Les gardiennes de la lumière et de l’obscurité

Quand on regardait bien, mais vraiment bien, on pouvait voir sur un nuage une petite maisonnette dans le ciel, là-haut tout au fond, un peu sur la gauche. La maisonnette du ciel était faite de bois, de pierres et de lierres. Elle était entourée sur deux côtés de grands arbres majestueux. Sur le nuage, il y avait aussi un petit jardin offrant de gros légumes gorgés de soleil (forcément) et des fleurs de toutes les couleurs. Entre les fleurs et les légumes on pouvait voir des hérissons tout doux qui ne piquaient pas. Un pont en arc-en-ciel permettait de se rendre sur un autre nuage où se trouvait une mare aux canards. Parce que c’est bien, les canards.

Et puis on pouvait souvent aussi voir Aube qui courait en riant autour de la maisonnette. Ah oui, parce que j’oubliais de vous dire que la maisonnette était habitée par deux sœurs qui s’appelaient Aube et Crépuscule et qu’elles étaient les gardiennes de la lumière et de l’obscurité. … Oui, vous avez raison, c’était quelque chose d’assez important en fait et j’aurais dû le mentionner plus tôt.

Aube était une petite fille avec de longs cheveux dorés et un grand sourire toujours vêtue d’une robe de laine blanche. Elle était pleine d’énergie et sautait toujours partout. Mais elle savait aussi être sérieuse quand elle devait travailler. Cela dit, elle ne travaillait pas beaucoup. Crépuscule était une jeune fille aux cheveux de feu. Elle avait un air un peu mélancolique mais avait toujours un fin sourire aux lèvres. Elle était toujours vêtue d’une robe de soie noire et elle aimait regarder sa sœur courir partout, ça tombait bien.

Mais revenons-en à nos nuages ... enfin, nos moutons … bon, c’est pareil. Les deux sœurs avaient donc un travail important. La plus jeune, Aube, sortait joyeusement de son petit lit chaque matin en repoussant vivement sa couette de nuage. Elle prenait un délicieux petit déjeuner de cailloux au chocolat tandis que Crépuscule préférait des tartines à la confiture de poisson. Puis Aube se mettait à l’ouvrage.

Elle allait cueillir les étoiles puis les rangeait soigneusement dans leur boite pour qu’elles se reposent. C’était important parce qu’elle ne devait pas les mélanger, chaque étoile avait son petit nid dans la boite et il lui fallait bien mettre l’étoile polaire à sa place et non pas dans le nid de Belenos ou Lilii Borea. Sinon où mettrait-elle Belenos ou Lilii Borea ensuite ? Aube aimait bien l’étoile polaire car elle brillait beaucoup. Elle en prenait grand soin.

Ensuite, elle allait embrasser la lune pour lui dire au revoir puis elle retirait le voile de la nuit avant que le soleil n’arrive. Il ne fallait pas qu’elle oublie le voile sinon le soleil pourrait le brûler et après c’était embêtant de le réparer avec de grosses bobines de fils noir.

Pendant ce temps, Crépuscule s’occupait de ranger un peu, de balayer et de faire la vaisselle avec l’eau de pluie qu’elle prenait d’un petit nuage gris. Une fois ces tâches accomplies, les deux sœurs allaient s’amuser.

Quand le ciel était d’un bleu immense, elles n’avaient pas grand-chose à faire, alors elles s’occupaient un peu du potager et des fleurs. Mais le plus souvent, elles allaient se baigner dans la mare aux canards. Ou bien elles chevauchaient de grands oiseaux et filaient à toute vitesse dans le ciel, plongeaient presque jusqu’au sol ou faisaient la course. Parfois elles jouaient à une bataille de chatouilles avec le vent mais c’était toujours le vent qui gagnait parce qu’elles ne pouvaient pas le toucher alors que lui se faufilait partout. Elles ne se décourageaient pas pour autant.

Mais elles aimaient surtout quand ils y avaient des nuages parce que c’était plus rigolo. Elles pouvaient sauter dessus ou les utiliser pour faire des dessins. Elles pouvaient les étirer pour faire des voiles blancs très fins ou bien les sculpter pour leur donner des formes d’objets ou d’animaux.

Parfois, les nuages étaient gris et un peu tristes parce qu’ils étaient pleins d’eau et qu’ils devenaient lourds. Alors les deux sœurs les essoraient pour qu’ils sèchent plus rapidement. C’était long et un peu ennuyeux à un moment mais elles aimaient voir tomber la pluie. Elles trouvaient ça joli. Alors parfois elles en faisaient tomber plein, plein, plein pour que tout le monde soit ravi. Les meilleurs, c’étaient ceux qui portaient la neige. C’était trop beau et après tout était blanc en dessous. On aurait dit que la terre était devenue un gros nuage. Et avec l’aide de leur ami le vent, elles faisaient tournoyer les flocons dans l’air et allaient danser avec eux.

En revanche, ce qu’elles adoraient plus que tout, c’étaient les gros nuages noirs tout chargés de tonnerre. Elles sautaient dessus comme un trampoline et à chaque fois ça faisait de grands cracs et de grosses lumières. C’était vraiment trop amusant.

À la fin de la journée, c’était au tour de Crépuscule d’aller travailler. Après le repas du soir, elle sortait pendant que Aube lavait la vaisselle à son tour. Elle remettait le voile de la nuit après le départ du soleil et accueillait la lune en lui demandant comment s’était passée sa journée. Mais comme la lune dormait tout le jour, leur conversation finissait vite. Alors, Crépuscule replantait les étoiles dans le ciel en y faisant très attention, surtout à l’étoile polaire parce que c’était la préférée de sa petite sœur. Quand il y avait des nuages, elle aimait bien aussi les arranger pour qu’ils entourent la lune parce qu’elle trouvait qu’avec la lumière qui passait au travers ça faisait très beau.

Enfin, elle rentrait et accompagnait Aube jusqu’à son petit lit et là, elle lui racontait une histoire pour l’endormir. Crépuscule allait ensuite vérifier que la porte et toutes les fenêtres étaient bien fermées pour qu’un cauchemar ne profite pas de leur sommeil pour entrer. C’était la seule chose dont les deux sœurs avaient peur, les cauchemars.

Une fois que tout était prêt, Crépuscule regagnait son grand lit. Parfois, en soulevant sa couette nuage, elle y trouvait Aube qui s’y était faufilée et qui était toute pelotonnée sur son oreiller. Alors elle s’allongeait et prenait sa petite sœur dans ses bras et toutes deux faisaient de beaux rêves.