A Nancy Wake.
Qui n’a jamais entendu parler de l’expression « rat de bibliothèque » pour désigner une personne qui passe son temps à lire dans ce genre de vénérable institution ? Oui mais avez-vous entendu parler de souris de bibliothèque ? Probablement pas puisqu’il ne s’agit pas d’une expression.
Pourtant, il y avait un trou de souris dans le mur d’une bibliothèque, bien caché derrière une armoire remplie de livres. Dans ce trou vivait une petite famille de souris. Il y avait là une maman souris, un papa souris, un bébé souris et une petite souris du nom de Zoé.
Zoé rentrait justement au trou après s’être promenée dans les rayonnages et elle était toute excitée. Elle se planta devant ses parents.
- Maman, papa, est-ce que je peux avoir un fusil ?
Ses parents en furent sacrément étonnés, au point que son père faillit laisser tomber le livre de comptines qu’il était en train de raconter au bébé et que sa mère renversa un peu de sa tasse de thé sur la table basse.
- Qu’est-ce que tu racontes ? Voilà une drôle d’idée Zoé, fit sa maman.
- Mais avec un fusil je peux vous protéger des méchants.
- Des méchants ? Quels méchants ?
- Je ne sais pas trop, admit la petite souris. J’ai lu dans un livre d’humain qu’un jour, il y avait une souris blanche super cool qui avait tué plein de méchants. Et puis les méchants c’étaient des humains même.
- Tu veux tuer des humains ? C’est nouveau, fit son père en ajustant la position du bébé appuyé sur sa patte droite.
- Ben juste des humains méchants. Pour pas qu’ils nous fassent du mal.
Ses parents se regardèrent avec un air bizarre et toujours surpris. Zoé avait toujours eu beaucoup d’imagination. Mais c’était une conséquence assez logique de grandir dans une bibliothèque après tout.
- Tu as dû lire un livre qui racontait une espèce de conte, fit sa mère en se levant de son fauteuil pour aller prendre une éponge sur l’évier. Tu sais, je t’ai déjà dit que les humains écrivaient des choses qui n’étaient pas vraies, pour le plaisir.
- Je sais maman, fit Zoé en levant les yeux au ciel. Mais ce n’était pas une fiction. C’est un humain qui a laissé un livre ouvert et c’est dans le rayon des documents historiques.
- Mais ça ne veut pas dire qu’il ne l’a pas pris dans un autre rayon.
- Mais maman je sais reconnaître un vrai livre d’Histoire d’un livre de fiction. C’était vrai.
Les parents souris se regardèrent à nouveau mais d’un air résigné cette fois-ci. Ils n’y couperaient pas, il faudrait qu’ils aillent voir ce livre et démontrent à leur fille que l’histoire qu’elle avait vue n’était pas réelle.
- Je vais m’occuper du bébé, fit la maman souris à son mari. Va avec ta fille lui montrer qu’elle s’est emportée.
- Ah ! Après tout, j’ai besoin de me dégourdir les pattes. Allons-y Zoé !
La petite souris était toute contente et trépignait d’impatience tandis que son père enfilait son petit veston puis mettait son chapeau. Les deux souris filèrent ensuite en cheminant sous les étagères pleines d’ouvrages. La section d’Histoire n’était pas très loin et ils arrivèrent vite. Il y avait en effet plusieurs livres posés un peu n’importe comment sur une table de lecture.
- Tsss ! Les humains sont si peu soigneux, fit le papa souris en voyant les ouvrages abandonnés.
Il se concentra et fit léviter Zoé et lui jusqu’au plateau de la table. Une fois qu’ils s’étaient posés, sa fille courut vers les livres.
- C’est ce livre-là, fit la petite souris en se posant sur la page ouverte.
Le bouquin en question était écrasé par d’autres livres et seule une petite partie de la page était visible.
- Voyons ça, fit le papa souris en se perchant sur le livre le plus haut.
Le livre était bien un livre d’Histoire qui semblait sérieux dont le titre était écrit en haut de la page : « Personnages de la seconde guerre mondiale et de l’occupation ». Ah ! Au moins il se doutait de qui seraient les méchants. Il lut :
« La souris blanche a participé à de nombreux sabotages à l’explosif et à la neutralisation de postes nazis. Ses attaques ont notamment permis de paralyser de nombreuses sources de communication allemandes. Armée d’un fusil ou même parfois à mains nues, elle a tué un nombre considérable d’ennemis. La souris blanche agissait surtout dans le secteur de … »
Le reste était caché par le tas de livres.
- Curieux, conclut papa souris.
- Tu vois ? Tu vois ? S’exclama Zoé. Je l’avais dit que c’était vrai.
Le papa souris était plutôt sceptique. Zoé s’était probablement emballée. Une fois qu’il aurait fait léviter les ouvrages abandonnés en tas, il en saurait probablement plus. Mais à ce moment-là des pas retentirent.
- Vite Zoé, cachons-nous !
La petite souris avait aussi entendu quelqu’un approcher et elle s’enfuit avec son papa. Ils redescendirent de la table pour se réfugier sous une étagère. Zoé espérait que l’intrus n’allait pas emporter le livre de la souris blanche. Son papa jeta un coup d’œil.
- Oh, tout va bien fit-il, c’est Saraswati.
La bibliothécaire venait d’arriver et poussa un soupir devant le désordre. Au moment où elle se pencha sur les livres abandonnés, elle aperçut les deux souris sortir de leur cachette.
- Tiens ? Bonjour monsieur Delaplinthe. Coucou Zoé mon petit cœur.
- Bonjour Saraswati, gardienne des livres.
- Dans le monde des humains on dit simplement « bibliothécaire », monsieur Delaplinthe.
- Est-ce que vous êtes seule ?
- Oui, la bibliothèque est fermée. Venez !
La djinn protectrice des livres se pencha et prit les deux souris dans sa main. Elle en profita pour caresser Zoé de la pulpe de son pouce.
- Que faites-vous ici ? Tout va bien ? Vous avez vu d’autres souris ?
- Oui, lui répondit papa souris, il y a deux jours un couple de souris sauvage a commencé à creuser un trou mais ma femme les a fait partir avant qu’ils ne grignotent le moindre livre, rassurez-vous.
- Merci. Que ferais-je sans vous ?
- Tu pourrais les griller avec tes pouvoirs, fit Zoé enthousiaste.
- Je ne veux pas faire de mal à des souris, répondit la bibliothécaire. Même si elles ne sont pas féériques comme vous.
- Mais tu as des plus grands pouvoirs que nous pour protéger les livres.
- C’est vrai mais si je devais faire la chasse aux rongeurs, je ne pourrais plus lire autant que je le voudrais. Déjà que je dois ranger après les visiteurs.
Elle se tourna vers la table et posa les souris à côté de la pile de livre. Elle poussa un soupir renfrogné en constatant qu’une page de l’un des bouquins était écornée.
- Ah, c’est justement pour ça que nous sommes là, fit le papa souris. Enfin, pas pour le désordre mais parce que Zoé a lu quelque chose.
- Ici ? Mais Zoé, je t’ai laissé plein de livres ouverts dans la section des enfants.
- Oui mais j’ai vu que celui-là était ouvert en passant, répondit la petite souris. J’ai juste jeté un œil. Et c’était trop cool.
Zoé lui parla alors de la fameuse souris blanche et son père expliqua qu’ils étaient venus lever le mystère. Saraswati s’assit sur la chaise et prit les livres du dessus pour dégager celui qui intéressait la petite souris. Elle se mit à lire à haute voix.
« Née en 1912 à Wellington, en Nouvelle-Zélande, Nancy Grace Augusta Wake grandit en Australie avant de s’installer en Europe dans les années 1930. Brillante, indépendante, passionnée par le voyage, elle devient correspondante de presse à Paris. Lors d’un reportage en Allemagne, elle assiste à une scène de violence nazie contre des Juifs dans les rues de Vienne : ce choc marquera le début de son engagement contre le fascisme.
Dès 1940, Nancy Wake entre dans la Résistance. Elle se spécialise dans les filières d’évasion. Audacieuse, charismatique et dotée d’un sang-froid exceptionnel, elle échappe plusieurs fois aux arrestations.
La Gestapo la surnomme bientôt “la Souris blanche”, car elle semble insaisissable. Sa tête est mise à prix à cinq millions de francs, une somme considérable pour l’époque. »
La bibliothécaire posa les yeux sur Zoé.
- Oh ? Ce n’était pas une souris qui combattait les méchants, fit-elle déçue.
- Désolée mon petit cœur, répondit la djinn. C’était une grande dame, cela dit. La résistante la plus décorée à la fin de la guerre. Une sacrée bagarreuse. Beaucoup de femmes ont participé à la résistance tu sais. Mais peu ont été retenues dans l’histoire. Même Nancy Wake qui était pourtant une vraie héroïne, plus combative que bien des hommes.
- Et puis mine de rien, son surnom c’était la souris blanche, fit papa souris. C’est que ses ennemis reconnaissaient que les souris étaient rusées et intelligentes.
Zoé semblait un peu consolée par les paroles de son père et de Saraswati. La bibliothécaire ferma le livre et prit les autres pour les ranger. Puis elle prit à nouveau les souris dans les mains pour les ramener chez elle.
- Peut-être qu’il n’y a pas de vraie souris qui a combattu le nazisme, fit-elle à Zoé pendant le trajet, mais toi aussi t’es une guerrière. J’ai besoin de toi pour m’aider à protéger les livres des autres rongeurs.
- On ne fait que leur dire de s’en aller avec nos pouvoirs.
- C’est toujours mieux de parler que d’en arriver à devoir se battre. En tout cas, tu aides beaucoup tes parents et je suis très fière de toi.
Saraswati caressa encore un peu Zoé qui adorait ça et se trémoussait avec entrain. Puis elle les déposa devant l’étagère qui cachait la porte de leur trou de souris.
- Si j’ai d’autres livres sur Nancy Wake, je les laisserais ouverts pour toi mon petit cœur. Mes amitiés à votre dame, monsieur Delaplinthe.
Les souris rentrèrent dans leur trou et la bibliothécaire s’en retourna vers son bureau, pensant déjà à se faire un thé bien chaud pour accompagner sa lecture du soir.

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