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tome 1, Chapitre 1 « THUNDERJACK #1 - L’homme frappé par la foudre » tome 1, Chapitre 1

Argentine, 2020

L’été s’annonce chaud et humide dans la province de Mendoza, à La Libertad. La pluie martèle les troncs d’arbres dans cette forêt, là où s’activent des bûcherons au torse ruisselant de sueur. Leurs haches fendent le bois dans un rythme presque mécanique. Chaque coup résonne sous le tonnerre qui déchire le ciel. Un tronc finit par s’abattre dans un craquement sec. Certains hommes s’arrêtent, essuient leur front d’un revers de manche ; d’autres persistent, car ici, l’argent ne tombe pas du ciel. Parmi eux, Alvaro Martinez. Il frappe encore, obstiné, musclé par quelques années de dur labeur. Il lève la hache une fois de plus. Son collègue, Sebastian Ramirez, se trouve juste derrière lui, discutant de tout et de rien.

— La météo ne me dit rien qui vaille. T’es prêt à rentrer, toi ? demande Seb.

— Je vais pas tarder. Tu sais l’heure qu’il est ? répond Alvaro.

Il sort son téléphone et lui affirme :

— Il est déjà 17 h 53.

— Ah ouais… Il faut vraiment que je rentre.

Alors il pose sa hache et, soudain, une lueur rougeâtre, presque fluorescente, fend le ciel. La foudre s’abat droit sur lui. Le choc est violent. Son corps se contracte, son cœur s’emballe, ses vêtements se consument en lambeaux. L’odeur du métal brûlé se mêle à celle de la pluie. Son collègue hurle, la gorge serrée :

— Alvaro !

Aucune réponse. Alvaro gît, fumant, la peau noircie, les doigts crispés sur la terre boueuse. Son ami se précipite, le prend dans ses bras et, sans réfléchir, le charge dans son vieux pick-up. Les pneus crissent sur la route détrempée en direction de l’hôpital le plus proche.

Ces quelques minutes de trajet paraissent interminables. C’est dans l’angoisse que Seb conduit, priant que son ami s’en sorte et qu’il puisse revenir après de sa femme. Sa mort est impensable.

Arrivé à l’hôpital, il déboule à l’accueil, Alvaro à demi conscient contre lui. Une infirmière est derrière le comptoir.

— Bonsoir, madame ! J’ai un ami dans un sale état. Il s’est pris la foudre !

Cette dernière, paniquée, alerte directement un médecin.

— J’ai appelé un médecin, il arrive d’une minute à l’autre.

Et il arrive, accompagné d’un brancard sur lequel repose Alvaro. Il l’amène aussitôt dans une chambre vide et le branche à des machines. Les électrodes clignotent faiblement. L’homme en blouse lance un regard dépité à Sebastian, qui attend, nerveux, le pied tapotant le sol. Dans le couloir, une femme marche rapidement, trempée, une fillette accrochée à sa robe. Puis elle surgit dans la chambre, sans calculer qui que ce soit, et crie en se jetant sur le lit :

— Alvaro !

Elle lui prend la main, cherchant un signe de vie. Le médecin s’approche, grave.

— La foudre l’a frappé de plein fouet, madame. Ses chances de survie sont faibles…

Le regard d’Alba se vide. Elle s’effondre, laissant couler les larmes qu’elle retenait depuis son arrivée. La petite Bianca reste immobile, serrant la main de sa mère, sans comprendre, seulement consciente que l’air est lourd de chagrin.

— Je vais vous laisser un moment, murmure le médecin avant de sortir.

Sebastian pose une main hésitante sur l’épaule d’Alba.

— Je suis désolé… Je vais vous laisser en famille.

Elle serre sa main, la voix brisée :

— Merci, Sebastian…

Il hoche la tête et quitte la chambre. Derrière lui, les pleurs d’Alba emplissent la pièce, se mêlant au bourdonnement des appareils.

Deux semaines se passent dans la tristesse et les pleurs. Chaque visite d’Alba à l’hôpital lui fait perdre espoir. Elle se sent déjà obligée d’en parler à Bianca, lui faisant comprendre que papa ne sera sûrement jamais là. Comment, à seulement cinq ans, accepter de ne plus avoir de figure paternelle ? La famille d’Alvaro, aussi inquiète soit-elle, appelle souvent Alba, tentant de la réconforter et de lui dire que, si l’impensable arrive, elle sera toujours la bienvenue chez eux. Du côté des médecins, les comptes rendus montrent qu’Alvaro n’a réellement aucune chance de s’en sortir. Ils se préparent eux aussi au pire.

Un jour, ils rendent visite à Alvaro, mais il ne reste qu’une machine faisant un bruit monotone et des draps au sol. Ils se regardent, bouche-bée, ne sachant que faire. Le silence envahit la maison des Martinez. Alba reste assise sur le canapé, la télévision allumée pour meubler le vide. Bianca joue à ses pieds, inventant des histoires naïves avec ses poupées. La pluie tambourine aux vitres — encore. Soudain, le verrou de la porte d’entrée grince. Alba se fige. Elle n’attend personne. La poignée tourne… et Alvaro apparaît. Debout. Vivant. Il est intact. Alba pousse un cri, puis se jette dans ses bras.

— Comment tu es encore en vie ?! balbutie-t-elle. Le médecin nous avait dit que…

— Je ne sais pas, répond-il à voix basse. Tout ce que je sais, c’est que je me sens… incroyablement bien.

Elle le fixe, terrifiée et soulagée à la fois. Puis un sourire traverse son visage.

— Alors c’est tout ce qui compte. Tu es là.

Il la serre, l’embrasse, puis prend sa fille dans ses bras, riant et jouant avec elle. Pour la première fois depuis des semaines, la maison retrouve le bonheur.

Le lendemain, Alvaro retourne travailler. Veste à carreaux rouge et noir sans manches, hache à la main, il rejoint Sebastian, torse nu sous la chaleur.

— T’es en vie ? s’interroge le blondinet.

— Il faut croire, répond Martinez.

— Je suis content pour toi. C’est vraiment un miracle ! s’exclame-t-il, le serrant dans ses bras.

Alvaro lui sourit, puis les coups de hache reprennent, secs, réguliers.

— T’es quand même un sacré spécimen, toi. Tu prends la foudre en pleine poire et tu survis. T’es quel genre d’alien ?

— Tu crois que j’en sais quelque chose ? Moi-même, à la sortie de l’hôpital, j’étais subjugué. Je comprenais vraiment pas comme c’était possible. C’est comme si rien ne s’était passé.

Sebastian sourit pendant qu’il frappe son arbre. Mais sans s’en rendre compte, il le coupe trop fort et fait tomber le tronc en direction d’Alvaro. Par réflexe, ce dernier frappe de toutes ses forces. Sa hache s’illumine d’un éclat jaune ; une onde parcourt ses bras, puis tout son corps. Le coup fend le tronc en un seul geste. L’arbre s’écroule dans un fracas sourd. Sebastian recule, les yeux écarquillés.

— Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu viens de faire, mec ?!

— J’allais te poser la même question ! C’est quoi ce bordel ?!

— C’est flippant, Alvaro… super flippant.

— Moi je trouve ça… incroyable, s’écrie-t-il, tout sourire.

Sebastian secoue la tête.

— Non. Ce n’est pas normal. Tu devrais être mort… T’es un monstre, en fait !

Il prend la fuite, totalement effrayé. Alvaro reste seul, les mains encore parcourues d’éclairs. Il contemple ses paumes, tremblant.

Quelques minutes plus tard, avant de rentrer chez lui, il teste ses espèces de pouvoirs. Naïvement, il trouve ça “cool”. Ses mains crépitent d’électricité, tout ce qu’il touche se matérialise en la même matière. En bref, tout est génial pour lui. Il maîtrise vaguement ses nouveaux dons.

Puis il rentre, embrasse sa femme, raconte sa journée. Alba fait de même. Puis ils prennent un bon repas. Une fois celui-ci terminé, ils s’allongent dans leur lit.

— Alors… tu peux créer de la foudre ? demande-t-elle doucement.

— Pas la créer. La canaliser. Comme si elle faisait partie de moi. Et j’ai comme la capacité de rendre tout ce que touche électrique.

— Tu penses que c’est à cause de ce qui t’est arrivé ?

— Ce genre de chose n’arrive que dans les films… Jamais dans la vraie vie.

— Pourtant, tu as bien coupé cet arbre en deux, non ?

Il sourit faiblement.

— Oui. Mais j’ai peur de t’effrayer, comme j’ai effrayé Sebastian.

Elle pose une main sur sa joue.

— Chéri, je serai toujours là. Promets-moi juste de rester l’homme que j’ai épousé.

— Je te le promets.

Ils s’embrassent dans la pénombre, le grondement du tonnerre en écho.

— Interdiction de me toucher, Al ! Cette nuit, on dort !

— Chérie… Tu sais que j’ai réussi à contrôler mes pouvoirs tout à l’heure ?

— On fera l’amour quand tu les maîtriseras pleinement, dit-elle, le sourire en coin et le regard provocateur.

Et ils se laissent tomber dans un sommeil profond.

C’est le week-end, le samedi précisément. Et le samedi, la famille va au supermarché. Entre les rayons, Bianca rit, installée à l’avant du caddie, tapant dans les mains. Alba et Alvaro échangent des sourires. Ils font leur course paisiblement, prenant le temps. Et ils arrivent à la caisse. Soudain, un cri éclate. Un homme cagoulé brandit une arme et la braque sur la caissière.

— Donne tout le putain de fric ! hurle-t-il.

Elle tremble. Les gens aussi, sortant leur téléphone pour filmer ou appeler la police discrètement, d’autres fuyant la scène en laissant leur caddie plein. Mais Alvaro, lui, s’interpose, ne pouvant laisser passer ça.

— Laisse-la tranquille.

Le braqueur vise Al et le coup part. Des hurlements retentissent. Bianca, les yeux écarquillés, terrifiée, se bouche les oreilles. Alba l’enlace pour l’apaiser et la rassurer. La balle se désintègre dans une pluie d’étincelles en percutant le corps électrique de Martinez. La colère monte alors en lui. Il fonce sur le malfrat, le saisit par le col. Une onde lumineuse jaillit de ses mains. La veste de l’agresseur se consume, son arme tombe, et il fuit en hurlant, terrifié. Un silence pèse. Tous les clients restent figés, choqués. Puis un applaudissement résonne. Bianca applaudit, fière de son père. Les autres suivent, et deux ou trois ont intégralement filmé la scène. Alvaro, gêné, esquisse un sourire maladroit.

La police arrive sur les lieux, suite à certains appels. Les agents discutent avec la caissière et lui demandent un témoignage sur ce qu’il vient de passer. Elle raconte tout, montrant des preuves avec les caméras de surveillance. Maintenant, la police est au courant qu’un homme doté de pouvoirs surnaturels existe.

Le lundi, après un week-end qui a permis de reposer les Martinez sous le soleil de La Libertad, la pluie revient sur la province de Mendoza. Seb et Alvaro travaillent sous l’averse. Entre deux coups de hache, le blondinet s’approche, l’air coupable :

— Écoute, Al… je t’ai jugé trop vite. Tu pourrais me montrer tes espèces de pouvoirs ? Je voudrais comprendre.

Alvaro hésite, puis acquiesce. Il ferme les yeux. Un halo d’énergie se forme autour de lui. Mais la pluie interagit avec l’électricité. Des arcs jaillissent, la douleur le traverse. Ses vêtements se mettent à fumer.

— Martinez ! hurle Sebastian en courant vers lui.

Alvaro, de plus en plus faible, se concentre pour ne pas perdre pied. Puis il essaie encore, mais il souffre de plus en plus. Alors dans un reflex, il souffle à Ramirez :

— Emmène-moi… chez moi…

Soudain, il s’effondre. Seb le charge dans la voiture et fonce jusqu’à la maison des Martinez. Arrivé sur place, Alba accourt, paniquée.

— Que s’est-il passé ?!

— Je lui ai demandé de me montrer ses pouvoirs… la pluie l’a comme court-circuité. Il s’est effondré d’un coup. J’ai fait au plus vite.

— Pourquoi tu ne l’as pas emmené à l’hôpital ?!

— Il m’a supplié de venir ici.

Un silence lourd s’installe. Puis Sebastian reprend, la voix sale de doute :

— Alba… il faut qu’on parle.

— De quoi ?

— On ne peut pas laisser Al en liberté. Il est trop dangereux.

— Tu veux le livrer aux flics ?! s’indigne-t-elle.

— Pour protéger Mendoza. Tu ne vois pas ? Il ne contrôle rien.

— Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu parles de mon mari comme d’un monstre !?

— Non… comme d’un homme qui pourrait détruire la ville sans le vouloir.

— Et moi, je pense tout le contraire. Alors, tu sais quoi ? Pars, Sebastian. Et ne reviens plus.

Il s’en va, tête basse, fuyant le regard triste de Bianca dans le salon, le cœur pincé.

Les heures défilent et Alba est torturée. Les nouveaux pouvoirs surgis d’on ne sait où, Sebastian qui veut le dénoncer, l’avenir qui s’annonce chaotique : tout semble perdu pour eux. Mais soudain, Alvaro se réveille. Alba lui prend la main, soulagée.

— Tu vas bien ?

— Mieux qu’avant, je crois…

— Ne bouge pas trop. Seb m’a dit que la pluie a interféré avec tes pouvoirs.

— L’eau… c’est ma faiblesse. Mais je peux apprendre à me contrôler.

Il se tait, puis reprend, dubitatif :

— Sebastian est parti ?

— Oui. Il voulait te dénoncer aux flics.

— Quel con… Tu sais quoi ? Je pense que l’on doit se protéger. Toi, Bianca et moi.

Elle fronce les sourcils.

— Et comment ?

Son regard se pose sur sa hache, appuyée contre le mur de la chambre.

— Je sais que ça peut paraître impensable, mais… en devenant quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui inspire confiance plutôt que peur.

— Alors, je veux t’aider.

Elle l’embrasse et ils s’activent. Ils travaillent plusieurs nuits : des essais ratés, des costumes qui ne dégagent rien, des fautes de goût, plein de moments d’envie de baisser les bras. Mais Alvaro ne veut pas abandonner, car il faut se protéger. Alors, cette foi-ci, le couple coud, pendant que Bianca joue, émerveillée par les tissus rouges et jaunes. Dans un moment de pause, il rase sa barbe épaisse, révélant un visage plus jeune — ses joues ne piqueront plus sa femme ni sa fille. Puis il se munit de lentilles bleues pour changer le marron de ses yeux. Pendant ce temps, Bianca ramène la trousse de maquillage de sa maman. Elle sort un pinceau, puis applique un fard à paupières rougeâtre sur le dessus de la robe. Alba apprécie le geste en lui souriant.

Une fois la tenue prête, il l’enfile : une épaule découverte, révélant sa musculature imposante, traversée d’un éclair jaune. Une ceinture ajuste la taille. Alba ajoute un masque jaune autour des yeux, terminé par deux pointes fines sur les joues, comme des éclairs stylisés. Elle le regarde, émue.

— Tu es magnifique, murmure-t-elle.

Alvaro se redresse, montrant une allure presque divine. Une énergie nouvelle vibre en lui.

Et ainsi naît THUNDERJACK, l’homme frappé par la foudre.

Une semaine plus tard, la police encercle la maison des Martinez. L’un des officiers toque à la porte, mais personne ne répond. Alors il frappe d’un coup de pied dans celle-ci et entre avec ses coéquipiers. Ils vérifient chaque pièce de l’appartement… Personne. Pas une trace de vie. Les Martinez ont déserté les lieux.

— Euh… commissaire, on a un problème, informe-t-il.

— Lequel ?

— Les Martinez ont l’air d’avoir déserté le domicile.

Le commissaire tire la tête, mais fait preuve de pragmatisme.

— D’accord. Vous savez ce qui nous reste à faire, officier Santos.

— Affirmatif, commissaire.

Ce jour-là, la police argentine lance un avis de recherche pour “un fugitif dangereux”. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils viennent d’allumer la première étincelle d’une légende.


Texte publié par Ruza Riku, 10 octobre 2025 à 11h12
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