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tome 1, Chapitre 5 « Chapitre 5 » tome 1, Chapitre 5

Le chemin qui menait jusqu’au lieu du combat était encore marqué par les événements de la veille. L’odeur métallique du sang flottait dans l’air, lourde et persistante. En arrivant sur place, Darian observa longuement la scène, le sol était souillé de larges éclaboussures rougeâtres, dispersées entre les pierres et les racines. Pourtant, il n’y avait aucun reste de chair ou d’os, ni même de fourrure. Seul le sang témoignait du massacre. Les charognards de la nuit, ou peut-être quelque chose de plus organisé, avaient nettoyé les lieux avec une redoutable efficacité .

Il s’accroupit pour examiner le sol, traçant du doigt une empreinte fraîche dans la boue. Celles-ci ne trompaient pas, des loups. Une meute entière, au moins six individus, probablement plus. Les traces indiquaient qu’ils s’étaient déplacés avec discipline, encerclant la zone avant de repartir en direction du nord. Darian fronça les sourcils.

Pourtant, il ne ressentait pas de peur immédiate. Les loups étaient des chasseurs nocturnes, à cette heure, ils dormaient probablement dans un recoin de la forêt. S’il restait prudent et évitait de s’aventurer dehors à la tombée du jour, il ne risquait rien. La cavité qu’il avait choisie était bien trop en hauteur pour qu'ils puissent y accéder lui garantissant une échappatoire en cas d’imprévu.

Il inspira profondément, notant mentalement les lieux, puis reprit lentement son chemin, vigilant mais serein.

Darian décida de poursuivre son exploration, profitant encore des dernières heures avant sa prochaine session d'éveil. Il s’éloigna progressivement de la cavité, marquant mentalement les repères naturels, un arbre tordu, un rocher couvert de mousse, un ruisseau étroit. À plusieurs reprises, il tomba sur des traces d’animaux, empreintes légères de rongeurs, griffures anciennes sur un tronc, ou encore quelques crottes séchées laissées par des herbivores. Rien qui ne lui sembla menaçant. La forêt, dense mais paisible, bruissait d’une vie ordinaire, loin du tumulte des bêtes prédatrices. Chaque observation renforçait sa confiance dans le choix de son refuge. Restant prudent malgré tout, il avançait silencieusement, attentif au moindre bruit anormal, prêt à battre en retraite au moindre signe de danger.

Lorsque Darian jugea qu’il était temps de rentrer. Le calme des bois laissait place à une ombre moins oppressante après sa première exploration. Il reprit le chemin de la cavité avec prudence, s’assurant de ne pas laisser de traces évidentes derrière lui. En arrivant, il constata que tout était resté en ordre, la Renardine immobile, le feu encore tiède. Il s’installa de nouveau au fond de la grotte, prêt à reprendre son travail d’éveil, le noyau en main et l’esprit concentré.

Deux heures plus tard, Darian sortit de son état de concentration. Son corps engourdi par l’immobilité, il se redressa lentement, étirant ses bras et ses épaules endolories. Le soleil, haut dans le ciel, indiquait qu’il devait être en milieu d’après-midi. Il restait encore assez de temps avant le crépuscule pour continuer à explorer les environs sans s’éloigner autant que le matin. Saisissant son arc, il quitta la cavité, laissant derrière lui la Renardine toujours ligotée, silencieuse et méfiante.

Cette fois, il ne chercha pas à s’aventurer trop loin. Son objectif était simple, mieux repérer les alentours immédiats et ramasser du bois sec pour la nuit. En longeant le cours d’eau, il ramassa plusieurs branches mortes, les évaluant d’un œil expérimenté. Certaines serviraient à entretenir la flamme, et les plus épaisses à maintenir une braise durable. Il fit plusieurs allers-retours, formant un petit tas de bois qu’il attacha en faisceau à l’aide d’une liane.

Le vent s’était levé, portant avec lui l’odeur de la forêt et la promesse d’une nuit fraîche. Satisfait de sa récolte, Darian reprit le chemin du retour. Lorsqu’il atteignit la cavité, l’ombre des arbres s’allongeait déjà. Il déposa le bois près de l’entrée, raviva doucement le feu, puis s’assit dans la pénombre, observant la Renardine.

Malgré sa condition de prisonnière, elle conservait une certaine grâce animale. Son pelage roux brun, mi-long sur le dos, captait la lumière du feu et faisait briller des reflets cuivrés. Sur son cou et le reste de son corps, la fourrure devenait plus courte, d’un blanc jaunâtre et duveteux, contrastant avec les teintes sombres de son dos. Son visage, fin et expressif, était recouvert d’un duvet court où se mêlaient le brun et le roux, dessinant des ombres naturelles autour de ses yeux dorés. Les femelles de son espèce n’étaient pas connues pour leur force physique, face à un homme comme Darian, même blessé, elles n’auraient eu aucune chance en combat direct.

Darian saisit son arc et une flèche avant de s’approcher d’elle. Il la regarda calmement, puis désigna l’arme d’un geste précis, un avertissement clair. La Renardine, les oreilles légèrement rabattues, sembla comprendre. Lentement, il défit ses liens, restant à bonne distance, prêt à réagir au moindre mouvement suspect.

Il lui fit ensuite signe de sortir de la cavité. Elle hésita, puis obéit, se déplaçant avec précaution sur ses pattes encore raides et blessé. Dehors, Darian lui montra un petit buisson isolé, à quelques mètres seulement. Le message était évident. Sous sa surveillance, elle s’y rendit sans un mot, jetant de temps à autre un regard vers lui. Il resta en retrait, arc bandé à moitié, patient et attentif, jusqu’à ce qu’elle revienne d’elle-même vers la grotte, docile et silencieuse.

De retour dans la cavité, Darian raviva le feu. Les flammes projetaient une lueur orangée sur les parois, révélant la fatigue encore visible dans les yeux de la Renardine. Il sortit un morceau de viande séchée de son sac et la lui tendit sans un mot. Elle le dévisagea un instant, hésitante, puis finit par le saisir entre ses doigts griffus. Sans geste brusque, elle alla s’asseoir à quelques pas du feu, ses mouvements prudents trahissant la méfiance autant que la lassitude.

Darian l’observa tout du long, son arc posé sur ses genoux, les sens en éveil. Il ne chercha pas à engager le moindre contact, ni même à feindre la confiance. La Renardine mâchait lentement, la chaleur du feu se reflétant dans son pelage roux brun, faisant ressortir les reflets dorés de ses yeux. Il remarqua que ses blessures cicatrisées bien, la cautérisation avait fait son œuvre.

Quand elle eut terminé, elle leva la tête vers lui, indécise. D’un simple geste de la main, Darian lui fit signe de retourner sur le côté de la cavité, là où elle avait passé la nuit précédente. Elle hésita une fraction de seconde, puis obéit sans un mot, docile. Il s’approcha avec précaution, reprit ses cordes et la rattacha solidement, veillant à ne pas lui faire mal. La vigilance, chez lui, n’était jamais relâchée.

Une fois la Renardine solidement ligotée, Darian reprit sa place habituelle au fond de la cavité. Il sortit le noyau et se remit à l’ouvrage pour la troisième et dernière fois de la journée. La concentration demandée était extrême, deux heures d’effort ininterrompu qui épuisaient autant le corps que l’esprit. Lorsque ses yeux s'ouvrirent, la nuit avait déjà englouti la forêt, et le feu jetait des ombres vacillantes sur les parois rocheuses.

Darian soupira, sentant la fatigue l’alourdir. Il prit un peu de viande séchée, mâchant lentement dans le silence, songeur. Ses paupières se faisaient lourdes. Après avoir vérifié une dernière fois la position de la Renardine et ravivé les braises, il s’allongea près du feu, prêt à céder au sommeil réparateur d’un survivant prudent.

Lorsque les premières lueurs de l’aube filtrèrent à travers les feuillages, Darian ouvrit les yeux, enveloppé par la chaleur encore tiède des braises. La nuit avait été calme, sans le moindre rugissement lointain ni frôlement inquiétant. Il s’étira lentement avant de se redresser, reprenant sans hésitation la routine qu’il s’était imposée. Sa survie dépendait autant de la discipline que de la prudence.

Il entame la journée par la première séance de son travail d’éveil. Assis en tailleur, le noyau dans la main, il laissa son esprit se concentrer sur le flux invisible de son sang et de l’énergie qui y circulait. Deux heures passèrent, lentes et exigeantes. Après une courte pause, il sortit de la cavité pour sa première exploration du jour. Le terrain, désormais familier, lui révélait encore quelques traces nouvelles, de petits animaux, rien de menaçant, et il élargissait son exploration.

Il rentra pour la seconde séance, aussi silencieuse que la première. Puis, lorsque le soleil commençait à décliner, il s’occupait du feu. Il laissait la Renardine sortir, toujours sous sa surveillance armée, tandis qu’il ramassait du bois sec et des brindilles pour la nuit à venir. La créature semblait moins farouche, plus résignée.

Enfin, après une dernière session de concentration, la troisième de la journée, il mangeait sobrement avant de s’allonger près du feu. Sa routine s’ancrait, précise, presque rassurante, un fragile équilibre entre entraînement, vigilance, et repos dans ce monde brutal.

Le troisième jour, la routine s’était installée. Le feu, les séances d’éveil, les rondes prudentes dans la forêt… tout se déroulait avec une régularité méthodique. Cet après midi là, pourtant, une différence inattendue survint. Lorsque Darian libéra la Renardine pour sa sortie quotidienne, celle-ci se redressa lentement, le fixant de ses yeux dorés. Puis, d’une voix rauque et hésitante, elle s’adressa à lui dans une langue inconnue. Les sons roulaient, claironnants, rythmés d’intonations presque chantantes, mais totalement incompréhensibles pour lui.

Ce phénomène n’était pas nouveau pour Darian. À chacune de ses réincarnations, il se retrouvait confronté au même problème, les peuples, les régions parlaient des dialectes différents. Il lui avait toujours fallu du temps avant de comprendre et d’apprendre à communiquer. Pourtant, il savait qu’il existait une solution plus rapide, un sort, une technique de liaison mentale permettant de comprendre les langues locales. Mais pour cela, il devait d’abord atteindre l’état d’éveillé.

La Renardine continua de parler, sa voix oscillant entre la supplication et la douceur. Elle essayait sûrement de le convaincre, de négocier sa liberté, ou simplement de susciter un élan de compassion. Darian, impassible, garda le silence. Il savait reconnaître, même sans connaître son dialecte, les tentatives de manipulation. Créer un lien de sympathie avec elle serait une erreur, un risque inutile. Il se contenta de lui faire signe d’avancer vers le buisson habituel, indifférent à ses mots. Ses priorités restaient claires, survivre, s’éveiller, et ne jamais se laisser distraire.

Après cette distraction, Darian reprit sa routine habituelle, implacable et méthodique. Les séances d’éveil, la surveillance de la Renardine, les explorations et la collecte de bois s’enchaînaient sans heurt. À chaque sortie, la Renardine tentait timidement de nouer un contact verbal, émettant des sons et des intonations cherchant à susciter une réponse. Darian, cependant, restait impassible et muet, ignorant ses appels. Il savait que céder à cette communication risquerait de compromettre sa discipline et sa concentration, et il se maintenait ferme, laissant ses actions parler plutôt que ses mots.

Le quatrième jour, alors qu’il s’avançait silencieusement dans les sous-bois, Darian tomba nez à nez avec un chevreuil occupé à brouter. L’animal leva la tête, les oreilles frémissantes, mais il était déjà trop tard. D’un geste fluide, Darian avait déjà bandit son arc et tirait. La flèche atteignit sa cible, nette et précise. Le chevreuil s’effondra dans un bruissement d’herbes, la vie quittant son regard en un instant.

Darian s’en approcha aussitôt, conscient qu’il devait faire vite. Les odeurs de sang attiraient toujours les mauvaises bêtes. Il débita la carcasse sur place, travaillant méthodiquement avec son couteau. Avant toute chose, il chercha et retira le noyau, encore tiède, qu’il rangea précieusement. Ce n’est qu’ensuite qu’il s’occupa de la viande, découpant des morceaux propres et jetant les restes inutiles plus loin pour détourner d’éventuels charognards.

Il emballa soigneusement la viande dans la peau fraîchement retirée, formant un ballot solide qu’il attacha avec une liane. Puis il reprit le chemin de la cavité d’un pas rapide, pressé de retrouver la sécurité du feu. Là, il se prépara un véritable festin, savourant le goût rare de la chair tendre et cuite. Une fois son repas terminé il détacha la Renardine pour qu'elle puisse en profiter, avant de reprendre, repu et concentré, le cycle immuable de son éveil.


Texte publié par Le Marcheur Vert, 19 novembre 2025 à 08h47
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