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tome 1, Chapitre 10 « Nathan » tome 1, Chapitre 10

-Vous allez finir par la casser, à mon avis.

Après avoir fait subir à Nathan toute une série d’examens plus étranges les uns que les autres (et forcément indolores, mais pas agréables pour autant), Walter avait fini, en sautant d'une idée à l'autre de façon totalement imprévisible, par repartir sur une obsession qui, selon Astrid, le taraudait depuis le matin. Nathan ne comprenait pas très bien ce qu’était « l’autre côté » dont le vieux scientifique discourait à n’en plus finir, il avait vaguement compris qu’il devait s’agir d’une réalité alternative, genre l’autre côté du miroir dans Alice aux Pays des Merveilles, peut-être. - Et Walter aurait d’ailleurs bien eu sa place à la table du chapelier toqué, soit dit en passant – Il ne pouvait que supposer que toutes ces élucubrations étaient en fait très théoriques, mais néanmoins il essayait de suivre avec attention ce que le Dr Bishop était en train de fabriquer avec des billes, des aimants, de fins tuyaux et une plaque de verre.

Dieu sait comment, il avait assemblé ces divers éléments pour faire en sorte que la bille de métal, qu’il laissait chuter à une extrémité de la plaque mise à l’horizontale, parcoure celle-ci sur toute sa longueur en prenant de la vitesse, et finisse par en être éjectée vers le haut à l’autre bout. L’effet était surprenant, mais mine de rien, Nathan venait de remarquer que la plaque commençait à se fissurer à l’endroit où la bille la percutait à chaque nouvel essai de Walter.

C’est ce dont il essayait d’avertir le vieil homme, ce qui lui valut une réaction pour le moins inattendue de celui-ci.

-Exactement ! Ca va finir par casser ! Vous êtes un génie, mon garçon !

Et il saisit Nathan par les épaules pour le congratuler, lequel coula un regard incrédule et légèrement effrayé vers Astrid. La jeune femme lui adressa un sourire qu’elle voulait rassurant, avant de se tourner à nouveau vers son écran pour ouvrir un fichier.

C’est que le légiste de Haven venait juste de leur transmettre les dossiers des deux meurtres qui avaient déclenché « l’affaire Archer ». Quelques ajouts de la part du médecin avaient en effet été nécessaire avant qu’il envoie ses conclusions à Walter, histoire d’y intégrer tout ce qu’il avait diligemment passé sous silence dans la version officielle.

Pendant qu’Astrid commençait à parcourir rapidement les rapports, Walter explicitait avec emphase son expérience.

-J’avais sans doute tort de penser que l’autre côté était impliqué, il ne l’est pas de la façon dont je l’imaginais. Mais lorsque votre Monsieur…

-Archer, dirent Nathan et Astrid en chœur alors que , pour la cinquième fois au moins en un quart d’heure, Walter fronçait les sourcils dans un effort pour se rappeler le nom de l'infecté.

-Archer, oui… Lorsque votre Monsieur Archer ouvre un vortex spatio-temporel, d’une manière ou d’une autre il entre en résonnance avec l’autre univers. Ce doit être une spécificité de la façon dont sa capacité fonctionne. Coïncidence ou pas ? Il faudrait pour le savoir que je puisse analyser les modulations de...

-Vous.. heu…vous voulez dire qu’il passe dans un autre univers ?, l'interrompit Nathan, qui sentait qu'il perdait le fil des explications de Walter.

Celui-ci s'agita d'autant plus en continuant son exposé.

-Non. Juste qu’il se met au diapason de cette autre réalité, si vous voulez. Il vibre de la même manière que les objets qui la composent. Ensuite, pour schématiser, tout se passe comme si Archer glissait sur la frontière entre les mondes, pour ensuite revenir à la normale un peu plus loin.

Walter avait lancé à nouveau la bille sur la plaque de verre pour illustrer ses propos , et le « ting » qui s’ensuivit résonna comme le chant du cygne de ladite plaque, qui s’étoila de plus belle.

- Le principe de mon détecteur d’intrusion, continua-t-il, c’est qu’il repère les individus qui entreraient dans notre univers, parce qu’ils sont obligés d’harmoniser localement les vibrations de leur monde avec celles du nôtre lorsqu’ils franchissent la frontière. Résultat, mon détecteur a été trompé par la création du vortex qui cause le même type de phénomène. Mais si ce Monsieur faisait un tel saut dans l’espace-temps là où la frontière est déjà fragilisée, il se pourrait que…

-Walter ! l’interrompit Astrid d’une voix alarmée. Il faut que vous veniez voir cela. Tout de suite.

Le scientifique eut un air contrarié mais s’approcha tout de même de la jeune femme, suivi de près par Nathan.

Sur l’écran, diverses photos d’un cadavre carbonisé et ouvert en deux pour examen s’étalaient.

-C’est le type qu’on a trouvé dans un entrepôt abandonné de la région et qu’on n’a pas réussi à identifier, expliqua Nathan. Le légiste dit qu’il y a tellement d’éléments anormaux dans l’autopsie qu’il pourrait prendre ce cadavre pour celui d’un extra-terrestre, si on était ailleurs qu’à Haven. C’est pour cela qu’on suppose que l’assassin est infecté et qu’il a causé ces dommages à sa victime.

-Absence de solidification de certains cartilages, squelette difforme et anormalement fragile, lut Astrid, qui de toutes évidence choisissait des passages significatifs pour Walter. Et organes atrophiés. Le sujet pourrait être comparé à un embryon humain de taille adulte.

Le visage du vieil homme se contracta.

-Et l’autre cadavre ?,demanda-t-il en se tournant vers Nathan. Celui que vous avez pu identifier ? Totalement différent de celui-ci, n’est-ce-pas ?

Nathan ne voyait pas où Walter voulait en venir, mais en tous cas il avait deviné juste.

-Samuel Rochas, un ami d’enfance de Rob Archer. Brûlé lui aussi après son décès, mais la constitution de son cadavre est normale pour le reste. Le seul point étrange était…

Astrid était passée à l'autre dossier, Walter pointa le doigt vers l’un des clichés qui s'affichait et interrompit Nathan d’une voix qui trahissait la gravité de la situation.

-Une blessure dans la palais de la victime, constituée de trois trous profonds, comme si on avait enfoncé une prise électrique dans la bouche de cet homme.

-Oui, comment avez-vous… ? , commença à demander Nathan, stupéfait.

-Je savais qu’ils avaient quelque chose à voir là-dedans, marmonna le scientifique, avant de tourner le dos et de partir à la recherche d’on ne sait quoi dans son fouillis indescriptible, ce qui porta sur les nerfs de Nathan.

-Quoi ? De qui est-ce qu’on parle ? Vous allez m’expliquer, à la fin ?

Astrid soupira, jeta un regard à Walter, avant de se tourner vers le jeune homme.

-Le cadavre que votre légiste compare à un embryon en est en quelque sorte réellement un. L’autre côté dont Walter vous a rebattu les oreilles depuis tout à l’heure, … Ils ont créé des soldats métamorphes pour les envoyer chez nous, on les appelles des Shapeshifters. Quand ils passent de notre côté, ils sont incomplets et terminent leur croissance ici. Parfois ils sont défectueux et restent coincés en plein milieu du processus, ce devait être le cas de celui-là. Il avait au moins un comparse qui a dû tenter au mieux de le détruire pour dissimuler ce qu’il était.

-Des métamorphes ? Vous voulez dire qu’ils peuvent changer de forme ? Prendre l’apparence de n’importe quoi ? Ou de n’importe qui ?

-En fait, ils copient uniquement des gens, dit Astrid en agitant la tête. Ils utilisent un appareil qu’ils plantent dans la bouche du modèle. Ils volent ainsi l’apparence et les souvenirs grâce à ce dispositif. Et ils tuent l’original. C’est ce qui est arrivé à votre deuxième victime, il a été copié et éliminé.

Nathan essayait d’assimiler au plus vite ces informations, mais il avait un peu la sensation que sa tête allait exploser. S’il n’était pas insensible à la douleur, il serait probablement en train de couver une migraine.

-Mais qu’est-ce que cette chose, en supposant qu'il n'y en ait plus qu'un, serait venue faire à Haven ?

-Il cherche Archer, affirma Walter. Il a pris l'apparence de son ami pour l'approcher et cela a dû échouer. Pourquoi il le cherche, je ne le comprends pas encore exactement, mais c’est lié à sa capacité, de toute évidence.

Nathan avait commencé à tourner en rond comme un lion en cage. Les infectés, c’était une chose, mais cette saloperie-là… Même si son origine n’était pas encore claire pour lui, il percevait parfaitement la menace qu’elle représentait. Ils avaient eu un jour un infecté « caméléon » qui avait sévi à Haven, ce qui s'apparentait un peu à cela, et il en gardait un très mauvais souvenir. Ce Shapeshifter promettait d’être encore pire. Et il pouvait y en avoir plusieurs.

-Comment peut-on savoir combien sont passés de notre côté ?

-Ils étaient peut-être seulement deux ou trois, ils agissent en petits groupes, répondit Walter d’un ton doctoral. Mais d’autres sont déjà infiltrés de notre côté depuis un bout de temps et peuvent leur fournir un soutien logistique pour leur mission, je le crains.

Cette fois, c’en était trop. Nathan ne pouvait pas rester là à ne rien faire.

-Il faut que je rejoigne les autres.

-On va les prévenir, bien sûr , mais Olivia a dit…, commença Astrid.

-Je m’en fiche, tonna Nathan. Vos amis et les miens cherchent Archer, et une ou plusieurs de ces horreurs sont en train de faire pareil. Je veux être sur le terrain.

Il voulait surtout être avec Audrey. Elle était parfaitement en mesure, mieux que personne, de se débrouiller avec des infectés. La laisser partir enquêter sans lui, quand il croyait qu’elle n’aurait affaire qu’à Archer et à un assassin « normal » selon les critères de Haven, il avait encore pu s’y résoudre. Mais avec ce nouveau développement, ce n’était plus possible. Il allait devenir fou s’il restait ici dans ces conditions.

Il tourna un regard quasiment implorant vers Astrid.

-Je vais vous emmener les rejoindre, finit par dire la jeune femme. On va les appeler en cours de route.

-Merci.

Pendant leur trajet, outre un certain nombre d’informations complémentaires qu’Astrid donna à Nathan concernant ces fameux Shapeshifters, ils apprirent que Peter venait de contacter Olivia et Audrey pour signaler que lui et Duke avaient peut-être une piste. Ils pensaient avoir repéré Jeffrey Foreman, le membre de la Garde envoyé pour rapatrier Archer, dans un lotissement en construction. C’est du coup à cet endroit que tout le monde se rejoignit.

Enfin, presque tout le monde. Lorsque Nathan descendit de voiture après avoir remercié Astrid -qui fit immédiatement demi-tour, histoire de ne pas laisser Walter seul plus longtemps que nécessaire - Audrey , qui les avait précédés de peu, avait l’air extrêmement contrariée, et était en pleine discussion avec le fils Bishop.

-Peter avait laissé Duke ici en sentinelle avant d’aller nous appeler car il n’y a pas de réseau, et on ne sait pas où il est passé, lui annonça-t-elle dès qu’il fut à portée de voix.

-Il n'en loupe jamais une , ne put s'empêcher de grommeler Nathan.

-Enfin, Nathan !, répliqua sèchement sa partenaire. Duke a disparu et il y a peut-être un membre de la Garde dans les parages, je te rappelle. On ne sait pas ce qui a pu se passer.

-Bon, intervint Olivia d’un ton tout aussi brusque, cette fois, çà suffit. Qu’est-ce que vous ne nous avez pas encore dit? On n’a pas une minute à perdre et si on veut retrouver votre ami, il serait temps de nous donner les éléments qui nous manquent pour clarifier la situation.

Nathan regarda Audrey du coin de l’œil l’espace d’un instant avant de se lancer.

-Ca va vous paraitre encore plus bizarre que le reste, mais Duke est censé mourir assassiné par un membre de la Garde, selon les prédictions d’une infectée. –Olivia lui jetant un regard dubitatif, il ajouta avec un geste vague de la main: Et il est tout à fait plausible que cela arrive, étant donné... ce qu'il est.

-Pourquoi ?, demanda Peter. Parce que son pouvoir pourrait le rendre ... assoiffé de sang d’infecté et que çà ne plait pas à la Garde ?

-Non. Plutôt parce que ce dont il vous a fait la démonstration tout à l’heure n’est qu’un aspect de son pouvoir. Normalement, les infections se transmettent au sein d’une même famille, mais quand un Crocker tue un infecté, c’est tous les parents de sa victime qui sont "guéris". Et de façon définitive, plus aucune génération de la famille n’est touchée par la suite.

-Cette faculté est montée à la tête de beaucoup d’ancêtres de Duke, enchaina Audrey, ils ont été encouragés par d’autres habitants à œuvrer à l’éradication des phénomènes par la manière forte. Duke ne veut pas suivre cette voie mais la Garde n’y croit pas trop. Certains membres plus radicaux seraient d’avis de se débarrasser de lui juste au cas où.

-Il aurait dû me prévenir, fit Peter à voix basse.

-Enfin, dit Nathan d'un ton qui se voulait rassurant, il est aussi bien placé pour se défendre si jamais...

-Je n'en suis pas si sûre, dit soudain Olivia.

Tout en écoutant la conversation, elle avait commencé à passer en revue les environs, et elle était agenouillée devant une brique qui bordait le talus derrière lequel se trouvait le véhicule de Foreman. Elle l'effleura de l'index et montra le résidu qu'elle avait ramassé.

-Du mercure, dit Peter.

-Le Shapeshifter, renchérit Olivia en se relevant. Il a peut-être pris l'apparence du membre de la Garde pour approcher Archer.

Peter se tourna vers Audrey et Nathan.

-Il est blessé, sa solution la plus simple est de changer de forme à nouveau, il se régénèrera dans le processus. Et quelqu'un qui est proche de la police de Haven pourrait lui convenir. S'il tient votre ami... il n'en a plus pour longtemps à vivre, s'il n'est pas déjà mort.

Il suffit d'un bref échange de regards entre les quatre personnes présentes pour qu'ils sortent leurs armes et se dispersent à la recherche d'autres traces du passage du métamorphe. Et Nathan n'était pas le moins actif de la bande. Dieu lui était témoin que Duke lui donnait des envies de meurtre pratiquement à chaque fois qu'ils se voyaient, et parfois même sans avoir à prononcer un seul mot pour çà. Mais leur relation était loin de se résumer aux tensions perpétuelles entre eux.

Et Dieu était tout autant témoin à Nathan que s'ils arrivaient trop tard pour sauver Duke, il mettrait un point d'honneur à faire passer lui-même définitivement à ce Shapeshifter l'envie de changer de forme. Et si par hasard cette créature, toute artificielle qu'elle fût, était, contrairement à lui-même, capable de ressentir la douleur, ce serait tant mieux.


Texte publié par Spacym, 19 juin 2015 à 13h53
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