Pourquoi vous inscrire ?
Tu ne peux pas continuer ainsi, mon amour.
icone Fiche icone Fils de discussion icone Lecture icone 9 commentaires 9
«
»
Lecture

— N’oublie pas, tu peux regarder, mais tu n’as pas le droit de te faire voir.

L’adolescente hocha la tête distraitement. Pelotonnée contre la porte, elle gardait les yeux rivés sur la salle obscure et silencieuse. La main de son père se posa sur son épaule et la força à se retourner.

Vêtu de son magnifique costume de bal, coiffé et rasé de près, Etienne paraissait rayonnant. Pourtant, Éloise ne pouvait manquer les cernes qui transformaient ses orbites en puits profonds, son teint pâle et son léger tremblement. Elle faillit lui demander de ne pas le faire, l’entrainer vers le salon et refermer cette porte à jamais. Mais, ni lui ni elle n’en avaient la force.

Une musique discrète retentit dans son dos. La poigne de son père se resserra sur son épaule.

— Promets-le-moi. Ils ne doivent pas te voir.

— Je te le promets.

Sur une impulsion soudaine, elle l’enlaça. Etienne lui rendit son embrasse. La luminosité s’intensifiait dans la salle. L’orchestre était parfaitement audible maintenant et un murmure de voix s’entendait. Etienne leva les yeux et la joie illumina son visage. La poitrine d’Éloise se serra, mais elle le laissa se joindre aux invités du bal.

Elle lâcha le battant de la porte, qui se referma sans bruit, et se glissa le long du mur jusqu’à son recoin habituel, dans une alcôve où trônait une statue. Elle se faufila derrière et s’installa confortablement. Il lui tardait de la voir.

Quand la première valse retentit, son cœur chantonna. Malgré son point de vue limité, elle aperçut les danseurs aux silhouettes éthérées virevolter sur le parquet de la vaste salle. Les lumières faisaient étinceler les robes et les bijoux miroitants des femmes. Leurs compagnons vêtus de noir les menaient au rythme de la musique. Les pas des danseurs ne touchaient plus le sol. Pas vraiment là, pas vraiment ailleurs.

Un couple resta un moment devant elle. Elle reconnut son père qui tenait dans ses bras sa cavalière rayonnante. Éloise sentit son cœur bondir. Elle se pressa les mains contre sa bouche pour retenir le cri qui voulait jaillir. Elle contempla sa mère, l’examina en détail, pour graver son image encore une fois au fond d’elle.

Ses cheveux bruns et courts étaient ornés d’une fleur aux pétales rouge vif qui rehaussait son teint doré. Ses pupilles marron fixées sur Etienne brillaient d’amour. Sa robe parme mettait en valeur sa silhouette généreuse et créait un halo autour d’elle à chacun de ses tours.

Elle pencha la tête en arrière et éclata de rire. Le son éveilla une telle douleur dans l’esprit d’Éloise qu’elle lâcha un sanglot. Aussitôt, la danseuse écarquilla les yeux et braqua son regard directement sur elle. Elle arrêta ses pas, retenant Etienne.

L’adolescente était fascinée par cette mère qu’elle n’avait jamais vraiment connue. Elle lut sur son visage la surprise, la tendresse, puis l’horreur. La femme se tourna vers Etienne, les larmes coulant sur ses joues. Une voix faible parvint jusqu’à Eloïse :

— Tu ne peux plus continuer ainsi, mon amour.

Etienne, effaré, voulut se serrer contre sa femme. Celle-ci le retint d’une main contre sa poitrine. Elle lui sourit avec affection et caressa sa joue.

La musique disparaissait lentement. Les danseurs, indifférents au drame familial qui se jouait près d’eux, s’évanouirent en fumée un à un, alors que le sorcier perdait le contrôle de son sortilège. Il baissa la tête, serrant les doigts de sa femme.

— Si tu continues, tu vas t’épuiser et qui s’occupera de notre fille ?

Un tressaillement secoua Etienne. Il se tourna vers Éloise et la fixa avec culpabilité. Les paroles de sa mère terrifièrent la jeune fille. Et si elle perdait son père ? Elle quitta sa cachette et se jeta contre Etienne, l’embrassant de toutes ses forces dans ses bras, comme si elle craignait qu’il disparaisse lui aussi.

Une douce caresse sur ses cheveux lui fit lever la tête. Sa mère la regardait avec tant d’amour que son cœur déversa enfin toute sa peine.

— Tu es mon miracle, ma chérie. Veille sur ton père, et je veillerai sur vous deux.

Éloise, incapable de parler, hocha la tête. Sa mère rejoignit son mari et déposa un tendre baiser sur sa bouche. Elle disparut en une volute de brume. La salle de bal reprit son apparence réelle. Etienne enserra sa fille entre ses bras.

— Je te promets de veiller Eloïse, murmura-t-il.

Un rire cristallin retentit autour d’eux avant de s’évanouir à nouveau.


Texte publié par Feydra, 18 octobre 2025 à 16h58
© tous droits réservés.
«
»
Lecture
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3333 histoires publiées
1459 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Bleu Paris Festival
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés