Les alarmes hurlent, mais je les entends à peine dans la tempête. Un tintamarre assourdissant et des bourrasques sauvages m’assaillent de toutes parts. Je suis tellement submergé que j’ignore si le sifflement, qui me vrille les tympans, vient d’un énième dysfonctionnement ou de la naissance d’un acouphène. Je n’ai pas vraiment le temps de m’en soucier ; je dois me battre avec le manche, sinon je finirai dans les courants scélérats. Oui ! Je sais que le moteur gauche est en surchauffe ! Contente-toi de clignoter, maudit tableau de bord ! Ça ne devait pas se passer comme ça !
Tout a commencé avec une rumeur, une brise. Le Nid des Phénix, ce lieu légendaire, tout le monde fantasme de le voir, et en même temps dénigre son existence comme un conte pour enfants. Moi aussi. Pourtant, mes oreilles ne me trompent pas, je sais ce que j’ai entendu. Quand Éole parle, ses mots me sont limpides. Ni une ni deux ! J’ai enfourché mon fidèle destrier volant, solide bien que bricolé de bric et de broc, et je suis parti à l’assaut de l’azur, où une ligne de front grise et zébrée d’éclats sinueux avançait au pas. Malgré le souffle, la fenêtre était ouverte ; ses murmures me guidaient vers la masse menaçante. Ou plutôt, m’ont guidé. Maintenant, je ne peux me fier qu’à mes yeux torturés, mes instruments déboussolés et mon aéronef affolé.
Un éclair ! Pile devant le nez ! Je ne vois plus rien ! Ma vue peine à revenir. Allez ! Faites que tout droit soit la bonne direction… Oui, c’est bon ! Je suis dans un couloir moins tumultueux autour duquel les nuages semblent tourbillonner. Pas le choix, je dois le suivre. L’appareil ne tiendra pas longtemps au-dehors. Alors que je rentre en collision avec un autre mur vaporeux, la lumière soudaine m’éblouit. Je lève une main pour m’en protéger. Le monde retrouve peu à peu des couleurs moins douloureuses pour ma rétine…
… et je le vois, de mes mirettes écarquillées. Majestueux. Magnifique. Immaculé. Un large pilier gigantesque et torsadé se dresse, dans une vrille défiant le firmament et la physique. De nombreuses plateformes y sont accrochées et dessus… Je n’en crois pas mes yeux. Multicolores, aux plumes irisées, ils volent avec grâce ou trônent sur de grands coussins matelassés avec prestance. Le bec légèrement crochu porté fièrement et haut d’un noir d’ébène semble concentrer la lumière, les faisant étinceler d’un éclat surnaturel. Des Phénix, par centaines… Ils existent réellement. Il existe réellement. Le Nid des Phénix n’était pas une légende ! J’oublie momentanément que je pilote, un rire incontrôlable me submergeant avec l’émotion. Je retombe en enfance, les souvenirs de moi et mon père construisant mes ailes remontent dans ma mémoire. Il m’a bercé dans les histoires à propos de ce lieu, avant de prendre son ultime envol.
Une sirène dissonante me tire de l’instant magique. Le moteur droit va lâcher. Je dois atterrir rapidement, mais où ? Impossible de refaire le trajet en sens inverse dans la tourmente ; le seul endroit où je pourrais me poser, c’est… Non, même avec un avion en bon état, même avec les courants cléments autour de la colonne, ce serait périlleux ! À travers la fenêtre encore ouverte, un chuchotement me parvient, les alizés comme messager. La route qui m’est indiquée est claire, pas d’obstacle sur la plateforme étroite. Les chants mélodieux des seigneurs de ces cieux reprennent en écho le message et m’accompagnent. Je donne une tape d’encouragement sur la console de ma monture, un sourire aux lèvres. Prêt pour un dernier rodéo, mon Dragon ?

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