Tenant toujours son sac et son estomac, il déboucha dans une large clairière. Le ruisseau s’épanchait sur sa droite, avant de disparaître à l’autre bout de la clairière. Le sentier menait à une minuscule cabane de rondins de bois partiellement recouverts de mousses. Sur quoi allait-il encore tomber ?
Il n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps, la porte grinça sur ses gonds et s’ouvrit.
Un petit bout de femme, aux cheveux rouges en bataille et aux larges lunettes rondes, franchit le pas de la porte avec entrain :
— Salut, tu entres ?
L’inconnue disparaissait quasiment sous de multiples couches de tissus bariolés qui devaient sans doute être une robe. S’écartant légèrement, elle tendit la main droite dans un geste d’invitation à entrer dans la cabane.
— Allez, te fais pas prier, entre !
Gabriel ne perçut pas de malice ou d’animosité chez la jeune fille. Hésitant encore quelques secondes, il décida finalement que, au point où il en était, il ne risquait pas grand chose à la suivre.
L’intérieur était nettement plus grand que ce à quoi il s’était attendu ! La pièce était un savant mélange du salon de Mme Pepperpot et du Tardis. Les fauteuils étaient recouverts de plaids, napperons et autres créations manuelles, sans aucune recherche un tant soit peu sérieuse d’harmonie visuelle. Sous le haut plafond, les plantes suspendues se disputaient l’espace avec de grands lustres garnis de bougies, tandis qu’un PC dernier cri trônait au milieu de fioles, parchemins et trousses à outils. Il voyait même un grimoire !
— Comment t’as fait pour venir ? T’étais pas prévu au programme ! Tu veux un coca ? Un café ? Une bière ?
Gabriel s’était attendu à ce qu’on lui propose du thé aux racines de frêne, un élixir de myrtilles ou toute autre mixture bizarroïde...
— Euh.... Un coca, ça ira bien, répondit-il en s’asseyant à la table. Merci.
— Alors, comment t’es venu ? requestionna la jeune fille en déposant devant lui une cannette de coca et un verre.
Voilà une excellente question... Gabriel ne quittait pas son verre des yeux, complètement perdu. Il s’était levé normalement ce matin, avait déjeuné normalement, était sorti normalement pour prendre son train et ... avait atterri ici de façon particulièrement pas normale.
— Au fait, je m’appelle Roussette, et toi ?
Même ça, c’était pas normal : qui pouvait bien porter un nom pareil ? C’était du délire !
— Gabriel. Euh, vous pouvez me dire où je suis ?
— Ben, dans les Lanternes, pourquoi ?
— Non, non, non, c’est pas le parc, ça, dehors ! C’est une forêt bizarre qui n’était pas là ce matin !
Roussette s’approcha alors pour le dévisager. Son petit minois trahissait, non pas une inquiétude, mais plutôt une surprise grandissante.
— Attends. Comment es-tu venu ? Gabriel, comment as-tu fait pour venir jusqu’ici ?
— J’en sais rien du tout. J’allais juste à la gare, moi...
— T’as un téléphone ? Sors-le. Montre-moi.
Réticent un court instant, Gabriel farfouilla tout de même dans sa veste et sortit son smartphone. Il le déverrouilla et le tourna pour que l’adolescente puisse mieux voir l’écran.
— Tu peux regarder les réseaux disponibles ? T’as accès à quoi ?
Après quelques manipulations, le jeune homme répondit qu’il n’avait accès à rien. Aucun réseau.
Roussette commença à tourner autour de la table, en marmonnant :
— Hum. Inhabituel, ça. Comment as-tu traversé, sans portable branché sur le réseau... ? Tu ne représentes pas un danger, sinon Hercule ne t’aurait pas laissé passer. Et aucune arrivée n’était prévue aujourd’hui de ce côté des Lanternes.
Elle attrapa ses lunettes et mâchouilla l’une de ses branches, tout en poursuivant ses réflexions :
— Ce n’est pas normal tout ça... Il faudrait que je compulse le cadran, il est peut-être déréglé. Ou alors la saison des éclipses est plus proche que je ne le pensais : il se passe toujours de drôles de trucs, aux éclipses.
C’en était trop. Gabriel ne pouvait plus écouter ce charabia sans réagir et, laissant toutes ses émotions exploser d’un coup, cria :
— Pas normal ! Non, c’est pas normal ! Je ne sais pas qui vous êtes ! Je ne sais pas où je suis ! Et je sais encore moins ce que je fais ici ! Mais j’en ai ma claque maintenant, et je ne demande qu’une chose. Une seule ! Rentrer chez moi ! Alors vous m’indiquez le chemin et je me barre !
Il se leva, attrapa son sac et attendit une réponse, tiraillé entre colère et affolement. Des frissons parcouraient tout son corps.
Sans se démonter, Roussette s’approcha de lui avec une extrême douceur. Elle n’osa pas le toucher, de peur de le déstabiliser encore plus :
— Je comprends. Tu dois te sentir perdu. Mais tu ne crains rien ici, je te le promets. Je ne comprends pas comment tu es là, c’est vrai. Je t’assure que ce n’est pas grave et on verra ça plus tard. En attendant, tu es le bienvenu et je vais m’occuper de toi.
Les lèvres pincées, Gabriel ne bougeait pas, ne la regardait pas – surtout pas.
La jeune fille continua :
— Allez, reviens t’asseoir. Je vais tout t’expliquer. Mais reste pas planté là, ça ne fait pas avancer les choses. Je vais tout t’expliquer et après, tu décideras ce que tu veux.
— Je ne veux rien, sauf rentrer chez moi.
Elle s’avança encore un peu et, délicatement, lui saisit la main.
— Ah, oui, bien sûr. Mais viens d’abord t’asseoir, OK ?
Gabriel ne savait plus quoi faire. Il ne pouvait pas quitter le cabanon, s’enfuir... Vers où ? Vers quoi ? Il ne connaissait pas cet endroit, et il ne pouvait que se perdre encore plus. Il jeta un regard en coin vers l’adolescente dont les yeux verts brillaient d’une calme détermination. Il soupira : en restant, il glanerait sans doute assez d’informations pour trouver le moyen de retrouver le parc, puis sa rue, et enfin son appartement.
Roussette insista une dernière fois :
— Allez viens, s’il te plaît.
Était-ce la paix intérieure ou la ténacité de la jeune fille qui le convainquit ? Gabriel finit par céder et revint s’installer à la table.

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