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La coiffeuse au runes d'or

Le regard dans le vague, Ha-neul patientait dans sa boutique d’antiquités. Deux ans plus tôt, elle avait tout sacrifié pour ouvrir ce lieu et réaliser son rêve. Elle sourit en repensant à ces débuts, quand la porte s’ouvrit sur une jeune fille menue, vêtue d’une longue jupe marron et d’un pull crème.

« Bonjour. J’aimerais vous vendre une ancienne coiffeuse. Je déménage, je n’ai pas la place pour l’emmener. »

Curieuse, Ha-neul la suivit dehors. Dans le coffre de sa voiture se trouvait une coiffeuse en chêne massif, décorée de dorures raffinées. Mais en l’examinant de près, elle comprit qu’il ne s’agissait pas de simples feuilles d’or : c’était de l’or pur. Fascinée, elle l’acheta immédiatement et la plaça dans l’espace réservé aux pièces d’exception.

Le lendemain, en entrant dans la boutique, un frisson la parcourut. Tout semblait en ordre, sauf la coiffeuse, légèrement déplacée. En s’approchant, une sensation désagréable l’envahit, comme si elle était observée. Dans le miroir, elle crut voir des ombres mouvantes. Puis des mèches dorées apparurent, son reflet se déforma et s’anima. Terrifiée, Ha-neul s’effondra au sol, figée. Le reflet, souriant, posa une main sur la surface du verre avant de disparaître.

Secouée, elle tenta de retrouver les coordonnées de la vendeuse, mais dans son enthousiasme, elle avait oublié de lui faire remplir le formulaire habituel. Elle était désormais seule avec la coiffeuse.

Elle se souvenait de rumeurs, enfant : certains objets pouvaient être des passages vers d'autres mondes, pour le meilleur ou pour le pire. Jusqu’ici, elle n’y avait jamais cru. Mais cette coiffeuse prouvait le contraire. Le soir même, Ha-neul se lança dans des recherches en ligne et découvrit un blog. Un homme y racontait qu’une coiffeuse identique hantait sa famille depuis des générations.

Adolescent, il avait participé à un défi : se tenir devant le miroir de la coiffeuse réputée maudite. Après cela, son père, puis sa sœur, son frère et enfin sa mère furent frappés par des accidents tragiques. Son père, convaincu qu’une présence avait été libérée, avait fini par utiliser un ancien grimoire pour la sceller. La coiffeuse fut ensuite confiée à une cousine chargée de la détruire. Mais si elle avait été vendue… alors le danger persistait.

Des photos accompagnaient le témoignage. C’était bien la coiffeuse de Ha-neul. Un frisson glacé la traversa. Elle envoya aussitôt un message de détresse à l’auteur.

La nuit fut longue et agitée. À l’aube, son téléphone vibra. La réponse était brève :

« Ne la vendez pas. Ne la détruisez pas. Elle est un sceau. »

Un deuxième message arriva bientôt :

« Si vous brisez l’équilibre, ce qui hante le miroir s’échappera. Ne restez pas seule. »

Ha-neul sentit son cœur se serrer. Pourtant, elle continua sa routine : douche, petit-déjeuner, trajet jusqu’à la boutique. Mais dès qu’elle vit la coiffeuse, elle sut que le message n’était pas un simple avertissement. Le miroir semblait luire d’une clarté étrange. En s’y attardant, elle distingua des images : une ville terne dont les façades perdaient leurs couleurs, des ruelles désertes, des loups tapis dans l’ombre. Une légende lointaine lui revint : une maladie appelée le Gris, qui consumait les paysages et les âmes.

Et si la coiffeuse était réellement un passage ? Un lien entre sa ville et ce monde grisâtre ?

Le soir, armée d’une bougie et d’un crucifix de sa grand-mère, elle osa rester devant le miroir. À minuit, son reflet s’effaça. À sa place apparut une femme qui lui ressemblait comme une jumelle, à ceci près qu’elle portait des mèches dorées et affichait un visage marqué par la peur. Ses lèvres bougèrent en silence, puis elle tendit la main vers Ha-neul. Aussitôt, un souffle glacé envahit la boutique, des griffes raclèrent le bois derrière le miroir, et un grondement sourd monta. Ha-neul comprit : le sceau retenait bien plus qu’un simple passage.

Elle devait choisir : ignorer la menace et vivre avec cette présence, ou tenter de reproduire le rituel ancien décrit dans le blog.

Un indice lui revint : « Cherchez dans les dorures. »

Elle saisit une loupe et observa les motifs. Ce n’étaient pas de simples arabesques, mais des runes, des fragments d’incantation incrustés dans l’or. Chaque trait racontait un bout du rituel.

Lorsqu’elle s’en rendit compte, son souffle se coupa. Elle aurait préféré ne jamais savoir. Car connaître ce secret signifiait qu’elle devait désormais garder la coiffeuse et sa vérité enfermée. Et dans ce savoir naquit un regret profond, presque insupportable : celui d’avoir accepté, avec tant d’enthousiasme, une coiffeuse qu’elle aurait dû refuser.


Texte publié par LudivineR, 16 août 2025 à 14h46
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