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tome 1, Chapitre 6 « Un curieux livre » tome 1, Chapitre 6

Roussette s'empara d'une besace de cuir, dans laquelle elle fourra son téléphone, deux ou trois parchemins et une gourde d'eau. Elle usa de sa magie pour éteindre le PC, fermer toutes les fenêtres et souffler les bougies.

Elle s'avança jusqu'au mur et souleva le premier disque du cadran. Elle plongea la main dans l'interstice et en délogea un petit objet rond, de la taille de la paume de sa main. Il s'agissait d'une reproduction miniature du cadran, qu'elle rangea dans sa besace. Gabriel supposa que le mini-cadran était une pièce importante du mécanisme, car le plus grand sur le mur sembla se ternir et se mettre en sommeil.

N'ayant pour sa part que son sac à emporter, Gabriel le ramassa au sol. Au moment de le glisser sur l'épaule, il s'aperçut avec stupeur qu'une faible lumière argentée s'échappait par un accroc dans le tissu. Il souleva le rabat et en sortit le plus gros des livres.

Doté d'un imposant fermoir en métal patiné, celui-ci luisait sans scrupule. Roussette s'approcha:

— C'est quoi ça?

— Parce que tu crois que je sais? Sérieux?

— Gabriel, cette aura est magique. C'est quoi ce livre?

— J'en sais fichtre rien. Mon patron m'envoie souvent chez des antiquaires chercher des vieux bouquins pour sa collection privée. J'allais lui apporter ceux-là quand je suis tombé dans le parc. Il ne brillait pas avant, je te le jure!

De fines arabesques s'étiraient de part et d'autre de l'ouvrage, sans qu'une quelconque lettre ou le moindre symbole puisse être identifié. Roussette effleura la couverture et sentit des vagues de magie vibrer depuis le fermoir. La lueur embrassait les arabesques de façon rythmique. En tendant l'oreille, on pouvait même percevoir un léger bourdonnement.

— Hum... Je veux pas m'avancer trop, mais j'ai comme l'impression qu'on a un début d'explication à ton arrivée ici... Je n'avais jamais vu un tel livre: sa magie est douce, mais puissante. Je peux la sentir, c'est la même forme de magie que la mienne.

De mieux en mieux! Gabriel prit conscience que ses petites courses pour M. Weber l'avaient entraîné bien plus loin qu'il n'aurait souhaité... Comment ce livre s'était-il trouvé sur Terre, s'il recelait de la magie? Il secoua la tête de gauche à droite: non non non. C'était quoi cette question? C'était pas son problème, finalement!

— Et je fais quoi, maintenant?

Passant encore une fois sa main sur le livre, Roussette n'hésita pas avant de répondre:

— J'ai pas l'impression que ce soit dangereux. C'est plutôt stable, comme pulsation. Remets-le dans ton sac, et on y va. Dame Iskarine ou un autre membre du Conseil pourra peut-être nous dire à quoi ça rime tout ça.

Après un dernier regard sur la pièce, Roussette franchit la porte du cabanon. Curieusement, Gabriel n'eut plus très envie de quitter cet endroit qui lui devenait familier. Surtout pour rencontrer cette dame tout à fait désagréable qui semblait en savoir plus sur lui que lui-même...

L'adolescente verrouilla la porte avec une grosse clef en cuivre et mit en route l'alarme:

— Y a pas d'autre Veilleur à proximité. Avec ça, Hercule pourra intervenir si quelque chose arrivait à la cabane.

— C'est qui, Hercule?

— C'est le Gardien assigné à la même porte que moi. Tu l'as peut-être croisé, non? Roux, avec une oreille en carafe.

— L'écureuil avec une oreille cassée? Tu veux dire que ce minuscule écureuil est un surveillant?

— Un Gardien, oui, et un sacrément costaud, tu peux me croire!

Roussette trottina en direction du ruisseau et s'engagea sur le petit sentier qui le longeait. Son compagnon, moins enthousiaste, lambinait derrière elle.

— Allez, arrête de traînasser. La flue n'est pas loin.

Gabriel examinait le paysage autour de lui. Les arbres pétillaient d'un bleu outremer éblouissant, chaque branche auréolée de soleil. Le ruisseau traversait la clairière dont les herbes délicates se couchaient gracieusement sous la brise. Un chant mélodieux, un son tel qu'il n'en avait jamais entendu, accompagnait leurs pas tel une caresse.

Il se sentait... bien... L'angoisse qui l'avait saisi à son arrivée s'était dissipée. Il réalisa que, pour la première fois, ses pensées étaient ordonnées et posées.

— Tu n'as pas répondu, tout à l'heure: qu'est-ce que tu fais ici, toute seule?

Roussette ralentit pour se mettre à sa hauteur:

— J'habite ici depuis presque un an. Je suis ce qu'on appelle une Huissière: je suis chargée de prendre soin d'une porte. En l'occurrence, la porte du Parc des Lanternes, sur Terre.

Elle lui assena un petit coup de coude:

— C'est pour ça que t'es tombé sur moi!

— D'accord, mais ça me dit pas ce que tu fais?

— Oh. C'est pas très compliqué en fait. Quand des visiteurs doivent passer, le cadran m'en informe, et je les accueille. Si besoin, je les accompagne vers la porte ou la flue. Parfois, je fais une ronde, voir si tout va bien sur mon territoire. Mais, comme je disais, c'est assez calme ici. Donc j'en profite surtout pour étudier.

— Tu apprends la magie?

— Oui et non. J'essaye de mieux comprendre le cadran. Il est très ancien, et personne ne sait vraiment comment il fonctionne. Mais comme ma magie a l'air en phase... Je suis là et j'étudie un peu tout ça. Et toi? T'es ébéniste, c'est ça?

C'était bien la première fois que quelqu'un s'intéressait à son métier! Ses rares amis trouvaient sa profession vieillotte, excessivement barbante, et ne le questionnaient jamais.

— Eh bien, oui. J'ai toujours aimé le bois, sa texture, et tout ce qu'on pouvait créer avec. Après mon diplôme, j'ai trouvé du boulot à l'atelier de M. Weber. On fait surtout de la restauration de meubles anciens, et parfois de gros chantiers dans de vieilles demeures, avec des menuisiers. Sur mon temps libre, j'aime bien fabriquer des coffrets, des petits objets de déco.

— C'est chouette, ça! Faudra me montrer, hein! Dis, ce Weber, c'est lui qui t'envoie récupérer des livres?

— Oui. Si j'ai bien compris, il est passionné par les livres anciens. Presque tous les samedis, je vais en province chercher un ou plusieurs livres chez des collectionneurs, des antiquaires... J'ai jamais vu sa bibliothèque, mais je lui ai déjà apporté un sacré paquet de livres! J'aime bien: ça me fait voyager, et franchement, il paie bien.

— T'en avais déjà eu d'autres, des livres comme celui-là?

— Avec des fermoirs, des mots et des dessins que je ne comprends pas? Oui, des tas! Mais jamais un qui se prend pour un lampion! Tu crois vraiment que c'est à cause du livre que je suis... passé?

— Fizou, oui! J'y mettrais ma main à couper, même si j'y comprends rien.

Gabriel laissa échapper un petit rire.

— Quoi? Qu'est-ce qui te fait rire? Te moque pas de moi!

— Je me moque pas: j'aime bien ton "fizou". C'est mignon.

Les joues de Roussette rougirent légèrement et elle sourit:

— Hihhi. Je sais pas d'où j'ai ça. Je crois bien que, petite, j'ai attrapé des mots que j'ai déformés, les pauvres! Y en a pas beaucoup qui remarquent que je le dis tout le temps! Fizou!

Entre deux éclats de rire complices, ils arrivèrent au bord de la clairière. Les arbres étaient différents ici. Toujours bleus, mais nettement moins hauts. Plutôt rabougris, d'ailleurs. Trapus, avec des branches qui s'entremêlaient les unes aux autres, créant une barrière naturelle infranchissable.


Texte publié par Hiraeth, 31 août 2025 à 10h25
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