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Paris n’est pas vraiment le genre d’endroit où on s’attend à rencontrer des elfes – même dans le Marais (1).

Tissu urbain trop dense, pollution importante, gens peu amènes : trois bonnes raisons pour éviter cette mégalopole bruyante, selon la Gazette Sylvestre.

Et pourtant… Je me souviens de mon premier elfe. C’était aux alentours du BHV (2). Je sortais de ce grand magasin et m’apprêtais à disparaître dans une bouche de métro – celle de la ligne n°11 pour être exacte.

Et je l’ai vu. Il flânait rue de Rivoli, observant avec intérêt les fenêtres de l’Hôtel de ville. Il se démarquait du touriste moyen par une allure singulière, des vêtements chatoyants, un pas léger et des oreilles pointues.

La littérature et le cinéma ont donné une représentation erronée de ces êtres magiques. Ils n’ont absolument pas la peau blanche et le cheveu peroxydé. Pour tout dire, ils s'éloignent assez, de par leur aspect et leur taille, du modèle scandinave.

Ce sont avant tout des êtres végétaux. Ils ne sont pas très grands, ont le teint verdâtre ou terreux et leur chevelure tient plutôt de la touffe d’herbe que du fil de soie argenté. On peut en revanche leur concéder une certaine élégance.

Enfin voilà, les elfes – et bien d’autres créatures – ont débarqué.

Il y avait eu des rumeurs. Quelque part au fin fond des territoires bretons, une faille s’était ouverte dans le sol moussu d’une forêt dense, faisant surgir des créatures mythologiques sorties tout droit d’un bréviaire de fantasy.

Bien évidemment, ces allégations édifiantes qui fleuraient bon le folklore rural et suranné ont au départ amusé les Parisiens – toujours prompts à se gausser des frasques provinciales. Mais, lorsque des elfes se sont aventurés dans les villes, il a bien fallu se rendre à l’évidence.

La première fois que l’on aperçoit un être magique, ça surprend. On fronce les sourcils, on écarquille les yeux, on reste un peu bouche bée. Emprunt de rationalisme, notre esprit rejette d’emblée la possibilité d’être en présence d’une authentique créature légendaire. Mais où sont les caméras ? se dit-on, le sourire en coin.

Sourire qui disparaît une fois la vérité établie : les elfes existent bien et ont envahi la capitale. Un fait probant, tangible : tout un chacun a pu voir un elfe, lui parler, le toucher. Quoi qu’un peu réservé, l’elfe n’est ni farouche ni associable. Les scientifiques eux-mêmes ont pu les observer de près. Ce qui a mis fin à une possible « fake news » – il va de soi que les obsédés du complot ont continué de nier l'évidence et crié à la supercherie.

La stupéfaction, l'émoi et la remise en question de certaines réalités physiques ont ébranlé nos certitudes.

Il a fallu un peu de temps pour digérer l’apparition de ces nouvelles espèces. Mais bon, le parisien s’habitue à tout.

Les elfes et les autres créatures se sont peu à peu intégrés à la vie citadine. Bien sûr, ils ont avant tout privilégié les lieux à forte concentration d’arbres.

L’investissement des bois s’est fait tout naturellement. Les faunes ont adopté le bois de Vincennes et les elfes et les satyres le bois de Boulogne. La mairie de Paris a laissé faire, un peu débordée par les événements.

Exceptées quelques frictions avec certains proxénètes à Boulogne, l’occupation des bois s’est faite sans heurts.

On peut dire que, globalement, l’intégration des elfes et de nombreuses créatures a été un succès. Et Paris a pu s’enorgueillir d’un nouvel attrait touristique.

Il en a été tout autrement pour les orcs.

Des elfes ? Splendides ! Des faunes ? Prodigieux ! Des satyres ? Cocasses ! Des farfadets ? Rigolo ! Des nains ? Trop cool ! Mais des orcs ?…Au secours !

Physiquement et moralement, l’orc ne jouissait pas d’une bonne réputation – et c’est peu dire.

Depuis J. R. R. Tolkien, toute une littérature de fantasy s’est ingéniée à rendre l'orc odieux et repoussant.

Certes, il n’est pas très avenant – les deux crocs de sanglier qui sortent de sa bouche violacée le rendent un peu effrayant. Mais il sait se montrer aimable quand on lui demande son chemin, et son air renfrogné cache en fait une grande timidité. Il faut néanmoins éviter de le bousculer si l'on veut conserver ses membres intacts.

Bien sûr, il y eut quelques accrocs, des morsures malheureuses, des chiens qui ont disparu.

Passé l'effroi, et voyant que l'orc n’était pas cette bête sanguinaire et amorale décrite dans les livres, les Parisiens ont fini par s'accommoder de leur présence. Enfin, la rive droite… La rive gauche n’a pas du tout supporté une telle promiscuité. Toute la bonne bourgeoisie, le XVIᵉ arrondissement en tête, a sommé les autorités de reléguer ces créatures de l'autre côté du périphérique, de préférence à l'est.

L'Association des Amis du Petit Peuple, qui avait œuvré sans relâche pour l'intégration de toutes les créatures fantastiques, a tenté de plaider la cause des orcs, mais en vain. Que peut-on faire face au pouvoir de l'argent ?… Suite à une campagne de calomnie orchestrée par l’élite bourgeoise via les grands médias (qu’elle détient), les orcs ont été parqués au fin fond de la Seine Saint-Denis. Ils ont pu par la suite circuler librement, à condition toutefois de détenir un Certificat de Citoyen Convenable (ou C.C.C) – papier octroyé par les autorités et faisant l’objet d’un contrôle drastique.

Que dire de la Faille ?… Les scientifiques se sont penchés dessus (pas trop quand même de peur de tomber) mais ne sont pas parvenus à en déterminer les causes réelles.

Le réchauffement climatique a été évoqué, mais n’a pas dépassé le stade de l'hypothèse, faute de faits tangibles. Il faut dire que même les instruments les plus sophistiqués ne sont pas parvenus à en sonder l'intérieur. Des drones l'ont survolée et se sont comme désintégrés. Les satellites n’ont révélé qu’une grande trace noire et opaque sur le sol forestier. Des foreuses ont été utilisées mais ont littéralement fondu à l'approche de la gigantesque fissure.

Peut-être un jour percerons-nous son mystère…

Quoi qu’il en soit, au fil des ans, la vie avec les créatures du Petit Peuple s’est normalisée, pour ne pas dire banalisée, avec son lot d’inattendus, de conflits et de crimes…

Avez-vous entendu parler de la Brigade des Affaires Criminelles et Fantastiques, appelée familièrement la Crimf ? Non ?…C’est que nous sommes discrets – et que surtout personne ne tient à parler de nous.

Cette cellule a été créée suite à l'affaire dite « des peignes à barbe ».

Les Nains s’étaient plaints de la disparition de nombreux peignes à barbe en or massif qu’ils conservaient jalousement dans des coffres cadenassés. Ils s'étaient mis à accuser tout le monde – et notamment les elfes et les orcs, provoquant un conflit généralisé entre les différentes espèces.

Afin de couper court et d’éviter un bain de sang, les autorités ont décidé de mettre sur pied un organe spécifique, chargé de résoudre les crimes et délits impliquant le Petit Peuple.

Et devinez qui a eu la joie d’être affecté à la Crimf ?

Bingo ! Votre serviteur, Alban Delavigne, simple technicien de la police technique et scientifique… « Pourquoi moi » ? Ai-je crié, interloqué, à l’annonce de ma « nomination ». « Il nous faut un geek », m’a-t-on répondu avec une pointe d’ironie.

J’ai dû accepter le poste, ne souhaitant pas me retrouver muté dans un trou paumé.

Et c’est ainsi que je suis devenu l’adjoint de la commissaire Lili K.

Notre travail avait jusque-là essentiellement consisté à intervenir sur des affaires de vol. Ce qui m’allait parfaitement.

Un meurtre, c’était une première…

(1) Quartier situé dans les 3ᵉ et 4ᵉ arrondissement de Paris

(2) Bazar de l’Hôtel de Ville, grand magasin situé dans le Marais


Texte publié par Carmin, 24 septembre 2025 à 15h04
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