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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

-Aspic, contactez Olivia et surveillez le détecteur de singularité. Il ne faudrait pas rater les signes avant-coureurs. Si du moins il y en a.

La voix de Walter, empreinte d'un mélange d'excitation et d'amertume, ne couvrait pas l'infernal boucan que faisait son expérience en cours, mais Astrid était désormais assez aguerrie à son délicat travail d'assistante - avec option baby-sitting incluse- du docteur Bishop pour avoir deviné l'essentiel de ce qu'il venait de raconter, y compris le fait qu'il avait sans aucun doute encore massacré son prénom au passage. Les yeux toujours rivés sur l'écran qui montrait des vues satellite de Boston et ses environs immédiats, elle émit un petit soupir et sortit son portable.

-Walter, hurla-t-elle avant de sélectionner le numéro à composer, vous devez tout de même arrêter cet engin. Je ne peux pas m'éloigner d'ici et Olivia ne comprendra rien de ce que je lui raconterai.

Le scientifique leva le nez de l'engin en question, retira ses lunettes de protection aux verres de couleurs différentes qui donnaient, chaque fois qu'il les portait ,l'impression qu'il s'apprêtait à voir un film 3D, et marmonna quelque chose à propos de baisser l'intensité du convecteur. Puis il examina du coin de l'oeil ce qu'il avait préparé sur le plan de travail: divers objets allant du vieux vinyle jusqu'au cadre numérique dernier cri ainsi que deux tomates bien mûres et un sandwich au concombre et gruyère. Astrid espérait vivement que ces derniers éléments étaient destinés à remplir l'estomac de Walter en cas de fringale pendant l'expérience, mais elle craignait bien d'avoir tort sur ce point.

Enfin, Walter trifouilla l'un des boutons de sa console de commande portative et le tapage diminua. Le laissant continuer à pérorer sur le meilleur moyen de simuler les effets d'un vortex spatio-temporel, Astrid appela Olivia, qui répondit dès la première sonnerie.

-Astrid? Est-ce que Walter a une théorie?, demanda immédiatement la jeune femme.

-Il semblerait. Mais je ne pense pas qu'il en soit tout à fait satisfait lui-même, et il s'est lancé dans des préparatifs plutôt étranges pour illustrer son hypothèse. Enfin, ajouta-t-elle après une légère pause, peut-être pas plus étranges que d'habitude. Quoiqu'il en soit, il reste persuadé qu'il devrait se produire d'autres incidents sous peu dans les environs. Et que l'idéal pour ses recherches serait d'avoir un témoin visuel fiable de la scène. Vous ou Peter, par exemple.

Olivia avait mis son portable sur haut-parleur, et Peter qui se trouvait avec elle à proximité du théatre du dernier "incident" , fronça les sourcils, la moue un peu dubitative.

- Les témoins qu'on a sont fiables, commenta Olivia.

- Oui, approuva Peter, c'est juste qu'ils ne se souviennent que très peu de ce qui s'est produit. A leur place, j'aurais préféré oublier aussi.

Au labo, Astrid plissa le nez d'un air dégoûté en repensant à leur visite sur les lieux du drame. Au moment où elle s'apprêtait ensuite à décrire à Olivia ce que fabriquait actuellement le docteur Bishop, un point se mit à clignoter sur l'écran devant elle. Elle tressaillit.

-Walter, appela-t-elle, venez ici! Vous aviez raison. (Elle colla à nouveau le portable à son oreille et s'assit devant l'ordinateur, pianotant d'une main pour préciser les corordonnées.)

A l'autre bout du fil, Peter et Olivia avaient entendu et se mettaient en mouvement.

-Une singularité?, interrogea Olivia, tout en mettant d'ores et déjà la clef de contact du véhicule.

-Oui. Je vous transmets les coordonnées .

Olivia démarra et ils furent à l'endroit désigné par Astrid en peu de temps.

-Rien de particulier à première vue, fit Peter en regardant la maison qui se dressait devant eux.

Mais sur l'écran d'Astrid, le point clignotait plus vite, ce qui, elle s'en doutait, signifiait que le phénomène inexpliqué avait atteint son paroxysme.

- Soyez prudents, dit-elle à Olivia, qui avait gardé la communication ouverte. Quelque soit ce qui se passe exactement, c'est en plein... Ho ! Attendez, je... Qu'est-ce que c'est que..? Il y en a une autre! Celle-ci diminue d'intensité et il y en a une autre qui apparait ailleurs!

- Ce n'est pas normal, scanda Walter derrière le dos de la jeune femme, qui ne put s'empêcher de se demander intérieurement si le mot "normal" signifiait encore vraiment quelque chose dans ce labo.

A l'autre bout du fil, Olivia était descendue de voiture et Peter s'apprêtait à lui emboiter le pas . La jeune femme fit soudain signe à son compagnon de s'arrêter.

-Attends! Astrid, c'est loin d'ici cette autre anomalie?

-Peut-être cinq kilomètres.

- On se sépare, décida alors subitement Olivia. Prends la voiture et va à l'autre adresse, moi je reste ici et j'appelle déjà des renforts. Je serai prudente, ajouta-t-elle en voyant que Peter ouvrait la bouche pour protester.

Le jeune homme jeta un regard à la façade jaunie et lézardée et acquiesça à contrecoeur. Quelque chose lui disait que le détecteur imaginé par Walter n'avait pas la capacité de repérer ce genre de phénomène à l'avance, que le moment vraiment dangereux était de toutes façons déjà passé, et Olivia devait penser de même. Il fit le tour du véhicule pour se placer côté conducteur et démarra alors que la jeune femme, arme au poing par précaution, s'approchait d'une fenêtre, son coup de sonnette n'ayant obtenu aucune réponse.La vitre était bien trop encrassée pour y voir clairement, cependant, et elle partit vers l'arrière de la maison, à la recherche d'une autre entrée.

Elle ne s'attendait peut-être pas à en trouver une aussi béante que celle qu'elle découvrit. Sur le côté droit du bâtiment, une portion complète de la façade en bois vermoulu, de forme vaguement circulaire, avait disparu. Comme si une boule de bowling géante était passée à travers, et c'était d'autant plus ressemblant à cette image qu'à l'intérieur, on pouvait entrevoir un autre mur explosé de la même façon. Et partout dans la pièce qui avait dû être un salon, les débris étaient bien visibles. D'autant plus visibles d'ailleurs qu'ils étaient tout simplement en suspension dans les airs. Olivia s'immobilisa, comme prise elle aussi un instant dans cet espèce d'arrêt sur image saisissant.

Le moment de stupeur passé, elle fit un pas à l'intérieur, effleura un morceau de bois brisé qui se tenait là, juste à sa hauteur, testa en le prenant en main s'il était possible de le déplacer. C'était le cas, mais il paraissait bien plus lourd qu'il aurait du l'être. Elle remarqua que tout autour d'elle, il n'y avait pas que des morceaux de maçonnerie et de papier peint défraichi dans les airs. Des journaux, des bibelots , une chaise entière... Et toutes ces choses semblaient avoir été suspendues en plein vol alors qu'elles se dirigeaient droit vers la pièce d'à côté. A bien y regarder, même le lourd canapé marron n'avais plus les pieds au sol. Soudain, un léger craquement se fit entendre, des bruits de pas à proximité. Elle avança lentement et silencieusement, passa à travers le trou béant dans le mur et découvrit le même genre de spectacle que précédemment.

A une différence notable près. Il n'y avait pas dans cette pièce que des objets figés dans les airs. Premièrement, il y avait un homme debout, qui se tenait de dos par rapport à elle. Et un autre juste devant lui, mais celui-là flottait en position horizontale à un bon mètre au-dessus du sol, le visage figé dans un rictus de douleur, les yeux exorbités, des goutelettes de sang en suspension émergeant d'une blessure à sa poitrine. Mort, pensa Olivia. Est-ce que c'est l'autre qui...? Et elle réalisa brusquement que cet autre ne pouvait pas être figé comme le reste. Il était certes immobile, mais...

-Pas un geste!, ordonna-t-elle par réflexe, - aussi ridicule que cette phrase puisse paraitre en ces circonstances.

Il pivota vers elle, la dévisagea et cligna longuement des paupières, arborant un air étrange sur le visage, comme s'il émergeait d'un rêve éveillé ou qu'il n'arrivait pas à croire qu'elle soit là. Il rouvrit les yeux et esquissa un sourire résigné, leva les mains sans attendre qu'elle le lui ordonne. Olivia l'évalua du regard: accoutrement un peu original, cheveux mi-longs qui mériteraient un bon coup de peigne, l'air de quelqu'un qui a déjà eu affaire aux forces de l'ordre. Mais rien de très inquiétant à son sujet. Excepté des yeux d'un bleu très pâle insolite ... et qui venaient à l'instant de virer au brun foncé.


Texte publié par Spacym, 16 juin 2015 à 12h30
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