Décidé à les laisser en paix, l’hydronaute s’apprêtait à quitter la clairière, quand un mouvement dans son dos l’interpela. Il se tourna lentement et se figea : à quelques mètres de sa position, entre lui et le chemin qu’il voulait emprunter, quatre êtres le scrutaient. Leurs grands yeux ronds sans pupilles ni paupières – bleu, noir, brun et vert – restaient fixés sur lui. Ils étaient nus, mais leur silhouette ne montrait aucun des signes qui différenciaient les hommes et les femmes chez les humains. Les statures variaient : très mince et fragile ou robuste et musculeuse. Les teintes de leurs peaux translucides allaient du blanc au vert foncé. L’un deux arborait de longs cheveux fins qui dansaient dans les courants ; deux autres les avaient tressés ; le quatrième possédait un crâne chauve, au-dessus duquel culminaient ses oreilles, doubles et pointues.
Puis les yeux se fixèrent sur le drone, qui se maintenait près de son commandant. Une grimace dépara leurs traits ; Aldric ne pouvait les comprendre, et pourtant il reconnut la peur : un poing de glace serra son estomac. Il se rappela les traces de griffes sur la sonde. Et si c’était eux qui l’avaient endommagée ?
Il leva les deux mains, en tâchant de prendre une expression apaisante. Les autres ne réagirent pas, concentrés sur le drone. Un court trille joyeux retentit derrière lui. Il se retourna, se plaçant de profil, dos contre une cheminée, pour garder un œil de chaque côté du chemin. La créature aux yeux bleus s’était séparée du groupe et le regardait intensément. Toutefois, elle maintint ses distances et Aldric, de plus en plus mal à l’aise, s’efforçait de faire le moins de mouvement et de bruits possible.
— Ava, chuchota-t-il, je crois que le drone leur fait peur. Éloigne-le.
L’hélice vrombit, alors que Circé se déportait sur un corridor à droite pour contourner les créatures. Celles-ci sursautèrent, et leurs yeux s’agrandirent davantage. L’un d’eux lâcha un seul son strident, qui ressemblait à une alerte. Avant qu’Aldric n’ait le temps d’intervenir, un tentacule jaillit de l’obscurité, s’enroula autour de l’engin et le tira en arrière, dans un crissement de métal froissé. L’appareil lutta, mais le membre écailleux était trop puissant. Il resserra son étreinte et l’écrasa, puis l’entraina hors de vue. La radio grésilla et un bruit blanc envahit son ouïe. La connexion, qui passait par le drone, était coupée, isolant Aldric d’Ava et de son sous-marin.
Le commandant inspira profondément pour combattre sa terreur. Il s’efforçait de ne pas regarder les abimes ténébreux qui l’entouraient. Il essaya de se rappeler du chemin qu’il avait pris pour arriver jusqu’ici, mais, concentré sur la créature, il n’avait pas fait attention. Bravo, Aldric, se morigéna-t-il. Son communicateur crachota soudain.
— J’ai… mal à… communiquer… interférences.
À la fois rassuré et inquiet, il se retourna vers le groupe, en veillant à ne pas faire de gestes brusques. L’être blessé était soutenu par ses compagnons, qui lui parlaient, petite musique douce. Personne ne s’intéressait à lui, sauf celle qu’il avait rencontrée en premier et qui ne cessait de le fixer, et les quatre autres.
Le cœur d’Aldric battait la chamade, alors que la panique se frayait un chemin dans son esprit. Il connaissait les lois de la vie dans les fonds océaniques : sortir d’un sous-marin seul était dangereux. Il serra les poings et s’efforça de reprendre le contrôle.
Que devait-il faire ? Repartir en arrière, en espérant ne pas se perdre dans ce dédale ? Dans ce cas, les autres allaient-ils l’attaquer ? Peut-être peuvent-ils te venir en aide, si tu parviens à communiquer avec eux.
— Est-ce qu’il ou elle va bien ? demanda-t-il.
La créature aux yeux bleus sembla le comprendre. Elle jeta un coup d’œil derrière elle, puis reporta son attention sur Aldric. Il lut une expression sur son visage, qu’il prit pour de la tristesse, mais il ne pouvait en être certain. Elle émit des notes basses en une longue mélopée. Peine, souffrance, désespoir. Aldric grimaça, laissant passer les émotions. Son cœur se serrait comme si c’était lui qui les ressentait.
Emportée dans son élan, elle s’avança et continua à enchainer les tonalités de plus en plus aigües, comme si elle lui posait des questions, ou essayait de le convaincre de quelque chose. Aldric fit un pas en arrière et leva les mains.
— Arrêtez, s’il vous plait… Je ne comprends pas.
Quelque chose dans sa voix dut la prévenir, parce que la musique s’évanouit et elle pencha la tête sur le côté en le considérant attentivement.
— Je vais… je vais retourner à mon sous-marin, fit-il, en tendant le bras vers la direction générale d’où il était arrivé.
Tout à coup, un tentacule jaillit des ténèbres et l’agrippa. Sous la pression, l’os craqua. Le commandant eut juste le temps de lâcher un cri de surprise et de souffrance avant d’être violemment emporté.

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