Sur le plancher océanique, parcouru de fines crevasses, une roche grise affleurait parfois sous une épaisse couche de sable noir et ocre. De minces volutes de fluides visqueux sortaient des brèches, preuve de l’intense activité géothermale de la zone. À vingt mètres, les impressionnants fumeurs formaient un labyrinthe minéral. Ils étaient très anciens si on se référait à leur hauteur de plusieurs mètres.
Circé apparut en vrombissant devant lui. Il l’agrippa et se laissa entrainer à vitesse modérée. L’avancée était plutôt facile, puisque les monts hydrothermaux étaient séparés de plusieurs mètres. Il restait prudent, attentif aux changements et aux bruits. Aldric observait le microcosme singulier. Malgré ses nombreuses explorations, il n’avait jamais arpenté un tel écosystème.
Sur les cheminées, on discernait les couches de minéraux qui s’étaient solidifiés au fur et à mesure des années, sans doute des siècles même, pour former des sculptures aux formes alambiquées de sédiments blancs, gris et noirs. La lumière du submersible faisait scintiller des dépôts de cristaux dans le sable et dans la roche.
La vie y était pullulante : des touffes d’algues noires et rouges se balançaient sous les effets des courants ; les couleurs vives des habitants – crabes, anémones, crevettes translucides, moules, étoiles de mer – teintaient le décor de taches noires, jaunes, parme, pourpres et vertes. Il entrevit les silhouettes vivaces de poissons, étincelles éphémères au milieu des ténèbres.
Ses hydrophones captaient les innombrables sons : le crissement du sable ; les grognements des gros poissons en chasse ; le cliquètement des pattes des crabes et autres crustacés et même un chant lointain et assourdi, venu des profondeurs. Aldric ne pouvait s’empêcher d’admirer la vitalité de cet endroit.
— C’est magnifique, souffla-t-il dans son communicateur.
Il grimaça en entendant sa voix. Légèrement distordue par l’implant qui traduisait les vibrations de ses cordes vocales, elle lui paraissait étrangère. Il n’avait jamais réussi à s’y habituer.
— En effet, répondit Ava.
Tout à coup, une mélodie s’épanouit autour de lui et se répéta en échos déformés. Il reconnut avec surprise les accords qu’il avait perçus dans le navire. Il lâcha le drone et s’immobilisa, en battant lentement des bras et des jambes pour se stabiliser. Il regarda aux alentours, à la recherche de la source, sans la repérer. La musique s’évanouit au bout de quelques secondes.
— Je n’ai pas pu en découvrir l’origine, fit Ava. Mais ce sont définitivement les mêmes tonalités que tout à l’heure.
— Cela pourrait-il venir d’un grand mammifère ou un poisson ? répondit Aldric.
— Je ne sais pas. Je ne trouve aucun animal qui fait ce genre de son dans ma base de données.
Obligé de délaisser ce mystère, Aldric reprit sa route, encore plus prudemment. Une dizaine de minutes plus tard, il dépassa la limite lumineuse et alluma les projecteurs de son casque. Son monde se réduisit soudain à une sphère de quinze mètres de rayon et il eut l’impression que les ténèbres l’engloutissaient. Il réprima une bouffée d’angoisse. À cet instant, les eaux translucides des niveaux supérieurs de l’océan lui manquaient terriblement.
— Tu approches, on dirait, lâcha Ava, une demi-heure plus tard.
— Oui, réalisa-t-il, en observant son interface.
Une centaine de mètres plus loin, ses faisceaux lumineux dévoilèrent une silhouette métallique, en partie ensevelie dans le sable. Le drone le précéda, éclairant la zone. L’engin de Génésys avait atterri dans une sorte de clairière. Il l’examina attentivement : sur les parois argentées, il repéra des creux et des bosses, ainsi que de larges estafilades.
— Prends des clichés, ordonna-t-il à Ava.
Le drone revint et braqua ses caméras sur la sonde. Un mauvais pressentiment enserrait le cœur de l’hydronaute ; ces éraflures ne présageaient rien de bon. On aurait dit des griffes ou des crocs.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— Sa source d’énergie est inopérante. Les traces et les chocs montrent qu’elle a été malmenée. Peut-être a-t-elle dévié de sa course à cause des fumeurs, ou en a-t-elle heurté un ?
Aldric allait répondre quand un crissement retentit près de lui. Il se tourna vivement vers l’origine du bruit, mais ne vit rien d’autre qu’une grosse crevette se déplacer tranquillement. Il scruta les ténèbres une longue minute, puis se détourna. Avec un soupir, il se mit au travail. Il sortit un tournevis de sa ceinture et dévissa le panneau qui protégeait la boite noire. Quelques minutes plus tard, il découvrit le précieux disque dur enfermé dans une enveloppe hermétique transparente. Il en détacha les câbles, et le glissa dans une des poches de sa combinaison, en l’accrochant fermement.
— C’est bon. J’ai…

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