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La phobie des aiguilles.

Je déteste les aiguilles, non pas celles des perfusions, ou prises de sang, mais celles des horloges de toutes sortes, qui nous provoquent, en nous volant notre temps…

Silencieuses ou laissant émaner d’elles un " tic tac " irritant, elles deviennent nos maîtresses, dont nous devenons esclaves…

Leur " tic tac " incessant, nous dit souvent :

-- « Debout, c’est l’heure, comment tu n’es pas encore prêt, là c’est sûr, tu vas rater ton train ! ».

C’est vrai que je ne les aime pas, et lorsqu’elles deviennent " montres ", bien attachées à notre poignet, comme des demi menottes, nous voila attachés à elles, bien obligés de leur obéir… Mais elles nous infligent alors de voir le temps qui passe, et sur lequel nous n’avons aucune emprise. Quant à leur bruit, comme les horloges, il nous dit à chaque instant :

-- « Trop tard, pas assez en avance, une seconde de plus, en moins à ta vie, as-tu vu le temps que tu as perdu à rêvasser ! ».

Je les hais, et quand je les arrête, coupant le " sang " qui coule dans leurs veines, en ôtant la pile qui fait battre leur cœur, à nouveau le temps semble se détendre, s’élargir et me laisser un peu tranquille, me permettant de jouir d’un peu de repos, où je profite de cet instant pour prendre mon pouls… Et stupéfaction, lui aussi me fait ressentir des pulsations identiques à celles dont je viens de couper le " sifflet " ! Serais-je moi aussi une pendule, et comme ma montre, le compte tour de mon destin ?

Il y a quelque temps, mon cœur s’est mis à battre à 135 pulsations, beaucoup trop, bien entendu… Alors j’ai remis des piles dans mon horloge, pour savoir ce qu’elles en pensaient :

-- « Alors on veut jouer au malin, te v'là bien ! Rien ne sert de nous suspendre de notre office, nous sommes les représentantes du Temps, pas celui qu’il fait dehors, bien que, car qui relate l’arrivée du printemps à la fin de l’hiver, puis le début de l’été jusqu’au passage à l’automne ! Et c’est bien les hommes qui ont conçu ces horloges, depuis le cadran solaire pour s’en servir à leur propre avantage ! Avant cela, il suffisait de voir le jour pointer pour se lever, regarder le soleil parfois juste au dessus de soi, pour se nourrir, si on en avait la possibilité, et le soir venu, d’allumer un feu pour se reposer auprès de lui…

Les animaux ont-ils inventé le " réveil " pour partir en quête de territoires et chasser ou pâturer ?

Alors nous ne faisons que ce pourquoi vous nous avez fabriquées, et simplement nous décomptons chaque seconde qui passe, depuis le début, jusqu’à la fin des choses et pour cela, nul ne peut nous en tenir rigueur ! Et si par hasard il te prenait l’idée de te passer de nos services, le temps agira sur toi sans que tu ne puisses rien y changer... ».

-- Pourtant, " sacrées aiguilles " à la langue acérée, j’ai bien des fois oublié dans la passion de mon travail votre présence, en m’en portant fort bien !

-- « Ben voyons ! Et comment établissais-tu tes factures pour ton travail, à part en comptant le temps passé ? ». 

-- Taisez-vous, vous m’agacez ! Avez-vous d’autres griefs à m’adresser ? Perfides comme vous êtes, cela ne m’étonnerais guère…

-- « Pas besoin de réfléchir beaucoup pour cela… Par exemple pourquoi tu ne vérifies pas l’espace en secondes, minutes ou heures, entre chaque cigarette que tu fumes ? Et comment as-tu pu traverser, aller retour la Marne, en enlevant ta minerve, sortant à peine d’une opération importante, qui venait de te sortir d’une paraplégie, as-tu oublié ta dernière vision du ciel bleu, lorsque tu as failli te noyer, et où il a fallu juste quelques secondes pour te tirer de là ! Le temps ce jour là a joué en ta faveur, non ? ». 

-- Allez-y, défoulez-vous ! Vous ne faites pas que de stupides " tics tacs ", vous établissez des constats de tous nos actes, en voila des manières !

-- « Tu te trompes, nous gardons simplement en mémoire, les coordinations entre le Temps et les actes, et puisque tu nous détestes, il faut bien que l’on te montre que tu as tort » !

-- Et le hasard alors, il bosse aussi avec vous… ? Car un jour, ayant acheté une paire de chaussures, je me suis rendu compte que dans la boîte il y avait deux " pieds gauches ", alors avant mon travail je suis allé arrangé cela chez le vendeur, puis dans le métro, je me suis assis en face d’une personne qui deviendra l’Amour de ma vie, et pour moi le temps semblait s’être arrêté, grâce à un double hasard…

-- « Le hasard, en voila une bien bonne ! Ne vois-tu pas que cette concordance d’une erreur menant à une rencontre correspond à des horaires très inattendus, et crois-tu vraiment que si tous les deux vous n’aviez pas eu devant vous deux petites heures, vous en seriez là aujourd’hui ? Naïf que tu es... ».

-- Donc vous prétendez tout savoir sur toute chose, et rien ne semble vous échapper…

-- « Absolument, nous sommes le reflet du temps qui passe et nous en gardons l’empreinte indéfiniment ! Prends par exemple l’histoire du monde, eh bien ce n’est qu’une succession de moments particuliers qui s’impriment en nous…

Les conquêtes, les défaites, les errements des hommes, les guerres, famines, pestes et autre périodes mortifères, tout est là dans notre mémoire ! »

-- Et vous me dites çà sans aucun complexe… Le Temps, votre boss, se contente de contempler les victoires et surtout les désastres causés par l’homme sans s’en émouvoir un seul instant !

-- « Il faudrait qu’il en ait le pouvoir, mais ce n’est pas le cas, il ne peut que constater, si c’était bien le moment pour l’homme, selon la situation, d’agir de telle ou telle façon. Les passions d’hier deviennent bien souvent les renoncements de demain, et ainsi l’histoire se répète indéfiniment depuis des lustres… ».

-- OK ! Je suis prêt à admettre tout cela, mais dites-moi pourquoi depuis peu votre " tic tac " qui marque l’avancée du temps, m’horripile à ce point ?

-- « Eh bien il faut peut-être consulter un ORL, ou bien nous le pensons, plutôt un psy... ».

-- J’ai moi, parfois l’impression que votre " tic tac " régulier et incessant, me trompe et se fout de moi… Plus j’avance en âge et plus le temps semble se raccourcir… Je suis toujours à la bourre, et n’ai plus la possibilité de faire autant de choses que, ce que je souhaiterais ! Les jours et même les semaines s’amenuisent tant, que je n’y trouve plus mon compte…

-- « Nous sommes peut-être ta détestation, mais nous t’assurons que notre rythme saccadé pour définir les secondes qui s’égrainent est parfaitement réglé sur l'étalon défini par l’homme ! Par contre, toi avec l’âge tu es devenu trop lent, voila le problème, et nous n’en sommes pas la cause ! »

-- Bon, j’ai exprimé mes sentiments à votre égard, mais comme vous avez réponse à tout, et lassé de vous entendre, je préfère en rester là pour ce soir, et pour que cesse votre sournois " tic tac ", qui va me pourchasser cette nuit, je vais ôter votre pile pour pouvoir rêvasser dans un profond silence !

-- « Fais à ta guise, mais sans aucune perfidie de notre part, permets nous de te rappeler une phrase dite par toi à une amie qui sur son lit t’annonçait « Tu sais Roland que je vais mourir » et à qui tu a répondu, lui caressant les cheveux « Je sais… quand c’est le moment faut y aller » Il semble bien qu’à cet instant ce soit bien à notre " tic tac " que tu te référais pour dire cette phrase terrible... ».

-- J’avoue ce sont mes mots, dits instinctivement et honnêtement à une amie, que j’ai perdue peu de temps après. Mais ce sera vos dernières paroles, car immédiatement, je vous enlève votre pile. Reposez-vous, vous êtes en congé… Non mais sans blague !

FIN.


Texte publié par Ecirtap Namdot, 11 octobre 2025 à 01h10
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