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tome 1, Chapitre 7 « Néphilim » tome 1, Chapitre 7

Quand le tourbillon cessa, Nathaniel se fracassa le genou contre un sol dur, gris, sans revêtement. Son affliction irradia le long du nerf sciatique, le feu dans son dos s’intensifia jusqu’à la limite du supportable. Il se cambra, le visage tordu d’une grimace de souffrance. Ses vertèbres craquèrent. Des claquements sinistres. Il se pencha, main à terre, mais une ligne de feu lui coupa la colonne vertébrale. Il hurla. Expulser la douleur soulageait. La sueur ruissela sur ses joues, se mêla aux larmes. Il tremblait tandis qu’au loin, l’homme étrange s’exclamait :

— Je t’avais bien dit que t’en avais plus pour très longtemps !

Nathaniel releva les yeux, la buée sur ses lunettes floutait l’intriguant, assis en lotus à même le sol. Il cria plus fort, ferma les paupières. Sa peau. Sa peau se déchirait, là, dans son dos. On la découpait de l’intérieur. La déchirure se fit si profonde que sa voix se perdit dans le silence. Des points noirs s’invitèrent devant ses yeux. Il allait s'évanouir. Il allait mourir, là, dans ce lieu inconnu, avec son ravisseur.

— Oh ! D’ailleurs, reprit ce dernier dont le calme olympien contrastait nettement avec les pensées macabres de Nathaniel, ce serait pas mal que tu retires tes fringues. Tu vas les saloper, sinon.

Nathaniel essaya de se débattre quand les doigts aux ongles crochus de son kidnappeur attrapèrent sa chemise. Il n’avait plus de force, ni dans les bras, ni dans les jambes. L’homme n’eut aucun mal à le dominer malgré son allure frêle. Il s’attela à déboutonner Nathaniel, mais suspendit son geste. Le jeune homme s’arqua de nouveau.

Ses yeux se révulsèrent. Des excroissances. Le sang jaillit de son dos, tourbillonna, éclaboussa les murs. Nathaniel tomba au sol sans plus la moindre énergie. Il haleta et, dans sa torpeur, parvint à jeter un œil par-dessus son épaule rougeoyante. Il n’en crut pas ses yeux : une paire de longues ailes pourpres s'étendait de toute leur longueur, ravie de leur liberté nouvelle. Elles respiraient. Elles se mouvaient avec délicatesse, avec allégresse. Les plumes étaient serties de poussière brillante, à la fois hypnotique et inquiétante.

À bout de souffle, il jeta un regard chargé d’incompréhension à l’homme devant lui, mais obtint pour toute réponse son horrible sourire trop large, à la manière d’un triangle inversé. Le bras de Nathaniel céda sous son poids pourtant chétif, le béton froid contre son torse et sa joue le soulagea. Ses muscles tremblaient, pris de spasmes frénétiques. Dans sa fragilité et les ténèbres, il entrevit la lumière : ses jambes, quoique lourdes, ne souffraient plus du nerf sciatique. Ses lombaires non plus. Sa peau pulsait, meurtrie, tandis que le sang commençait à coaguler. Seul le muscle piriforme brûlait sous le coup de l’inflammation.

— Elles sont magnifiques, déclara l’homme aux pupilles scintillantes d’admiration.

Il fallut un instant aux oreilles sifflantes de Nathaniel pour appréhender cette simple parole et un moment de plus pour comprendre de quoi l’individu parlait. Ces… ailes, rouges, se tenaient là, dans son dos, à se mouvoir avec douceur telles des vagues sous la brise.

— Par contre, ta chemise est ruinée.

Nathaniel ne s’en était pas rendu compte. Si son kidnappeur avait su la déboutonner malgré les gestes véhéments de l’agressé, il n’avait pas eu le temps de l’ôter. Ses os supplémentaires n’avaient pas arrachés que son épiderme.

— Z… Z’êtes qui ? demanda Nathaniel d’une voix pâteuse.

Les questions affluaient dans son cerveau, mais refusaient de passer ses lèvres, trop occupé à lutter pour garder les yeux ouverts. Son ravisseur arqua un sourcil et repoussa la capuche de son sweat, dévoilant de longues oreilles pointues ainsi qu’une tâche de naissance qui lui prenait tout l'œil gauche.

— Moi, c’est Ash. J’imagine que ton père t’a parlé de moi…

Son père ?! Les nerfs de Nathaniel vrillèrent sous un sursaut d’adrénaline. Il cracha, en colère, comme à chaque fois qu’on mentionnait ce lâcheur en sa présence :

— De quoi, mon père ? J’ai pas de père !

Ash se mit à rire de bon cœur :

— Ah, si, si, mon petit Néphilim, tu en as un ! T’es pas arrivé sur Tiamat comme par magie. C’est lui qui m’envoie.

Son quoi ?! Tia… quoi ? La tension de Nathaniel reprit une mesure normale, si bien qu’il put se redresser sur les genoux sans manquer de tomber. Il se sentait faible et fatigué, mais les ailes de chaque côté de son dos ravivaient sa frayeur et le maintenaient alerte.

— J’comprends rien de c’que vous m’dites ! D’où vous connaissez mon père ?

Il ne lâcha pas l’être étrange devant lui, mais discerna avec précision les boîtes de rangement dans son dos. Une cave. Ils se trouvaient dans une cave et la lumière chiche au plafond s’harmonisait au gris béton du lieu. Sordide. Un endroit où un serial killer aurait pu commettre ses méfaits sans jamais être inquiété. Comment avaient-ils fait pour arriver là ? Nathaniel déglutit avec difficulté.

— Ça me paraît évident, déclara Ash en pointant sa tâche de naissance du doigt. On s’est connu dans les Cieux, avant ma déchéance.

Nathaniel chercha du regard des signes d’alcoolisation chez Ash. Ou d’une prise de stupéfiants. Peut-être une maladie mentale ? Il était en pleine déréalisation…

— Il est venu me trouver dans les Enfers pour me parler de son fils.

Ash se releva, il marcha avec nonchalance jusqu’à une grande caisse en bois sur laquelle il s’assit.

— Me demande pas quand, continua-t-il, j’ai jamais rien compris aux histoires de Temps chez les Humains. Il m’a parlé de toi, donc, et du fait que t’aurais besoin d’un coup de main pour pas déclencher la fin du monde.

Nathaniel sentit le sang couler dans son dos, il croisa les bras, soudain conscient de sa nudité et du froid ambiant.

— De quoi, la fin du monde ? Et t’es quoi, au juste, si t’es pas un Humain ? Tu te rends compte de ce que tu m’dis ?

Nathaniel avait décidé que, dans la mouise où il se trouvait, plus la peine de faire preuve de civilité. Le tutoiement suffisait.

— T’es sérieux ? Je viens de te dire que j’étais déchu des Cieux et que je flânais dans les Enfers. T’es beau gosse, mais niveau intelligence, on repassera, hein ! Et pour la fin du monde, tu t’imagines bien qu’un Néphilim, ça fait tâche dans le décor. Ton père a dû te prévenir. Ou ta mère.

Les sourcils froncés, Nathaniel se redressa. Il se maintint contre un tuyau pour garder l’équilibre, une fois debout. Derrière lui, ses ailes n’en faisaient qu’à leur tête. Elles se mouvaient en tous sens, sans aucune discipline, chatouillant les murs et s’étirant de tout leur long.

— C’est quoi, ça, un Néphilim ? Je connais pas mon père. Il a abandonné ma mère avant que je naisse. Elle sait rien non plus de tout ça.

Ash demeura muet, le temps d’assimiler l'étendue des propos de son nouveau compagnon. Il croisa les bras avant d’estimer :

— Oh ! Ouais, j’imagine que c’est logique. S’il voulait te protéger, il ne pouvait pas être vu avec toi. Ni ta maman chérie. Ça va être long, cette histoire…

Désabusé, Ash prit une position semi-allongée avant d’expliquer :

— Ton père est un Ange. Quand un Ange et une Humaine, ou l’inverse, copulent, bah ça donne un Néphilim. Toi. Félicitations.

Les ailes de Nathaniel frétillèrent, tout à fait d’accord avec ce début d’exposé. Le jeune homme frémit : les statuettes et posters d’Anges dans la chambre de sa mère… Ses terreurs nocturnes où quelqu’un emmenait son fils loin d’elle, dans un endroit où elle ne pouvait pas les suivre… Elle savait ?

— Et donc, poursuivit Ash, un Néphilim, c’est un peu… une abomination de la nature. T’es pas censé exister. Les Anges et les Humains sont pas censés procréer entre espèces. C’est une règle des Dieux. Comme tu dévies de l’ordre établi, si on te voit, tu vas te faire juger chez les Divins. Et là, la sentence sera sévère. Les Dieux ont toléré la situation une fois, c’était un carnage… Alors, cette fois, ils vont rien laisser passer. C’est la fin du monde qui nous attend. On va s’éviter ça, hein, mon petit Néphilim ?

Nathaniel recula de quelques pas. La porte n’était plus si loin :

— Pourquoi mon père vient pas me protéger lui-même ?

Ash haussa les épaules :

— Il est sur le radar des Archanges. Il peut pas bouger un orteil sans que ça se sache. Les grands manitous sont d’ailleurs bien plus alertes depuis qu’il est venu me voir, soi-disant pour rendre visite à un vieux copain.

Encore deux pas en arrière. Nathaniel sentit le courant d’air passer sous la porte.

— Et pourquoi il est allé chercher un démon ? Dans les Enfers, comme tu dis.

Nathaniel ne croyait toujours pas les dires d’Ash, mais il le maintint dans son délire le temps de fuir à toutes jambes. Bientôt. Encore quelques pas. Des plumes rouges s’invitèrent dans son champ de vision. C’était pas possible. Les Anges, les Démons… ça n’existait pas. Nathaniel n’avait jamais adhéré à ces idées farfelues d’êtres supérieurs, de dieux tout-puissants ou encore d’une possible vie après la mort. Sa mère, elle, y vouait un véritable culte. Mais pas lui. Jamais. Ces… ailes devaient avoir une autre explication. Bien plus logique. Quant à Ash, un malade, un psychopathe qui l’avait amené dans une cave pour mieux l’assassiner. Nathaniel n’avait aucun mal à l’imaginer s’entailler les oreilles pour les rendre plus pointues.

— Bah ! Tu te doutes bien que si l’affaire s’ébruitait là-haut, commença-t-il en pointant le plafond du doigt, alors Gabby aurait sonné dans son cor avant même que t’aies eu le temps de pousser ton premier cri, mon petit oiseau.

Le dos de Nathaniel, encore bien enflammé, se cogna contre la porte. Il retint sa respiration, c’était une question de secondes…

— J’ai fermé à clé. Si tu sors, tu vas subir un châtiment pire que la mort. Et moi aussi par la même occasion. Et ton père, probablement.

Nathaniel se retourna vivement. Fallait le tenter quand même. La main sur la poignée, il tira, poussa de toutes ses forces. Elle ne bougea pas d’un pouce. Il laissa son front se reposer sur le métal froid, donna encore deux pressions sur la clenche, au cas où, puis se rendit à l’évidence : verrouillée.

— Et donc, demanda Nathaniel d’une voix tremblante en se tournant vers Ash, t’es là pour me protéger… parce qu’un certain ‘Gabby’ veut me tuer, c’est ça ?

— Ah, non, non ! répondit le démon en esquissant un sourire trop large pour être naturel. J’ai dit : “pire que la mort”. On ne peut plus te tuer, ça y est !

Il ouvrit grand les bras avant de s’exclamer dans un rire sonore :

— Bienvenue chez les Immortels, mon petit oiseau !


Texte publié par Albane F. Richet, 12 décembre 2025 à 21h47
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