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Autrefois, dans le village de Saint-Cirien était entendue une mélodie provenant de l’horizon. Les notes d’un piano accompagnaient la nuit et chassaient la mélancolie des habitants. Au crépuscule, les Ciriennois — des hommes et des femmes de tout âge — partirent en quête de cette mélodie apaisante, les mains chargées d’offrandes. Malgré les tourments de la vie, leur esprit s’était enfin apaisé, les peurs et les craintes avaient été chassées par les notes de ce piano. Les habitants y voyaient un signe, et étaient prêts à prier chaque jour pour que la mélodie continuât de jouer.

Ils suivirent un chemin à travers la forêt épaisse et sombre, éclairés par leurs torches dont les flammes vacillaient au rythme de leurs pas. La forêt était si calme — les résidents écoutaient attentivement la mélodie du piano et y abandonnaient à leur tour leurs tourments.

Les arbres disparurent progressivement de leur champ de vision. De grands jardins fleuris et entretenus entouraient un château victorien dressé sur le haut de la colline. Les Ciriennois s’arrêtèrent pour admirer l’édifice d’où provenait cette si douce mélodie capable de faire disparaître la noirceur de leur esprit.

Ils avancèrent, à chacun de leur pas une flamme naissait de chaque côté du sentier de pierre. Pour les Ciriennois, c’était un nouveau signe — leur présence était la bienvenue en ce lieu. Ils ne leur restèrent qu’un long et large escalier à gravir pour atteindre les portes du château moulées avec assiduité dans un bois ancien.

Les hommes et les femmes s’approchèrent des portes, s’inclinèrent et déposèrent sur le seuil leur offrande à l’attention du pianiste retranché dans ce château. Chaque habitant de Saint-Cirien agissait avec beaucoup de respect. Ils offrirent un dernier regard au château et rentrèrent chez eux heureux, apaisés, et l’esprit en paix.

Au cœur du château, dans la salle la plus grande se trouvait un piano à queue. Les flammes des bougies du lustre accroché au plafond haut de plusieurs mètres se reflétaient dans sa couleur noire. Sur le siège reposait un masque. Celui d’un homme au grand sourire et aux yeux bleus rieurs. Derrière le piano, une silhouette se tenait devant une fenêtre aux rideaux tirés, et regardait la lune disparaître doucement. Il revint à son piano, remit le masque et joua les dernières notes de la nuit.

Le soleil se leva, la mélodie s’arrêta, et il retira son masque. Il le tint entre ses frêles mains et regarda ce qu’il était à une autre époque. Ce sourire, qui avait fait chavirer bien des cœurs, s'était fané depuis longtemps. Quant à ses yeux, ils étaient devenus aussi froids et clairs qu’un glacier. Chaque nuit, il devait vêtir ce masque et jouer pour apaiser les démons des habitants. C’était sa mission, sa responsabilité.

L’homme né depuis de nombreux siècles était le gardien du château et du petit village de Saint-Cirien. Il avait été choisi pour protéger les habitants d’un terrible fléau prenant la forme de pensées, de sentiments, ou d’émotions qui engloutissaient le bonheur en chacun d’eux. Pour arrêter ce mal, le sourire du pianiste avait été collecté et figé dans le masque. Par la mélodie du piano, le malheur des habitants était extrait de leur esprit et de leur cœur. L’homme le collectait, noircissant son âme un peu plus chaque nuit, en échange de son bonheur que le masque récupérait pour alimenter la magie du piano.

Chaque nuit il se mettait à son piano et jouait malgré la souffrance que la noirceur collectée engendrait. C’était là son fardeau.


Texte publié par Aihle S. Baye, 18 octobre 2025 à 15h38
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