La porte de la serre troubla le silence de la nuit en un sinistre grincement. Louis réprima un frisson. Avouer que la peur lui tordait les entrailles ? Jamais de la vie. Il tenait à sa fierté. Mais si Léonie venait à lui proposer de faire demi-tour, il n’essaierait pas non plus de la dissuader.
Ah, Léonie. Que ne ferait-il pas pour trouver grâce à ses yeux ? L’idée de cette visite nocturne venait d’elle, évidemment. Léonie, c’était le courage féroce d’une louve et la grâce aérienne d’une biche réunis dans le corps gracile de la plus belle jeune femme qu’il n’eut jamais vue.
La pénombre régnait en maître sur les lieux, épaissie par cette nuit de nouvelle lune. Louis sentait la présence de Léonie à ses côtés plus qu’il ne la distinguait, ombre parmi les ombres. Sa main frêle se glissa dans la sienne, et un élan de chaleur emplit sa poitrine. Son chuchotement feutré lui parvint comme d’un autre monde.
— Nous y sommes. Attention où tu mets les pieds.
Louis s’apprêtait à répondre, taquin, quand il manqua une marche et faillit s’étaler au milieu de la serre. Léonie ne rit pas ; elle se contenta de le tirer d’un pas décidé entre les plantes. Louis sentait leurs branches caresser la peau de ses bras. Du moins, il espérait qu’il ne s’agissait que de branches, et pas des mains fantomatiques aux doigts crochus que son esprit apeuré tentait d’imaginer.
— On avait vraiment besoin de venir jusqu’ici ? grommela-t-il pour se distraire.
— Je me sens bien, ici. C’est le lieu idéal.
Louis ravala une remarque sarcastique. Le lieu idéal ? La vieille serre abandonnée était déjà effrayante de jour, jamais il n’aurait imaginé s’y aventurer par une nuit sans lune. L’air empestait le moisi et la terre humide. Léonie s’arrêta, et il l’entendit prendre une longue inspiration. Ce faisant, elle pressa doucement sa main, puis la lâcha.
— Je suis prête, annonça-t-elle. Tu me promets de ne pas paniquer ?
Louis n’eut pas le temps de répondre. Les traits de Léonie lui apparurent nettement, illuminés par une orbe lumineuse, apparue de nulle part. Il l’observa, bouche bée, manipuler la lumière à sa guise. L’orbe sembla se condenser un instant et sa lumière se fit plus douce et définie. Bientôt, une lune miniature flottait au-dessus des mains tendues de Léonie, tournant lentement sur son axe.
— Léonie, qu’est-ce que…
— Je suis une sorcière. Ma mère m’a tout appris.
Sa déclaration tomba comme un couperet entre eux. Une sorcière, comme dans les contes de fées ? C’était impossible. Pourtant, une preuve bien tangible tournait silencieusement entre eux. Léonie leva vers lui ses yeux verts, brillants d’une angoisse mal dissimulée. Louis se fendit d’un large sourire pour la rassurer.
— Je trouve ça chouette. Tu sais faire autre chose ?
Léonie ferma les yeux. Des rides de concentration se formèrent entre ses sourcils et elle retroussa le bout de son nez. Entre ses mains, la petite lune se mit à tourner de plus en plus vite sur elle-même. Sa lumière se fit plus intense, plus chaude, si bien que Louis pouvait maintenant distinctement voir les taches de rousseur qui parsemaient ses joues. Sa tignasse rousse semblait en feu. Soudain, la lune s’enflamma véritablement. Une petite boule de feu tremblait entre les doigts de Léonie, comme bouillonnant d’une énergie facétieuse. La jeune sorcière maintint son air concentré et, toujours les yeux clos, referma ses mains pour l’éteindre. La pénombre emplit à nouveau la serre.
Elle tomba à genoux, hors d’haleine, et plaqua ses paumes sur la terre humide, comme pour lui restituer le trop-plein d’énergie.
— Désolée, haleta-t-elle d’une voix encore incertaine. Une étoile est une forme très instable, je n’ai pas encore la maîtrise pour la maintenir plus de quelques secondes. Elle menaçait déjà de m’échapper…
Louis hésita un instant, puis s’agenouilla à ses côtés et posa une main tremblante d’adrénaline dans son dos. Sous ses doigts, il sentit la fraîcheur de sa peau à travers le tissu fin de son chemisier. Complètement épuisée, Léonie se laissa aller contre son épaule, et il l’encercla de ses bras protecteurs.
— Tu es fantastique, Léo. Viens, je te ramène à la maison.

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