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Le vent glacé de l’altitude fouettait sa chevelure et bleuissait sa peau claire ; et pourtant, rien n’aurait pu la faire bouger du promontoire où elle se dressait, immobile, le regard fixé dans le bleu insensé de l’horizon.
    
    Elle respirait à peine, autant par appréhension que parce que l’air trop froid lui brûlait les poumons. Il aurait dû être de retour depuis plusieurs heures déjà. Elle était bien plus inquiète pour lui que pour elle-même, en dépit des fers qui enserraient ses chevilles minces et de la main lourde qui pesait sur son épaule, prête à la pousser dans le néant blanchâtre qui entourait le pic rocheux.
    
    Peut-être avait-il été capturé, ou pris dans des turbulences et jeté contre une falaise ; peut-être était-il blessé, incapable de rentrer à Cimes. Son nom franchit ses lèvres tremblantes en fragments épars.
    
    « An… ge… lus… »
    
    La voix rauque retentit à ses oreilles :
    
    « Cette fois, il a pris le large. Il se moque pas mal de toi, après tout, tu ne crois pas ? »
    
    En dépit de son épuisement et de sa crainte, elle se redressa avec résolution, pour lui montrer combien ses allégations étaient infondées. Elle lui gardait toute sa confiance. Même quand l’homme mettrait à exécution cette menace qui avait pesé sur elle depuis son arrivée à Cîmes, dix ans plus tôt, même quand elle plongerait à travers les nuées, découvrant pour la première et la dernière fois ce que pouvait ressentir un Ange en plein vol, elle continuerait à croire en lui.
    
    La main se fit plus lourde encore ; elle se sentit ployer sous cette force qui dépassait tant la sienne. L’angelier n’avait jamais montré la moindre clémence, ni envers les Anges, ni envers les Chaînes. Elle aurait pu fermer les yeux, pour éviter de regarder son sort en face, mais la loyauté absolue qu’elle ressentait envers Angelus lui conférait une force dont elle ne se serait pas crue capable.
    Déjà, elle le sentait reculer le bras pour la projeter par-dessus le bord de la falaise…
    
    « An… ge… lus… ! »