La montagne était belle. Et lorsqu’elle était enneigée, elle était vraiment magnifique. Sylwia adorait se promener dans la forêt à cette période de l’année. En bonne dryade, elle aimait se promener dans la forêt à n’importe quel moment, il est vrai. Mais aujourd’hui, c’était vraiment agréable.
La blancheur des alentours illuminait la forêt de couleurs plus vives. Les troncs des sapins étaient plus bruns, leurs épines plus vertes. Les lapins des neiges étaient plus blancs, les oiseaux plus bleus et les poissons de la rivière étaient d’un gris plus argentés.
Sylwia aimait marcher dans la neige. Enfin, sur la neige. En bonne représentante du peuple des fées, elle ne laissait jamais de traces que des humains pourraient remonter. Pauvres humains qui ne comprenaient pas grand-chose à ce qui les entourait. Elle les plaignait parfois.
Mais les humains n’étaient jamais très loin et soudain, la dryade tomba sur une chose étrange. Étrange et horrible. Un tas de bois morts. Des troncs découpés, amputés de leurs branches et écorchés de leur écorce se trouvaient là dans une clairière qu’elle ne connaissait pas. Cela faisait longtemps qu’elle n’était pas venue dans cette partie de la forêt. Trop longtemps visiblement.
Les troncs avaient été disposés les uns au-dessus des autres, attachés et découpés par endroits pour disposer des plaques translucides et une tour de pierre.
- Ne t’approche pas !
Un petit sapin sur le côté l’interpella. Il tremblait de peur et semblait au désespoir. Sylwia vint à lui.
- Que s’est-il passé ici ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
- Je ne sais pas, répondit le sapin. Des hommes sont venus et ils ont tué plusieurs d’entre nous. Ils … ils les ont mutilés et ils ont fait … ça.
La dryade inspecta l’amas de cadavres.
- Mais pourquoi ?
- Je crois que c’est … un genre de rituel maléfique. Je veux dire, entasser des corps comme ça, qu’est-ce que ça peut-être d’autre ? Je crois qu’ils ont appelé ça une « cabale » … ou une « cabane », je ne suis plus sûr. Et ils ont pris mon grand frère. Ils l’ont emmené à l’intérieur. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.
- A quoi ça peut bien leur servir ?
- Ça, je ne sais pas non plus. Mais ils font des trucs sous les corps. Je les ai vu entrer par là-bas. Il y a ce qu’ils appellent une « porte ». Les autres trucs là sont des « fenêtres ». Mais ils ne passent jamais par là.
D’une branche, le petit sapin désigna une autre découpe dans les cadavres d’arbres. Elle avait été bouchée par plusieurs planches de bois fixées entre elles. Sylwia ne comprenait pas. Pourquoi couper du bois pour remettre du bois. Il y avait d’autres trous. Pourquoi les humains ne passaient pas par les fenêtres là ?
La dryade s’approcha prudemment.
- Non, n’y va pas, la supplia le sapin. Ils ne sont pas très loin. Ils vont revenir bientôt.
- Je dois savoir.
Sylwia poussa sur la porte et celle-ci s’ouvrit. Sous les cadavres, il faisait sombre. D’autres corps étaient disposés de la même manière à l’intérieur. Les humains semblaient avoir conçu une sorte de temple maudit de cadavres amoncelés.
Il n’y avait cependant pas grand-chose d’autre. La dryade voyait des peaux de bêtes, ce qui la conforta dans l’idée d’un temple impie dédié à la mort, et divers objets métalliques ou en bois atrocement mutilé.
- Est-ce que mon frère est là ?
Effrayé, le sapin chuchotait à la fenêtre. Il faisait trop sombre pour qu’il voit quelque chose de l’extérieur.
- Non, répondit Sylwia, mais attends, il y a d’autres parties.
Malgré la répulsion que lui provoquait ce lieu épouvantable, la dryade s’avança un peu plus à l’intérieur de l’horrible aberration humaine. Une autre porte se trouvait devant elle (décidément, c’était une obsession chez les humains), elle la poussa.
Elle se retint de pousser un cri d’horreur.
Au-delà de divers objets qu’elle n’identifia pas, elle fut terrifiée par un petit feu dans un espace de pierre. A l’intérieur, des morceaux de corps d’arbre brûlaient lentement. Et pire, dans un coin de la pièce, elle trouva le frère du petit sapin. Il était mort, évidemment, mais les humains l’avaient aussi torturé. Il l’avaient apparemment planté dans un espèce de tas de cubes de papiers multicolores. Il semblait qu’ils l’ait attacheé avec des cordes multicolores et qu’ils aient suspendu des boules sur presque toutes ses branches, probablement pour lui infliger de la douleur, bien qu’elle ne sut pas comment cela fonctionnait.
C’était trop. Sylwia se précipita au dehors. Le sapin l’attendait fébrile.
- Alors ? Qu’est-ce que tu as vue ? Mon frère … ?
- Je suis désolée, lui fit tristement la dryade après s’être calmée les nerfs.
L’arbrisseau fut bien triste. Mais Sylwia sentit monter la colère.
- Ils vont revenir ? Bien. Je vais leur réserver une surprise.
Sans dire un mot, elle se mit en marche en amont de la cabane, n’écoutant pas le sapin qui lui demandait ce qu’elle faisait.
Moins d’une heure plus tard, la famille Pristin revenait de sa randonnée. Le père et la mère marchaient en tête.
- Tu as eu raison de faire construire ce chalet, fit cette dernière. Cet endroit est si beau.
- Oui, et le petit sapin qui est à côté est trop mignon, fit leur petite file juste derrière eux.
- On a vraiment de la chance que le terrain fut presque donné, fit le père. Quand je pense qu’on nous l’a vendu parce qu’il s’y passerait des choses bizarres. Ah, la superstition des gens dans ces villages reculés … Enfin, maintenant on a une cabane pour nos vacances en montagne.
- En plus, je crois que le père Noël va nous trouver plus facilement cette année, reprit la mère avec un air malicieux, comme nous sommes en altitude. Il est peut-être déjà passé.
La fillette eut un grand sourire joyeux et se précipita à l’intérieur. Ses parents la rejoignirent en riant. À peine la porte fut refermée qu’un grand bruit se fit entendre dans toute la vallée et, soudain, une énorme avalanche déferla depuis le sommet. L’immense vague de neige fracassa la cabane de bois comme la lame d’un sabre frapperait une touffe d’herbe et emporta tout avec elle. Elle ensevelissait tout et en quelques secondes, il ne resta qu’une pente d’un blanc immaculé.
Plus haut, presque au sommet, Sylwia regardait le résultat. Quelques sapins avaient été ensevelis mais, eux, finiraient par émerger au printemps. Elle était toujours en colère mais sa vengeance était accomplie.

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