Le soleil se lève ce mardi sur Mendoza. Alvaro prépare le café du matin, seul à l’appartement, après avoir déposé sa fille. Il s’installe devant son ordinateur et se met au travail. Son téléphone se met à sonner : c’est sa mère.
— Allô, Alvaro !
— Allô, maman. Tu vas bien ?
— Non… On est très inquiets avec ton père. Tu déménages brutalement et tu deviens un fugitif. T’as fait quoi ?
Alvaro se masse le crâne, à la fois en colère et dérouté.
— C’est très compliqué… J’aimerais qu’on puisse en parler face à—
— Je t’arrête tout de suite ! Tu vas me dire ce que tu fais, là ! On ne s’inquiète pas que pour toi. T’as une fille bordel ! Une femme ! Réveille-toi, Alvaro !
— Maman… calme-toi, s’il te plaît. Laisse-moi t’expliquer avant de tirer des conclusions.
Elle se tait. Un calme pesant s’installe. Alvaro reprend :
— J’ai vécu un miracle. J’ai des pouvoirs surnaturels, sortis de je ne sais où.
— Arrête tes conneries, Al ! Grandis ! Et ne me prends pas pour une conne ! hurle-t-elle.
— Je te dis la vérité ! Alors tu m’écoutes, maintenant ! répond-il, agacé.
— T’es bien conscient que c’est dur à avaler ? Les pouvoirs, c’est dans les films.
— Tu peux quand même m’écouter ?
— Je t’écoute.
Il soupire avant de reprendre :
— J’ai été doté de pouvoirs surnaturels, et mon collègue Seb voulait me dénoncer. Alors, pour se protéger, j’ai décidé de quitter La Libertad et de venir à Mendoza.
— Mais tu n’as jamais aimé la ville, Al. C’est idiot !
— Justement. Pourquoi j’irais en ville si je n’avais rien à cacher ? Je ne fais pas tout ça pour rien.
— Tu m’assures que c’est vrai, ce que tu racontes ?
— Je te l’assure. Et je t’ai rien dit plus tôt pour éviter de t’inquiéter.
— T’es pas très futé… on a la télévision, avec ton père.
Il sourit, gêné.
— En effet. Enfin… bref. J’espère que tu me comprends.
— J’arrive un peu plus à te comprendre, dit-elle en agitant un petit verre de vin rouge.
— Dans tous les cas, on se voit dans quelques jours. J’essaierais de passer quand Alba et moi ne serons pas trop occupés par le travail.
— Pas de problème, mon fils. Sache que tu es le bienvenu à la maison, si tu as le moindre souci.
Ces paroles réchauffent le cœur d’Alvaro. Il sait maintenant qu’il peut compter sur sa mère, lui qui lui avait caché ses dons, conscient qu’elle serait bien trop protectrice et l’empêcherait d’être libre. Dans une petite joie et mêlée de soulagement, Al quitte l’appel et se remet à travailler. Sa mère, de son côté, finit son verre de vin rouge, toujours méfiante et inquiète pour son fils.
Au commissariat de Mendoza, le commissaire Diaz, stressé et toujours sur les nerfs, fait signe à Santos de s’asseoir. Il s’exécute. La tension monte dans le bureau d’Hector. Le commissaire tousse, l’officier se redresse, puis le silence revient : seuls les tapotements nerveux du pied de Diaz résonnent. Enfin, il fixe son collègue et demande :
— Vous vouliez me voir.
L’officier sursaute légèrement.
— Oui, et c’est sérieux. Très sérieux.
— Tournez pas autour du pot.
— J’ai reçu un appel anonyme. L’homme, je suppose, me proposait cent millions d’ARS1 en échange d’Alvaro Martinez.
— Vous voulez que je fasse quoi de cette information ? C’est sûrement une mascarade.
— Il m’a dit qu’il possédait des infos qu’on aurait pas.
— On ne collabore pas avec des inconnus, Santos. Vous le savez très bien, affirme-t-il en croisant les doigts sur le bureau.
— Je sais. Mais cent millions d’ARS, commissaire… C’est énorme, et ça nous permettrait d’acheter du suréquipement.
— On est la police municipale. Et je doute que le président apprécierait qu’on échange un fugitif national à un inconnu.
— Très bien. Je vais lui dire qu’on n’est pas intéressés.
— Vous n’allez rien faire. Coupez tout contact, Santos.
L’officier se lève. Diaz le fixe froidement, l’avertissant du regard. Santos acquiesce, puis quitte la pièce. Mais à peine la porte refermée, il monte dans sa voiture et rappelle l’homme anonyme. Un simple échange : il confirme qu’il arrive.
Une heure plus tard, il se gare devant un hangar isolé, au milieu de nulle part. Trois hommes l’attendent. Deux sont postés de chaque côté, en marcel blanc et jeans serrés, massifs, menaçants. Celui du centre est plus étrange : un casque de motard, un blouson en cuir orné d’un “M” sur chaque manche, un pantalon cargo noir et un fusil à pompe déjà chargé.
L’officier s’avance, terrifié, conscient qu’il s’enfonce dans quelque chose de dangereux.
— Vous êtes Santos ? demande l’un des hommes de main.
Il hésite avant d’acquiescer.
— Lui, c’est le Marchand. Tu t’approches pas de lui, sauf s’il te le demande. Si t’es ici, c’est que tu l’as voulu. Aucun retour en arrière, sinon… couic, lance-t-il en mimant un geste de gorge tranchée. Compris ?
— Oui…
Santos tremble ; ses jambes flanchent presque.
— T’es prêt à marchander avec moi, le poulet ? demande le Marchand.
— Oui !
— Je vais te donner quelques infos, alors écoute bien. Okay ? Et quand tu les auras, tu les garderas pour toi. Tout ce que t’auras à faire ensuite, c’est me le ramener. Okay ?
— C’est clair.
Sous la menace, Santos écoute religieusement. Le Marchand lui livre les renseignements nécessaires pour retrouver Alvaro Martinez. Trois minutes suffisent. Chaque mot compte : il ne peut pas se permettre d’oublier. Puis, sans un mot de plus, il remonte dans sa voiture de fonction et prend la route, lancé à la poursuite d’Alvaro.
Pendant la pause du midi, Alvaro reçoit un scanner qu’il a bricolé pour capter les conversations de la police pendant leurs patrouilles. Il n’entendra que des bribes, mais ce sera suffisant pour repérer des crimes en direct. En ajustant la fréquence, il distingue quelques mots : vol, 136, banque centrale. Alors il se prépare, enfile son costume et sort, prêt à accomplir un bonne action, à prouver qu’il peut être un héros pour Mendoza. À pied, il court aussi vite qu’il peut, slalome entre les passants, traverse aux feus rouges, manque de se faire écraser à plusieurs reprises — heureusement, ses réflexes le sauvent. Arrivé sur place, il voit déjà la police encercler le voleur. Trois officier maîtrisent l’homme, pendant que la victime attend son portefeuille. Thunderjack reste figé, frustré : la police a été plus rapide que lui. Soudain, un officier remarque sa silhouette au loin. Il tape sur l’épaule de son collègue et le désigne. Les deux hommes se mettent aussitôt à courir dans sa direction. Pris de court, Thunderjack prend la fuite. Les flics ne peuvent le neutraliser à distance : trop de civils autour. Les deux policiers le poursuivent à pied. L’autre officier se charge d’embarquer le voleur dans la voiture. La pression monte. Il court de plus en plus vite, bouscule des passants, saute au-dessus des voitures, brûle tous les feux. L’un des officiers est presque sur lui. Alvaro sent la panique l’envahir. Il concentre toute son énergie, court encore plus vite, son corps jaillit d’électricité… et soudain, il disparaît.
Une rafale de vent balaie la rue. Certains passant reculent, d’autres restent bouche-bée.
— Ouah ! Trop cool ! s’écrie un gamin accompagné de son père, les yeux brillants.
L’émerveillement et la septicité se lisent à travers les différents visages. En fait, Thunderjack ne s’est pas volatilisé : il s’est téléporté. Sa vitesse était si extrême qu’il s’est déplacé comme un éclair. De retour chez lui, haletant, le cœur battant à tout rompre, il retire son costume et s’effondre dans son canapé. Ses pensées s’emballent : “J’ai un nouveau pouvoir ? Est-ce que j’en aurai d’autres ? Comment j’ai fait ça ?” Autant de questions sans réponse.
Pendant ce temps, Santos roule vers Mendoza quand le commissaire Diaz l’appelle.
— Vous êtes où, Santos ?
— J’arrive dans quelques minutes, je patrouillais.
— Dépêchez-vous, on a besoin de vous !
Sous la pression, Santos accélère. Une fois au commissariat, Diaz l’attend de pied ferme.
— Tu patrouillais, donc ?
— Oui. Et j’ai eu des informations concernant Alvaro.
— Venant de qui ?
— D’un de ses proches.
— Dites.
— Sa femme s’appelle Alba Martinez, il a une fille, Bianca. Ils vivent ici-même, à Mendoza.
— C’est tout ?
— Il est faible au contact de l’eau. C’est tout ce que j’ai sur lui.
— Très bien. Merci, Santos.
Le commissaire réunit aussitôt ses hommes et donne l’ordre : si quelqu’un croise un membre de la famille Martinez, il faut les arrêter immédiatemment. À cet instant, ils ne le savent pas encore, mais toute la famille vient d’être déclarée fugitive.
Le soleil va bientôt se coucher. Alvaro termine sa journée de travail et part chercher Bianca à l’école. La même boule au ventre, la même peur de sortir. Mais arrivé là-bas, le visage de sa fille l’apaise aussitôt. Il la serre dans ses bras, l’embrasse sur le front, et tout le trajet, ils discutent gaiement de sa journée. Un moment qu’Alvaro ne peut se priver, alors il en profite chaque seconde.
De son côté, Alba quitte la maison d’un client. Le sac d’ustensiles de ménage lui tire sur les épaules. Elle se rend à l’arrêt de bus, épuisée. Autour d’elle, des visages fermés, d’autres parlent de tout et de rien. Deux hommes la remarquent. Une sale discussion s’entame sur celle-ci, mêlant grossièreté et propos déplacés. L’un d’eux se colle à elle. Elle pousse un cri. L’autre l’attrape par la taille. Alba commence à vraiment flipper alors elle hurle de toutes ses forces. Personne n’intervient. Il faut trois longues et insupportables minutes avant qu’un vieil homme se décide d’appeler la police. Une patrouille arrive rapidement. Trois agents sortent de la voiture : deux maîtrisent les agresseurs, le troisième prend Alba à part. Sous le choc, elle répond machinalement à ses questions et donne son identité. Le policier tique.
— Vous m’excuserez, madame, mais je dois vous embarquer. Vous êtes recherchée.
Elle ne comprend pas, elle tente de se débattre, mais en vain… On la menotte. Pendant le trajet, son téléphone vibre dans sa poche, plusieurs fois, mais elle ne peut rien faire. Les larmes coulent sans qu’elle s’en rende compte. Toutes ses émotions prennent le dessus sans qu’elle puisse contrôler quoi que ce soit. Elle finit alors au poste de police avec ses deux agresseurs. L’officier ayant chopé madame Martinez, l’amène au commissaire. Ce dernier sourit avant d’appeler Santos à son bureau. Il rapplique.
— L’officier Cepeda a réussi à mettre la main sur Alba Martinez. Je vous la confie. Obtenez ce qu’il faut sur son mari. Tâchez de ne pas me décevoir.
— Affirmatif.
Santos saisit Alba par le bras et la conduit dans une salle d’interrogatoire. Toujours menottée, le regard vide, elle n’entend que le tic-tac de l’horloge murale. Santos tape sur la table pour capter son attention. Elle le regarde, apeurée.
— Tu n’as pas à avoir peur, Alba. Je vais pas te faire de mal… enfin, si tu réponds à mes questions. Alors, tu vas coopérer ?
Elle marque un temps avant de hocher la tête. Mais pour Santos, ce n’est pas suffisant. Il se penche vers elle, approchant son visage de sale type sur celui de la jeune et jolie épouse d’Alvaro.
— Vas-tu coopérer, Alba ?
Elle cède et lui répond :
— Oui.
L’officier affiche un sourire en coin. L’interrogatoire dure quelques minutes. Il en ressort avec des habitudes, des horaires, et surtout une adresse. Tout ce qu’il lui faut. Il laisse Alba là, menottée, et informe le commissaire qu’il s’occupe personnellement d’Alvaro. Diaz accepte, prêt à envoyer du renfort en cas de problème.
Chez lui, Alvaro tourne en rond. Il a appelé sa femme des dizaines de fois, sans réponses. L’angoisse monte. Bianca le regarde, inquiète, alors elle s’approche et lui fait un câlin. Il sourit, mais continue à se ronger les ongles.
Soudain, la sonnette retentit. Al se fige. Alba a les clés et il n’attend personne. Alors, il prend sa fille dans ses bras, la cache dans l’armoire de la chambre et lui glisse sa poupée préférée.
— Ne fais pas de bruit, d’accord ?
Les coups à la porte se font plus violents donc Alvaro enfile son costume et se cache à son tour. La porte vole en éclats. Un homme déboule : casquette noire, gilet bleu marqué de l’insigne de la police, pantalon noir, bottines de sécurité, et un énorme réservoir dans le dos relié à un tuyau. Une allure presque militaire, pourtant ce n’est que le simple officier Santos. Il fouille chaque pièce : salle de bain, cuisine, salon… rien. Il entre enfin dans la chambre des parents, où se cache Bianca. Alvaro retient sa respiration… puis bondit. Il l’attrape par-derrière, mais Santos se débat, le repousse contre un mur. Al riposte, le repousse à son tour d’un coup de pied, le projetant en dehors de la chambre.
— Coopère ! crie Santos.
Al ne répond pas. Il fonce à nouveau, lui décroche un coup de poing au visage. Santos chancelle, puis attrape le tuyau de son réservoir. Alvaro le voit venir, lui arrache le tuyau des mains, décharge son électricité. Le tuyau explose. Le policier recule et temporise. Mais le héros n’attend pas, alors il pousse l’officier dans le mur. Thunderjack reste figé, imposant, une allure divine, fixant froidement le pitoyable visage de Santos rougeâtre et blessé. Alvaro crépite d’électricité et l’agent lui sourit. Il ôte le réservoir de son dos, maintenant percé, puis jette sur le fugitif. L’eau éclabousse Al ; il court-circuite et s’effondre, affaibli. Santos éclate de rire, euphorique. La joie de l’avoir vaincu, de gagner l’argent que le Marchand lui a promis, d’être sûrement le meilleur flic de la ville, monte en lui. L’officier charge Martinez sur son dos afin de le mettre dans son véhicule. Il quitte l’appartement et claque la porte. Bianca sort de sa cachette, tremblante, les larmes aux yeux, serrant son doudou contre elle. Elle est désormais seule, sans père et mère dans le domicile.
Santos conduit le corps d’Alvaro au Marchand, heureux.
— Imagine que je vais toucher le gros lot avec ta tête, Martinez.
Il éclate de rire à nouveau, pendant qu’Al est à demi conscient à l’arrière de la caisse.
À cet instant, dans un hangar isolé, le Marchand reçoit un appel. Il décroche et met en haut-parleurs.
— C’est Santos. J’ai Alvaro Martinez.
— Parfait. Tâche d’être rapide. Okay ?
— Affirmatif, Marchand.

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