Alors qu'il se morfondait, des bruits lui firent dresser les oreilles. Une voix humaine, un cri bestial ainsi que des chocs. Néanmoins, la curiosité de Grimouche se fit la plus forte. Avec prudence, il parvint jusqu’à l’angle de la rue et avança le museau. Ses poils se dressèrent et une panique sans borne le cloua sur place.
Là, juste sous ses yeux, un combat faisait rage. Les mouvements fluides d’une femme agile rencontraient la résistance d’une immonde créature deux fois plus grande que son adversaire. Des relents de sang remontèrent à la truffe de Grimouche, pétrifié par la scène qui se jouait devant lui. Les attaques et parades de la guerrière s’enchaînaient, si vives que ses rétines canines peinaient à les suivre. La vision des cornes biscornues de la bête, impressionnantes et dangereuses, força Grimouche à déglutir. Pourtant, alors qu’elle se battait à mains nues, la combattante n’avait en rien l’air terrifiée, au contraire !
Grimouche admira cette femme qui semblait voler, tel un de ces oiseaux qu’il aimait bien poursuivre, à l’occasion. L’Oiselle, voilà comment il la surnommerait ! Les yeux de la créature luisaient de rage et ses grognements gutturaux arrachèrent quelques sursauts au petit chien apeuré. Enfin, le démon tomba dans un bruit sourd. Un lourd silence s’abattit sur la ruelle déserte. Au bout d’un moment, le regard circonspect de l’Oiselle se posa sur Grimouche, toujours figé sur place. Avant qu’il ne batte en retraite, elle lui sourit, et ce sourire n’avait rien d’effrayant.
– Salut, toi. Tu ne risques plus rien à présent. Tu peux rentrer chez toi !
Grimouche gémit et baissa la tête. Il n’avait plus de chez-lui. Plus vraiment. L’Oiselle se rapprocha. Son timbre doux sonnait avec délicatesse à ses oreilles sensibles.
— Hey, mais j’te connais ! Tu viens de chez Denise Délice ! J’me souviens… Bon. Les nouvelles vont vite, je sais ce qu’il s’est passé, mon pauvre petit gars. Tu t’es enfui, pas vrai ? Moi, c’est Ari. Avec moi, tu peux être qu’en sécurité ! Je t’aurais bien pris avec moi, mais… Nous, les Grimmores, on a une vie assez mouvementée, tu vois bien.
Il était vrai que ce genre de mésaventure ne s’avérait pas tout à fait sa tasse de thé. Toutefois, sans vraiment se l’expliquer, Grimouche se sentait en confiance et laissa l’Oiselle s’approcher pour lui offrir des caresses tandis qu’elle parlait. Il remua même la queue, content de cette attention qu’on lui portait. Lui, il aurait bien aimé rester avec l’Oiselle, tout de même. Peut-être qu’il pourrait tenter de la convaincre ?
Soudain, un mouvement attira son attention. Une silhouette aux contours diffus qui avançait dans le dos de la Grimmore. Il se concentra et discerna alors une créature difforme et horrible, qui levait une patte aux griffes acérées, prête à assener un coup à la guerrière. Ses yeux paniqués allèrent de l’une à l’autre, mais Ari continuait à lui sourire en le caressant. Ne l’entendait-elle donc pas ? La créature n’était plus qu’à quelques pas, un rictus de haine et de triomphe étirant ses traits hideux.
Grimouche fut alors envahi de colère. Sa Denise avait été tuée par une créature, et celle-ci allait s’en prendre à la gentille Ari ! Hors de question ! Grimouche recula. Ari le fixa d’un air surpris. Mais le chien ne le vit pas. Le regard fixé dans le vide derrière elle, il retroussa les babines et aboya furieusement. Ari regarda par-dessus son épaule. Il n’y avait rien. Et pourtant, son visage se durcit.
Brutalement, elle bascula en avant sur ses deux mains, souleva ses jambes qui heurtèrent violemment la créature derrière elle. Elle termina son saut en se recevant gracieusement sur le sol, face à son ennemi. Un sourire carnassier étira ses lèvres. Le démon dut perdre sa concentration, car il réapparut. Il hurla sa colère et sa frustration. Pourtant, dans son regard, on lisait aussi la peur. Grimouche la sentait. Excité, il bondissait de part et d’autre en aboyant de plus belle.
Agacée, la chose tourna sa gueule dégoulinante vers lui et poussa un grognement menaçant. Grimouche se tut et se recroquevilla sur lui-même.
— Hey ! cria Ari, ne t’avise pas de faire peur à mon chien.
Le monstre lui fit face. Elle tira un sabre du fourreau accroché à son dos. Le démon se ramassa sur lui-même, sa queue ornée de piques suintantes claqua sur le sol. Ari se rua sur son adversaire. Une fois à portée, elle abattit sa lame droit sur lui. Le démon leva un bras recouvert d’une épaisse cuirasse écailleuse. Le sabre rebondit dessus. Ari fit un pas de côté, assena un formidable coup de poing sur le mufle de la créature, qui recula de deux pas en geignant. La Grimmore n’attendit pas une seconde : elle passa la garde de son adversaire et enfonça le katana dans la peau souple sous son bras. Le démon hurla de douleur. Du sang gicla, mais Ari, serrant les dents, enfonça la lame et transperça l’un des cœurs de la bête. Celle-ci s’effondra.
Ari arracha son sabre et le nettoya. Grimouche risqua un œil sur le monstre, puis se mit sur ses pattes et s’approcha pour le sentir. Cette chose n’avait pas la même odeur que ce qui avait tué sa Denise. Pourtant, le petit chien sentit une immense satisfaction à la voir morte. Cela allégea un peu sa peine.
Ari s’installa à même le sol à ses côtés.
— Merci. Tu m’as bien aidée…
Grimouche planta son regard dans les yeux de la Grimmore et pencha la tête sur le côté, en haussant les oreilles légèrement. Elle éclata de rire et lui tapota la tête.
— Bon d’accord… Tu m’as sauvé la mise. Alors, comme ça, tu vois ce qui est invisible ?
Grimouche ne comprenait pas bien la surprise d’Ari. Il avait toujours pu voir les esprits et les autres choses sans odeurs. Ari garda un silence pensif en continuant à caresser le petit chien. Grimouche aimait beaucoup cette sensation. Mais il commençait à avoir froid. Il se serra contre elle en frissonnant.
— Tu sais quoi ? lâcha finalement la Grimmore. Tu vas venir avec moi. Un bon bain, un bon repas et une bonne nuit. Ça te dit ?
Grimouche lui lécha la main. Elle laissa s’envoler un petit rire dans la nuit. Elle se releva, le prit dans ses bras et ils quittèrent le quartier industriel. Le sommeil prit Grimouche pendant le trajet et il rêva de sa Denise. Elle le caressait doucement.
— Bien joué, mon Grimouche.

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