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Sous les couleurs de l’arc-en-ciel
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Sous les couleurs de l’arc-en-ciel

Le barbare la trainait par les cheveux. Sa robe blanche était couverte de terre et son châle s’était enroulé autour de ses bras. Soudain les cailloux cessèrent de râper ses chevilles. Ses jambes flottaient désormais dans le vide. La brute qui l’avait kidnappée dans la forêt venait de sauter et s’élevait dans le ciel. Elle cessa de le menacer et de l’insulter, effrayée par la vue de la terre qui s’éloignait d’elle. Ils quittèrent les nuages du ciel pour rejoindre l’éther du cosmos. L’agressivité du barbare envers elle s’amenuisa. Si bien qu’elle put voir sa tête, un masque la recouvrait. C’était un masque de verre qui, malgré la matière dans laquelle il avait été ouvragé, ne laissait pas voir le visage qui était en dessous et ne reflétait pas les étoiles qui scintillaient autour d’eux.

Après quelques minutes à flotter dans cette nuit éternelle ils s’approchèrent d’une sphère qui, elle, reflétait toutes les lumières venues des abysses cosmiques, une lune de glace. Le barbare se posa violemment sur cette lune. Sa captive heurta les blocs de glace miroitants. En se relevant elle se couvrit de son châle aux couleurs de l’arc-en-ciel pour se protéger du froid. C’était inutile, aucun vent ne bâtait ce désert, le froid ne venait pas de l’air et des mouvements d’une atmosphère capricieuse et changeante. Il venait des glaciers immuables qui auraient dû fondre il y a des lustres s’ils avaient été sur le monde des hommes. Une sorte d’autel avait été sculpté dans la glace pour accueillir le corps d’une femme, elle était couverte de sang.


Je t’ai vue soigner les faons dans la forêt. Guérit la et je te laisserai la vie sauve. Mais si elle succombe à ses blessures la glace de cette lune fondra sous la chaleur de ton sang, maudite elfe.

Il dit cela en mettant sa hache, teintée de sang, sous la gorge de l’elfe à la robe blanche.

Elle regarda la blessée. Cette femme avait subi de sévères coups de lame, et même si l’hémorragie s’était arrêtée elle était désormais plongée dans un profond coma.


Et tu m’allongeras à côté d’elle, satisfait d’avoir assouvi tes instincts meurtriers ? Dit-elle en portant un regard accusateur sur la hache de son kidnappeur.

Guider par la fierté des elfes, elle ne voulut surtout pas lui montrer sa peur. Le barbare ramassa le marteau qui lui avait servi à tailler l’autel ou reposait sa victime. Il eut envie de l’écraser sur la tête de l’elfe.


Occupes-toi d’elle au lieu de me juger. Grogna-t-il.


Je ne peux rien faire ici, il n’y a rien .Peut-être que si on lui parlait ça pourrait l’aider.


Alors parle-lui et réfrène ton arrogance petite elfe, ou je te montrerai que tu as eu raison d’avoir peur de moi quand tu m’as vu dans la forêt.


Je m’appelle Shéra. Tu pourrais au moins me dire son nom et le tien. Dit-elle, elle ne pouvait pas supporter qu’il ait le dernier mot.


J’ignore son nom. Quant à moi je n’en ai pas. Personne ne m’a jamais appelé et j’arracherai la langue de celui qui osera le faire.

Il sentait sa colère monter alors qu’il parlait à l’elfe. Il préféra donc quitter la lune avant de commettre un acte qu’il regretterait. Shéra resta seule avec sa pauvre convalescente et lui parla.

Le barbare sauta dans le vide interstellaire où il dériva quelques secondes, avant d’être happé par la gravité terrestre. Il s’agrippa à un arc-en-ciel solide qui traversait tout le cosmos. Il s’y balança avec sa main gauche et l’utilisa pour se propulser loin de la terre, vers le soleil. Ce pont arc-en-ciel trembla et vacilla jusqu’à rentrer dans le ciel terrestre. Le guerrier masqué toucha l’extrémité d’une éruption solaire de sa main droite. Il se laissa glisser le long de la gerbe de lumière et plongea dans un des puits de noirceur qui parsemaient l’astre du jour. Il secoua de douleur sa main droite et regarda les édifices bâtis dans les parois du puits noir. Ils semblaient tous vides. La terre au fond du puits se mit à bouger. Elle se souleva et une grande tête d’insecte en sortit. Puis les pattes sortirent et poussèrent le corps, immense et caparaçonné, à la surface. Le scarabée se dressa sur ses pattes arrière. Le barbare leva son visage pour lui parler. Son masque recouvrait toute sa face comme la carapace de l’insecte protégeait tout son corps.


Où sont-ils ?


Il n’y a plus personne ici, répondit l’insecte entre ses mandibules, ils ont tous fui par peur de ton attaque. Même nos six rois, soi-disant si fort, ont fui en emportant toutes leurs richesses.


Où sont-ils ?

La voix du barbare résonna plus fort sous son masque.


Cinq se sont cachés parmi les petits humains. Pfff, leur place a toujours été là-bas. Le sixième est allé sur la lune d’or, de l’autre côté du pont arc-en-ciel. Mais ça n’a aucune importance. Pour toi tout s’arrête ici. Meurs !

L’insecte se rua sur l’intrus qui se saisit de ses armes. Mais les armes étaient inutiles face à la colossale cuirasse de l’animal. Malgré ses petites pattes le scarabée attrapa le guerrier et le jeta hors du puits. Le barbare au masque de verre se retrouva au milieu de jets de gaz en fusion qui lacérèrent sa peau de mille brulures. Le scarabée lui aussi était monté à la surface du soleil. Les jets de matière en fusion ricochaient sur sa carapace sans qu’il ressente la moindre douleur. Il avançait dans cet océan brulant sans aucune difficulté et défiait son adversaire.


Ici ta force ne trompe personne, tu ne pourras pas survivre longtemps aux morsures du soleil. Et quand j’aurai vaincu le barbare au masque de verre qui a ravagé la terre et défier le soleil je réclamerai mon dû. Je serai un des rois du soleil, admirer et vénérer de tous.

Le barbare hurlait de douleur alors que le scarabée tentait de le noyer dans la masse brulante où il se débattait. Mais il résista, saisit son marteau et frappa. Il frappa encore et encorela carapace géante. Le marteau rebondissait sur la surface sombre. Le scarabée rapprocha sa tête pour lui parler.


Tes coups ne pourront jamais me blesser. Même dans l’océan solaire je suis invincible. Brule ! Mais brule donc !

Le barbare sentait qu’il ne tiendrait plus longtemps. Même le masque magique, qui avait assuré son invulnérabilité jusque-là, faiblissait face à l’énergie démesurée du soleil. Ses yeux et sa langue commençaient à souffrir sous l’artefact magique. Il frappait et hurlait toujours plus fort à mesure que la douleur devenait de plus en plus vive. Et soudain la carapace du scarabée craqua. Elle se brisa en dizaines, en centaines de petits éclats, comme du verre. Les flammes solaires râpèrent ce qui était en dessous. La chair, les organes, les os, tout le scarabée brula et fondit en une masse morte, informe et bouillonnante.

Shéra n’avait besoin que d’une chose pour exercer ses talents de guérisseuse, de l’eau. Voilà pourquoi elle restait aussi souvent au bord de son lac. Elle y attendait, en regardant son reflet dans l’eau pure, que les animaux et parfois les humains viennent lui demander de l’aide. Sans eau elle ne pouvait pas faire grand-chose pour la femme allongée devant elle. Elle avait bien tenté de faire fondre la glace avec la chaleur de son corps mais c’était inutile. Tout était irrémédiablement froid et inerte ici. Elle vit alors le barbare au masque de verre au sommet d’un glacier. Il tenait dans ses mains le fragment d’une éruption solaire. Il laissa tomber la langue d’énergie jaune. Le fluide solaire fit fondre le sommet du glacier. L’eau tomba en une cascade translucide et vive avant de couler autour de l’autel où était allongée la femme. L’elfe traversa la rivière qui venait de naitre. Elle prit de l’eau dans ses mains puis s’occupa de la femme inconsciente.

Le barbare au masque de verre descendit du glacier et nettoya ses armes sous la cascade. Une fois qu’elle eut terminé avec sa patiente, l’elfe alla soigner les brulures du barbare.


Tu m’as apporté de l’eau mais mes dons de guérisseuse ont leur limite. J’ai fait ce que j’ai pu, mais il se peut qu’elle ne se réveille jamais.

Elle guettait une réaction du barbare mais son masque ne laissait rien deviner


Que s’est-il passé au juste entre vous ? Demanda-t-elle.


Nous étions ennemis et nous nous sommes affrontés. Il n’y a rien de plus à ajouter.

Elle vit qu’un peu de peau avait brulé sous le masque. Elle voulut l’enlever. Il lui agrippa le poignet et failli le briser.


Que vas-tu faire de moi si elle ne se réveille pas ? Me tuer ? Me retenir ici ? Criât-elle en frottant son poignet endolori.


Tu es une elfe. Tu peux survivre dans l’espace. Tu n’auras qu’à utiliser le pont arc-en-ciel pour retrouver la terre.

Sur ces mots il sauta dans le vide sidéral.

Par-delà le pont arc-en-ciel, sur une autre lune, les soldats du sixième roi du soleil s’agitaient. Les couleurs du pont se brisèrent quand le barbare atterrit dessus et leurs éclats tombèrent et dérivèrent dans l’espace. Le barbare, lui, pencha sa tête et vit, à travers son masque de verre, la lune d’or où des lézards sonnaient l’alarme. Ils guettaient ses gestes. Ses yeux parcoururent le vide autour de lui pour voir si les étoiles, sœurs de sa victime inconsciente, allaient intervenir dans la bataille à venir. Elles se contentaient de briller nonchalamment. Des lézards en armure grimpèrent sur le pont et l’attaquèrent. Il encaissa leurs coups de lances et d’épées sans broncher. Il résista à leur venin tout en leur assénant de violents coups de hache. Malgré leur nombre, les reptiles ne parvenaient pas à l’abattre. Se rendant compte qu’il était invincible, ils se replièrent sur la lune d’or et formèrent alors une ligne entre lui et le palais de leur souverain. Il souffla un instant. Bien que la bataille ait tourné en sa faveur la peur le gagna. Une étoile se décida finalement à intervenir. Elle se rapprocha de la lune d’or, cessa de briller et prit la forme d’un dragon. Le dragon vola jusqu’au barbare. Les soldats maintenaient leurs positions.


Relâche ma sœur ! Gronda le dragon.

Le barbare serra fermement ses armes dans ses mains.


Nous ne nous battrons plus contre toi, dit le dragon en voyant que les menaces ne serviraient à rien. Nous t’aiderons même à négocier avec le sixième roi. C’est bien pour ça que tu ne l’as pas tuée et que tu la retiens prisonnière, pour l’utiliser comme monnaie d’échange ? Très bien. Tu as réussi, alors dis-moi où elle est.


Pas tant que le sixième roi du soleil n’aura pas payé.


Payer ? Mais payer pourquoi ? Tu as déclaré cette guerre pour les richesses des rois du soleil. Tu peux les obtenir. Que veux-tu de plus ? Les Tuer?

Oh oui il voulait les tuer. Et à commencer par celui qui se cachait en dessous. Mais il avait trop peur de s’en approcher. Il ne voulait surtout pas montrer sa peur au dragon. Ça lui aurait fait trop plaisir à ce tas d’écailles visqueux. Depuis qu’il avait blessé l’étoile il avait peur de se battre, lui dont les victimes étaient innombrables. Non. Ce n’était pas seulement ça.


Pourquoi l’ont-ils envoyé contre moi ? Demanda-t-il au dragon.


Nous sommes leurs vassaux, voilà tout.

Ce n’était pas seulement la peur du combat. Il a très bien pu se battre sur le soleil. C’était cette lune, ces reflets dorés, ils sont insupportables. La lumière des rochers lunaire se reflétait sur le palais qui les renvoyait au centuple. Malgré son masque le barbare sentait que ses yeux souffraient de cette lumière, elle était encore plus éblouissante que celle du soleil. Non il n’y avait pas que ses yeux qui souffraient, cela se propageait dans le reste de son corps, jusque dans les profondeurs de ses boyaux, jusque dans son esprit. Voilà pourquoi le sixième roi avait quitté le soleil pour venir ici.


Ils n’auraient jamais dû l’envoyer. C’est de leur faute. Rien ne lui serait arrivé s’ils ne l’avaient pas envoyé. Dit-il en sentant que la colère reprenait le pas sur cette peur surnaturelle.


Mais… Ce n’est pas vrai ? Tu es amoureux d’une étoile, toi ?

Le dragon ria. Le barbare sauta du pont arc-en-ciel. Les portes du palais s’ouvrirent quand il toucha le sol. Les guerriers-lézards firent une haie pour laisser passer leur seigneur et maitre. Tous fermèrent les yeux devant le sixième roi du soleil. Le barbare voulut se jeter sur lui mais la lumière d’or l’entoura. L’opacité terne de son masque disparu alors. Il scintilla de mille feux, comme la lune et le palais. Le roi s’approcha de lui, jusqu’à être face à face. Le monarque lui tint le menton et l’observa. Puis il relâcha le puissant guerrier qui tomba à genoux et lâcha ses armes. Le roi s’en retourna vers son palais en ordonnant à ses gardes de l’arrêter. Ils se saisirent de lui tout en le regardant. Leurs langues de serpents sifflaient alors qu’ils le faisaient avancer avec les pointes de leurs lances. Il toucha son masque, il sentait que quelque chose avait changé, les lances des soldats, elles faisaient mal. Les yeux jaunes des reptiles étaient posés sur son visage. Le verre de son masque était devenu transparent. Leurs pupilles fendues pouvaient voir au travers. Sur la lune de glace, Shéra recouvrit le corps inerte de l’étoile avec son châle.


Texte publié par Toluene, 16 juin 2015 à 14h11
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