aux armes si leurs routes se croisaient. Enfin je dirai que le jeu des alliances peut conduire tous les Convois Ambulants à s’unir contre un même ennemi, de même pour les sept domaines.

Ecalo secoua la tête, ses yeux cuivrés pétillants de malice.

-La cupidité, la coutume et les alliances c’est ça ? Ce sont des cas bien trop précis pour constituer des catégories. Cela dit ta réponse maladroite n’est pas entièrement inexacte. Les obligations diplomatiques rassemblent par exemple les contraintes au niveau des alliances ainsi que les comportements agressifs par défaut, bien que ces cas soient rares. Ce n’est pas la cause de guerre la plus intéressante. La cupidité entre dans ce que j’appelle les conflits d’intérêt. Ainsi une seigneurie ruhonde peut déclarer la guerre pour étendre son domaine ou pour profiter des richesses de son voisin. De même, une principauté manquant cruellement de vivres pourrait entrer en guerre par nécessité. D’autres cas moins évident sont des conflits d’intérêt. Par exemple un tyran peut avoir besoin d’entrer en guerre pour focaliser l’attention de son peuple vers un ennemi commun et éviter une révolte. Un Majah dont la nomination rend le peuple dubitatif souhaitera peut-être prouver sa légitimité avec une brillante victoire contre un opposant lambda. Une frontière floue et un gisement de minerai précieux à la clé poussera deux dirigeants à s’affronter. Comme tu le vois les raisons possibles sont multiples.

Le Uo but trois grandes gorgées d’eau de sa gourde en cuir avant de poursuivre. La chaleur se faisait sentir cette après-midi.

-Mais ce qui m’intéresse le plus sont les conflits culturels. Reprenons un de tes exemples. Les Brolls sont un peuple de chasseurs nomades, les Ruhons sont sédentaires et vivent grâce à l’exportation de leur minerai et l’agriculture. Tout oppose ces deux peuples, il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils se méprisent mutuellement. Ne pas comprendre quelqu’un peut être un puissant motif pour lui faire la guerre. Parce que tu ne saisis pas la culture d’autrui, tu te montres méfiant et tu as peur. L’apparence peut jouer un rôle important, pense aux nordiques qui sont souvent surpris par notre couleur de peau. La langue est également un symbole culturel solide. Parler le dezien, le courant, le cynitien ou encore l’yrois va permettre à quelqu’un de déterminer non seulement d’où tu viens mais aussi de te juger. Ainsi, les deziens n’apprécient ni les eameliens ni les cyntiens. Les cyntiens sont très prudents quand ils ont affaires aux yrois. Mais tous ces peuples apprécient de faire affaire avec un Ambulant. Nous nous comparons sans cesse aux autres, mesurer nos différences est un moyen comme un autre pour l’homme de savoir s’il peut faire confiance à un individu.

Le Uo pointa un doigt sur lui.

-Tu es à moitié nordique ! Ton sang Ambulant n’est donc pas pur. Tu n’es certainement pas qualifié pour diriger un Convoi !

Ecalo baissa lentement son bras.

-Pourtant il me semble avoir entendu que tu parles cinq langues couramment. Que ta faculté d’apprentissage ne cesse de surprendre un certain Candélabre et que tu as la tête froide. Des qualités très importantes pour un Uo. Dans ce cas que dois-je écouter ? Mon instinct qui me dit que tu n’es pas fait pour guider mon peuple, ou ma logique qui me souffle que tu ferais un bon chef ?

Elidorano rougit sous le compliment. Il était rare qu’Ecalo vante les mérites de qui que ce soit.

-J’ai laissé sciemment de côté une facette importante de conflit culturel. Peux-tu me la citer ?

-La religion. répondit Elidorano.

Les événements qui s’étaient déroulés à Tomroe étaient encore frais dans sa tête.

Ecalo lui fit un grand sourire et leva les bras jusqu’à former un essieu.

-C’est le moment d’étaler tes connaissances comme de la marmelade sur du pain dur !

Elidorano ne sut s’il devait être vexé ou non. Après tout le Uo avait un sens de l’humour assez tordu. Cependant il s’exécuta avec un plaisir mal dissimulé.

-« Il y a quatre cultes majeurs recensés actuellement ainsi qu’une considérable quantité de croyances plus ou moins représentées.

Pour le peuple Ambulant, c’est la figure du Cocher qui joue le rôle de dieu. La légende énonce que le dieu voyagerai sur un gigantesque chariot sur la toile de l’univers, son attelage halé par d’impressionnantes créatures ailés. Sa cargaison est constituée d’innombrables sphères appelées Esprit-mondes. Parfois une des boules roule hors du chariot et est prise au piège dans la toile. Le nom de l’Esprit-monde dans lequel nous habiterions est Leeri.

Chez les Brolls il s’agit de Mowak le dieu chasseur à face de rhinocéros qui vient récompenser les braves morts au combat en les menant à l’Ewlow, son domaine, où ils pourront chasser à ses côtés. Pour les Muskav-laz, le créateur est un immense rapace nommé Rachaca qui a pondu notre monde. Quand la nuit tombe, l’oiseau revient couver son œuf. On peut trouver bien d’autres croyances, surtout en terres marchandes, mais il existe également des peuples qui estiment que dieu n’existe pas comme les cyntiens. J’ai entendu dire qu’à Kalagoliel, les habitants voyaient les Primitifs comme des dieux. Chez les deziens, les Courdans considèrent le fondateur du royaume Dezan, Tjiir, comme leur Créateur. Ce qui est vrai ironiquement, bien qu’El’an Jogorri n’ait été qu’un humain.

Les religions principales sont les cultes de Goorglias, de Gener, d’Hycatroppe et de Naplot. Les temples de Goorglias sont essentiellement situés en terres du nord, mais c’est certainement le plus étendu compte tenue de la superficie du royaume d’Eamel. Les adorateurs de Gener sont presque tous deziens, les serviteurs d’Hycatroppes vivent au royaume de Luv-Yr et les prêtres croyant en Naplot se situent en terres marchandes. »

Le Uo avait écouté parler le jeune Ambulant presque attentivement, faisant même l’effort d’étouffer un bâillement. Il avait fait apporter des clémentines si mûres que leur peau était brunâtre et était en train de peler son deuxième fruit quand Elidorano eut terminé. Il l’engloutit d’un coup puis en lança une à son interlocuteur. Elidorano refusa, après l’avoir remercié, la clémentine pourrie.

-Peux-tu m’en dire plus sur le culte de Gener ?

-Gener signifie désespoir dans l’ancienne langue. Les cultistes adoreraient donc le dieu du désespoir. La Main des Châtiments rassemble les plus fanatiques d’entre eux. C’est à peu près tout ce que je sais.

-Dommage. répondit Ecalo avec une moue déçu.

Le Uo se releva après s’être étiré les bras. Puis il parla sur un ton léger.

-Je ne peux pas te révéler le message des Primitifs que m’a apporté Talada, mais tu pourrais en deviner la teneur avec les informations que tu possèdes.

Ecalo semblait se soucier comme d’une guigne que le jeune Ambulant trouve ou non ce que demandaient les Primitifs. Il souriait avec amusement et adoptait sa posture décontractée habituelle. Pourtant quand ses yeux d’aigle se posèrent sur le jeune Ambulant, Elidorano eut le sentiment que le Uo guettait sa réaction.

Elidorano réfléchit au problème. Plus tôt le Uo avait parlé de directives. Il avait donc reçu des ordres. Que pouvait vouloir les Primitifs ? Quelque chose d’assez important pour les contraindre à prendre les devants devait poser des problèmes à l’échelle des terres marchandes. Actuellement, le Convoi se dirigeait vers Tarem, la capitale de l’Ojalah.

« L’alliance des sept domaines ! C’est ça qui ennuie les Primitifs ! » comprit Elidorano.

Si l’alliance persistait, les querelles entre Ruhons diminueraient voir cesseraient. Le marché des armes et armures chuterait de beaucoup, et leur influence sur les seigneuries s’amoindrirait. Plus que cela, l’alliance risquait de devenir à la longue autosuffisante. Si des accords commerciaux durables s’établissaient entre les principautés, les Convois perdraient leur monopole. Oui, l’alliance des sept domaines représentait une menace d’envergure pour les Ambulants.

Qu’avaient donc décidé les Primitifs ? Qu’il fallait briser l’alliance ? Provoquer un conflit entre les sept factions ? Visaient-ils tous les membres de la coalition ou l’Ojalah en particulier ? Certainement, ils avaient établis un plan et donné des ordres aux Convois en conséquence. Et ce plan avait pour objectif de déclencher une guerre.

Elidorano regarda à nouveau l’homme qui se tenait devant lui. Ses cheveux poivre sel rebelles battaient au vent allégrement et ses yeux cuivrés rougeoyaient sous les rayons du soleil, semblant capables d’enflammer à lui seul l’immense plaine qui s’étendait autour d’eux et peut-être même tout l’Ojalah.

Un instant Elidorano se demanda qui était vraiment Ecalo. Etait-il le père chagriné par la perte de sa fille ? Etait-il le descendant d’une des plus illustres familles d’Ambulant ? Ou le Uo responsable d’un Convoi fort de quatre cent personnes ? Ou encore l’homme de confiance des Primitifs et l’instigateur d’une rébellion au sein de l’alliance ruhonne ?

Si la coalition était rompue et qu’une guerre éclatait, alors Ecalo aurait plusieurs milliers de morts sur la conscience. S’il échouait, il exposait le Convoi à la colère des Primitifs. Pire, nul ne savait ce que pourraient réaliser les seigneuries en s’unissant, il était évident que les Majah ne portaient pas les Ambulants dans leur cœur.

Le Uo était tel un funambule tentant non seulement de garder l’équilibre sur l’étroite ligne qui le maintenait en vie, mais également de faire traverser l’ensemble du Convoi avec le moins de pertes possibles.

Ecalo sembla satisfait par ce qu’il lut dans les yeux de son assistant.

-Nous n’avons pas reçu un mais deux invités de marque aujourd’hui. Viens avec moi.

Sur ces mots, il s’approcha du rebord du Kew et descendit agilement une des échelles de chanvre pour atteindre son équidé. Elidorano l’imita, se juchant sur son alezan.

Le chariot réservé aux convives importants ne se situait pas loin. Par cette chaleur, la toile de riche facture avait été dressée et un rideau de soie était tiré à l’avant pour ne pas incommoder les invités. Un cheval à la robe noire comme du jais et au garrot imposant était attaché au véhicule.

Quand ils montèrent tous deux dans le chariot, Elidorano frissonna. Une aura mauvaise se dégageait de l’intérieur de l’attelage. Les membres du jeune Ambulant refusèrent subitement de bouger, un être dangereux se trouvait à quelques pas de lui et seul un fin rideau le séparait de la créature. L’air était plus dense et lourd, rendant la respiration plus difficile. Son instinct lui dictait de fuir, Elidorano pouvait même à cette distance deviner la soif de sang qui émanait de l’entité.

Le Uo souleva le précieux tissu d’un geste cérémonieux.

-Je te présente son honneur le Ledgovas Ecalune Gavracid, porte-parole du Guide Suprême de la Main des Châtiments et représentant du culte de Gener.


Texte publié par Louarg, 26 septembre 2015 à 16h47
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