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Il y avait du monde dans la petite église. Toutes les familles du village étaient venues assister au procès tenu ce jour par le tribunal inquisitorial. Il fallait dire qu’il n’y avait pas grand-chose à faire en ce dimanche d’hiver tous les hommes, femmes et enfants du patelin étaient donc venus se distraire avec la justice ecclésiastique. C’est qu’on ne voyait pas tous les jours non plus un procès en sorcellerie. Souvent, ces temps-ci. Mais pas tous les jours.

Le prêtre-juge Hautpiquet ordonna le silence dans l’église. Il fallut plusieurs rappels de la part des moines qui l’accompagnaient pour qu’un semblant de silence régna enfin.

- Bien, fit-il alors en lisant un parchemin. Voyons les chefs d’accusations. Sorcellerie … évidemment … vol, meurtre et pacte avec le diable. L’accusé a-t-il quelque chose à dire pour sa défense ?

Tous les yeux se tournèrent vers la chaise qui faisait face au pupitre du juge.

- Miaou.

Le chat noir avec une tâche blanche sur le torse avait peut-être compris que l’on s’intéressait à lui et miaula en regardant le grand homme avec un semblant de curiosité.

- Mais maman, fit une petite voix dans la foule. Ça parle pas un chat. Comment il peut dire quelque chose pour sa défense ?

- Tais-toi Amélie, répondit la mère. Contente toi d’écouter.

Amélie était une fillette trop curieuse au goût de l’époque. A tout juste 9 ans, on lui pardonnait encore de poser trop de questions. Sa maman s’inquiétait que si elle continuait comme ça, ce soit elle qui se retrouve face à un prêtre-juge un jour.

Cependant, Hautpiquet n’avait pas entendu la remarque dans le reste de brouhaha de l’église. Et il était pressé d’en finir.

- Que l’on fasse venir la première témoin, madame Gardange. Dîtes-nous ce que vous avez vu.

La femme s’avança et se tint devant le tribunal en s’éloignant de la chaise du matou.

- Mon père … euh, votre honneur. Ceci n’est pas un chat mais un Mandragot, un chat d’argent. Cet animal du diable appartenait au meunier, monsieur Dortour.

- Maman, demanda Amélie, c’est quoi un mandragot ?

- Ecoute la dame, tu sauras, répondit la mère.

Hautpiquet était aussi curieux.

- C’est quoi un mandragot ?

- Ce sont des créatures du diable obtenues par un sorcier en échange de son âme. Il faut faire une offrande sur un croisement à 5 voies pour le faire venir. Il ne chasse pas les souris et se contente de manger à sa faim ce qu'on lui propose. Mais en réalité on sait qu’il réclame le lait des femmes allaitantes.

- Mais pas du tout, s’exclame alors une autre femme dans l’assemblée. Ces bêtes de l’enfer doivent être nourries avec la première bouchée de chaque plat, c’est connu.

- Comment elles savent autant de choses sur les créatures infernales les dames ? Demanda Amélie.

- Ça ne te regarde pas, répondit sa maman

- Silence, ordonna le prêtre-juge. Continuez madame Gardange.

La témoin toisait la femme qui l’avait interrompu mais se tourna à nouveau vers le juge et reprit.

- Un Mandragot se promène dans quelques lieux mystérieux pendant la nuit et revient à l'aube avec un stock de louis d'or pour son maître. Si celui-ci le néglige ou ne le récompense pas, le Mandragot s'offense et peut se venger cruellement.

- Mais comment ça peut porter des louis d’or, un chat ? S’étonna Amélie.

- Enfin, répondit sa mère, tu as déjà vu des bourses, non ? Il doit porter la bourse dans sa gueule.

- Ah oui.

Heureusement que Hautpiquet était trop loin pour entendre la fillette car il n’aurait pas aimé ses interruptions. Il continuait l’interrogatoire du témoin.

- Donc vous pensez que la mort de monsieur Dortour est dû à ce chat … cette créature qu’il aurait négligée.

- Assurément votre honneur-père.

- Fadaises, s’exclama un vieil homme de l’assistance. Tout le monde sait qu’un chat d’argent sert 9 maîtres et qu’il emmène le dernier en enfer.

- Mais si le meunier était un sorcier qui a vendu son âme pour un Mandragot, fit Amélie, est-ce qu’on ne s’en fiche pas un peu de comment il a été en enfer ?

- Ne complique pas tout, Amélie.

Hautpiquet effectua un nouveau rappel à l’ordre courroucé et les moines durent à nouveau intervenir pour rétablir le calme.

- Bon, reprit le prêtre-juge, faisons appel à notre expert.

Le diacre Brulhot s’avança à l’invitation du juge.

- Mon père, déclara-t-il. Peu importe que cette bête soit un Mandragot ou non. Un chat est par essence une créature de malchance et du mal. Ce sont des êtres de sournoiserie et de féminité. Observez un chat. Son comportement sexuel démonstratif, son grand besoin de sommeil, autrement dit sa paresse, et ses vagabondages. Ce sont des créatures de sorcellerie, peut-être une sorcière même.

D’un geste théâtral, Brulhot désigna le matou qui dormait sur sa chaise auquel plus personne n’avait prêté attention depuis un bon moment. La foule le regarda avec effroi.

- Les sorcières peuvent se transformer huit fois en chat, mais si elles le font une neuvième fois, alors elles ne peuvent plus jamais retrouver leur apparence initiale. C’est probablement une sorcière mais même dans le cas contraire, un chat est une créature du malin.

- La messe est dite, enfin façon de parler, s’exclama Hautpiquet. Le coupable est condamné au bûcher.

Les moines saisirent le chat et l’emmenèrent à l’extérieur où un bûcher avait opportunément était dressé juste au cas où. Ils attachèrent le félin et allumèrent le brasier sans que personne ne songe que le meunier aurait pu mourir écraser par sa meule simplement en ayant glissé. Une fois le bûcher totalement consumé, chacun repartit chez soi, satisfait que la justice eut été rendue.

Mais la nuit venue, une petite ombre se faufila jusqu’à la place désertée et attendit devant les cendres. Le chat noir s’extirpa de sous le bois consumé et miaula.

- Chut, minou, fit la petite Amélie en sortant de l’obscurité.

Elle prit le chat et l’épousseta, notamment son torse pour faire réapparaitre la marque blanche.

- Je suis contente que mon sort de protection ait marché. Ils n’ont rien remarqué. Maintenant file et ne va pas te promener vers le moulin ou les idiots du coin vont encore s’imaginer des trucs pas possibles.

Le chat miaula et fila dans la nuit. Amélie alla reprendre son balai, le chevaucha et s’envola rapidement. Elle devait retourner à la maison avant que sa maman ne s’aperçoive qu’elle n’était plus dans son lit. Il ne faudrait pas qu’elle découvre son secret.


Texte publié par Darklord, 5 septembre 2025 à 18h09
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