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tome 1, Chapitre 3 « L'entre-monde » tome 1, Chapitre 3

Roussette dévisageait avec curiosité le jeune homme assis en face d’elle. Elle lui donnait... quoi, 23 ou 24 ans ? Il était plutôt grand et athlétique. Ses cheveux blonds un tantinet trop longs lui cachaient les yeux par moments, et son regard restait un peu hagard. Mais il semblait plus apaisé. Il terminait son coca par petites gorgées. Gabriel leva la tête, la pressant du regard de trouver une solution à son problème.

Fizou ! Comment allait-elle s’y prendre ? Elle allait devoir se triturer les méninges pour ne pas ajouter à sa confusion. Il était clair qu’il n’était pas ici volontairement et qu’il avait du mal à intégrer la situation. Le plus délicat, ce serait de lui annoncer qu’en fait... ben, il ne pourrait pas repartir aussi facilement !

Bon, quand faut y aller...

— Alors, hum. Déjà, ça me fait trop bizarre que tu me donnes du « vous ». Tu crois qu’on peut se tutoyer ? Ce serait plus simple pour moi. Et puis, t’as l’air sympa, ça me ferait plaisir.

Elle accompagna sa question d’un clin d’œil espiègle et attendit sa réponse.

Gabriel acquiesça d’un hochement de tête et la vit s’emparer d’un parchemin qui traînait sur le piano. Elle déroula celui-ci sur la table. Une carte splendide y était tracée, ou peut-être même imprimée, car la finesse des traits était inouïe.

— Ce que tu vois là, ce sont les Lanternes. C’est là où on se trouve en ce moment.

Du doigt, elle pointa sur le parchemin ce qui semblait être un continent entouré de mers et de nuages. Au-dessus de celui-ci, plusieurs dizaines d’îles flottaient, certaines minuscules, d’autres plus imposantes. Elle se dit qu’elle avait réussi à capter l’attention de Gabriel, car il se pencha pour mieux voir. Elle continua :

— C’est un peu comme une grande place centrale dans un centre commercial, ou un énorme carrefour, si tu veux. Les Lanternes, c’est un entre-monde qui permet d’accéder à tous les autres univers, qu’on appelle des fractéons.

Elle tourna la tête vers lui et, sans réelle surprise, vit une expression de totale incrédulité sur son visage. Évidemment, il ne la croyait pas. Dans son monde, l’existence du multivers n’était diffusée qu’au sein de rares cercles de chercheurs et d’érudits. Quand aux autres habitants... ils faisaient preuve d’un tel manque d’imagination ! Ah la la... Le convaincre allait être plus compliqué que prévu...

— OK, je vois... Cette carte, tu sais, c’est juste une vision d’artiste, ça ressemble pas vraiment à ça. Bon, oublie la carte, c'était pas une bonne idée. Comment je peux faire plus simple... ? Euh, toi, tu viens de la Terre, non ?

Gabriel la regarda avec des yeux ronds comme des soucoupes :

— Mais... d’où voul... d’où veux-tu que je vienne ?

— Eh bien... En fait, ton système solaire, c’est un fractéon. Et – j’ignore encore comment – tu as trouvé et franchi le passage de ton monde jusqu’aux Lanternes. Tu as sans doute dû remarquer qu’ici, ça ressemble pas à l’endroit où tu étais avant, non ? C’est parce qu’ici, tu n’es plus sur la Terre.

Roussette s’aperçut qu’elle avait marqué un point : elle entendait presque les engrenages tourner dans sa tête. Elle était sincèrement peinée pour lui. C’était pas cool de découvrir tout ça sans y être préparé. Roussette connaissait les Lanternes comme sa poche, et avait même voyagé dans quelques fractéons. Elle avait connu cet environnement toute sa vie. Mais Gabriel, lui... ça devait lui faire un sacré choc.

Gabriel observa la pièce plus en détails, avant de se lever et de déambuler. De temps à autre, il s’arrêtait devant une étagère, passant sa main sur la tranche des livres. Il jeta également un œil par l'une des fenêtres.

Son visage ne trahissait pas ses pensées, ce qui inquiétait un peu Roussette. Allait-il à nouveau exploser, comme tout à l’heure ? Elle attendit quelques minutes et, comme il ne disait toujours rien, elle poursuivit :

— Pour résumer, les fractéons se sont dispersés après une explosion, il y a très longtemps. Il est possible de circuler de l’un à l’autre, mais uniquement en passant par les Lanternes. Il existe des zones où, en suivant un protocole précis, c’est plus facile de traverser.

— Traverser ? Tu veux dire... voyager entre les mondes ?

— Oui. Quelques-uns de tes compatriotes connaissent ces passages et certains les ont même utilisés. Hum... Tycho Brahe ? Jeanne Barret ? Tu connais ? Non, c’est sûrement trop vieux... Et Naomi Takeda-Jonnes ?

À l’annonce de ce dernier nom, Gabriel réagit :

— La... la psychologue ? Celle des émissions TV sur la confiance en soi ?

— Oui, c’est bien elle. Elle est passée avec Tinejo il y a quelques mois. De ce que j’ai compris, elle risque pas de revenir, si tu vois ce que je veux dire... Ah. Non, évidemment. Bref. En tout cas, retiens que, ici, tu es aux Lanternes. Qui sont reliées à la Terre.

À ces mots, Gabriel esquissa un sourire empreint d’espoir. Roussette fronça le nez dans une petite grimace d’excuse et ajouta :

— Mais... Euh... Tu ne vas pas pouvoir rentrer tout de suite... Tu vois, je sais pas comment tu as fait pour arriver ici. Ce qui fait que je ne sais pas du tout comment te faire repartir. Je ne connais que le protocole habituel. Il va falloir que je demande à quelqu’un de m’aider.

Gabriel revint se placer près de la table et la regarda :

— Donc, en fait, je suis coincé ici ?

Elle ne décelait plus de colère. Gabriel avait perdu toute combativité et elle n’aimait pas ça. Il fixait la carte en pinçant les lèvres. Elle lui répondit :

— Non. Oui. Pour l’instant.

— Je ne rêve pas. C’est vraiment réel, hein...

Roussette hocha la tête. Gabriel resta silencieux encore un moment, ferma les yeux et dit :

— Je dois rentrer chez moi. J’ai des choses à faire. J’ai un travail, un appart’. Mardi, je dois aller au cinéma avec Lia et Franz. Et... Et puis, je dois livrer ses bouquins à mon patron sinon il ne fera plus appel à moi. Il paie bien pour ces petites courses en extra auprès des antiquaires.

Roussette, cette fois, ne sut pas quoi lui répondre. Fizou ! Il avait presque réussi à saper sa bonne humeur ! Inacceptable ! Elle devait trouver un moyen !

C’est sûr, ils étaient dans une belle galère. Lui, il ne serait pas rentré pour dîner. De son côté, elle allait devoir contacter les Veilleurs. Elle les entendait déjà râler... Au pire, elle devrait même embarquer Gabriel jusqu’à Valdros pour trouver une solution.

Roussette se ressaisit et vint se placer pile en face de lui. Elle leva une main jusqu’à son épaule et le secoua un peu :

— Allez, on va trouver une solution ! Déjà, je vais contacter mon groupe, les Veilleurs, et ils auront peut-être une idée ! Qu’est-ce que t’en penses ?

Gabriel prit le temps de réfléchir avant de répondre :

— Je suis bien obligé de te faire confiance, donc... OK. Je te suis. Et si c’est quand même un cauchemar, j’espère bien que je vais me réveiller.


Texte publié par Hiraeth, 17 août 2025 à 17h10
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