Alors qu’elle paraissait sur le point de se ruer sur lui, une forme vive et blanche jaillit du couloir par lequel ils étaient arrivés et s’immobilisa juste devant le monstre. Aldric la reconnut immédiatement : la créature aux yeux bleus posa sa main sur le crâne de l’animal. Des accords cristallins et doux se répandaient d’elle en vague bienfaisante. Calme, apaisement, tranquillité. La bête frotta sa gueule contre les doigts qui le grattaient tendrement, puis fit demi-tour et disparut dans les ténèbres.
Interdit, Aldric ne pouvait détacher son regard de l’endroit où la bête s’était trouvée. Puis il reporta son attention sur l’être qui venait de le sauver. Elle l’examinait.
— Merci, fit-il.
Un sourire étira ses lèvres et elle lâcha des notes stridentes et rapides. Aldric remarqua que la peau de sa gorge ondulait d’une étrange manière. Enthousiasme, perplexité, excuses, tous ces sentiments fulgurèrent dans son esprit, en un chaos difficile à suivre. Aldric secoua la tête. Mauvaise idée, se dit-il au moment où le mouvement engendrait un élancement désagréable dans ses tempes. La créature se tut, cligna des yeux plusieurs fois en une expression stupéfaite. Avait-il montré des signes d’inconfort ? S’il captait certaines de ses émotions, quand elle produisait de la musique, que lui transmettait-il ? Elle s’approcha et le commandant retint son instinct de fuite.
Elle s’arrêta à un mètre de lui, le scruta. Il s’efforça de lui rendre son regard, malgré sa vision trouble. Les doux sons de leur environnement les enveloppaient, assourdis. C’était étrangement agréable et rassurant, même si la terreur s’accrochait encore à son cœur.
Un trille léger émana de la créature. Plaisir. L’émotion avait été claire et limpide. Aldric, fasciné, ne pouvait détacher les yeux d’elle. Puis un élancement douloureux remonta le long de son bras. Il pâlit et se mordit les lèvres. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre son souffle.
— Je suis blessé, tenta Aldric.
Elle le regarda, l’air de ne pas comprendre. Il activa l’interface médicale puis l’affichage holographique. Une représentation de son corps flotta doucement au-dessus de son poignet. La créature ne parut pas surprise. Était-elle habituée à la technologie ? Elle scruta l’image avec intérêt. Puis, elle écarquilla les yeux. La couleur rouge devait signifier « danger » dans son monde aussi.
Ses réflexions disparurent lorsqu’une décharge de douleur traversa sa poitrine et que sa vision se brouilla davantage. Il s’affaissa légèrement avec un grognement. Ses symptômes commençaient à l’inquiéter.
— Il faut…, souffla-t-il. Il faut que je retourne à mon sous-marin.
Sa radio grésilla soudain, le faisant sursauter. Une voix déformée résonna à ses oreilles.
— Aldric ?
Le soulagement d’entendre Ava fut plus fort que son inconfort.
— Est-ce que tu vas bien ?
La créature semblait écouter la conversation sans aucune peur, peut-être avec de l’intérêt. Il avait l’impression qu’elle comprenait beaucoup de choses.
— Ça pourrait aller mieux. J’ai un bras et des côtes cassées. Peut-être une commotion cérébrale. La… créature… La première que nous avons vue. Elle est avec moi.
— Est-elle dangereuse ?
— Elle m’a sauvé d’un prédateur et ne m’a pas attaqué.
Les grésillements s’intensifièrent pendant quelques secondes.
— Je t’ai repéré. Scylla et Calypso vont bientôt te rejoindre. Je ne peux pas approcher avec l’Odysseus, à cause des fumeurs, continua la voix hachurée d’Ava.
— Dans l’état où je suis, je ne sais pas si.. , balbutia-t-il.
— Tu es plus proche du gouffre. Vas-y. Il y a un espace libre et plat entre les monts hydrothermaux et lui. Je pourrai t’y rejoindre.
L’incompréhension envahit Aldric, d’autant qu’il avait de plus en plus de mal à enchainer des pensées cohérentes.
— Tu en es sure ?
— Fais-moi confiance, Aldric.
— Par où dois-je aller ? demanda-t-il
— Le plan est dans ton ordinateur de poignet.
Aldric aurait pu se frapper. Pourquoi n’y avait-il pas pensé ? Il activa l’interface topographique : la carte du coin telle qu’Ava l’avait enregistrée s’afficha.
— Ne perds pas de temps, reprit Ava. Je…
La fin de la phrase disparut dans un désagréable bruit blanc, au moment où le sol vacilla sous eux. L’eau convulsa autour de lui, le secouant, alors que les crachats des monts géothermaux s’intensifiaient. Un tremblement de terre ?
Sans prévenir, la créature agrippa sa main valide et l’éloigna du fumeur contre lequel il se tenait. Il se laissa entrainer une dizaine de mètres plus loin. Il avait l’impression de se trouver au milieu d’une tempête sous-marine. Ses projecteurs produisaient des étincelles de lumière dans le chaos de sable, de gaz pressurisés et de débris divers. Cela se calma aussi vite que cela avait commencé, mais, à l’agitation de l’être près de lui, il devina qu’il valait mieux éviter de rester là plus longtemps. Il lui montra le gouffre sur son plan.
— Peux-tu me mener là ?
Elle le considéra un long moment, puis hocha la tête.

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