Le commandant l’écouta attentivement, submergé par une grande tristesse dont il ne devinait pas la raison, qui n’était pas la sienne. Tout à coup, le rythme s’accéléra et les accords devinrent stridents et chaotiques. Folie, douleur, détresse. Envahi par ces émotions, Aldric grimaça. Il allait ordonner à son IA d’éteindre les haut parleurs, lorsque la mélodie s’arrêta net. Il cligna des yeux, comme au sortir d’un rêve.
— C’était une musique ?
— On dirait bien.
— D’où pouvait-elle bien venir ? Il n’y a rien par ici.
— D’à peu près quatre miles, au sud-est, mais il est difficile de trouver un point d’origine, répondit Ava.
— Cela pourrait-il être un son environnemental ?
— Cela me parait très modulé pour un bruit naturel. C’est intrigant ! Je vais l’analyser.
— La source de ce phénomène ne se situe pas près de la cible ?
— À priori, non.
— Très bien, décida le commandant. Je vais aller voir ce qu’il en retourne, avec Circé.
— Puisque tu tiens absolument à aller récupérer ce drone.
Aldric leva les yeux au ciel. Ava semblait insensible à son humour, mais elle ne se privait pas pour lâcher ce genre de remarque sarcastique. La manière dont sa personnalité s’exprimait ne cessait de le ravir : elle était devenue une compagne essentielle, une amie même, depuis qu’elle avait acquis une conscience. C’était en partie grâce à sa reprogrammation, qui avait supprimé les verrous qui la condamnaient à rester une luxueuse gouvernante.
Son « père » aurait crié au sacrilège. Pour lui, et les gens de sa communauté, Ava n’était qu’une application avancée, une assistante virtuelle, censée le distraire. Ils exécraient la technologie, y recourant seulement parce qu’ils n’avaient pas le choix pour survivre dans ce milieu hostile.
Ils cherchaient à créer un être humain parfaitement adapté à la vie sous-marine. L’homo aquarius. La ferveur de son père avait eu pour conséquence le financement du projet Néréide, dont Aldric était le produit, la prochaine étape de l’évolution, qui affranchirait les hommes et les femmes. Une hypocrisie sans nom étant donné le degré d’ingénierie que les scientifiques de la corpo avaient utilisé pour le fabriquer.
Se forçant à repousser ces réminiscences qui réveillaient sa colère et son dégout, il bondit de son fauteuil.
— Je serai de retour avec la boite noire avant que tu n’aies le temps de terminer ton analyse de la musique, lança-t-il, en prenant le chemin du niveau inférieur.
Au moment d’emprunter l’échelle qui y menait, il entendit les notes de l’étrange morceau qui se jouaient sur la passerelle. La mélodie le suivit un moment, puis s’éteignit quand il pénétra dans la soute avant, où était entreposé le matériel de plongée. Dans cette salle dormaient aussi les quatre drones, familièrement nommés Circé, Calypso, Scylla et Asclépios.
Il se dévêtit rapidement, enfila sa combinaison thermodynamique et installa sa ceinture à outils. Il fixa son ordinateur de poignet à son bras gauche, tressaillant légèrement quand ses capteurs se branchèrent à ses implants subdermaux. Son casque à la main, il entra dans le sas. Le sifflement des pompes envahit son champ auditif, et l’eau inonda la petite pièce. Dès qu’elle effleura son épiderme, son système nerveux réagit et déclencha les changements chimiques et organiques qui allaient lui permettre de respirer.
Il sentit la peau de son cou se détendre alors que la couche protectrice libérait ses branchies. Il fixa son casque sur son visage et adapta le modulateur contre sa gorge. L’interface visuelle se mit en route et ses données biologiques, ainsi que les indicateurs d’environnement, s’affichèrent sur les côtés.
Quand il fut entièrement submergé, il laissa passer l’instant habituel de panique et la brève sensation d’étouffement au moment où ses poumons se remplirent. Sa poitrine cessa de se mouvoir, alors que son second système respiratoire entrait en action.
Quand la pression à l’intérieur du sas s’égalisa avec celle de l’extérieur, il ouvrit la porte. Il s’agrippa au chambranle, le temps de s’adapter à ses nouvelles perceptions et observa les environs illuminés sur cinq-cents mètres par les projecteurs de l’Odysseus.

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