Texte écrit dans le cadre de l'Avent des Conteurs: Écris sur ce thème : « Le sapin chuchotait à la fenêtre. »
J'ai décidé d'en faire également un Défi du Chaudron, avec ces consignes: Option Standard, avec les mots « wagon », « colère » et « abricot »
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Le voilà.
Regardez-le, avec son costume rouge et ses gants blancs, sa barbe immaculée et ses lunettes dorées. Le grelot de son bonnet tinte doucement sur son épaule. Il flatte l’encolure de Comet, ajuste le harnais de Blitzen. Rudolph trépigne d’impatience, comme toujours.
Une aurore boréale illumine la place où trône le gigantesque sapin scintillant. Quelques elfes ajoutent les derniers paquets dans le traîneau. Tout est presque prêt.
Niklaas est las.
Des millénaires qu’il est fidèle, dans la magie de cette fameuse nuit, pour distribuer les cadeaux attendus par tant d’enfants autour du globe.
Mais... Les autres ? Ceux qui sont sur l’ « autre » liste ? Ils sont plus nombreux d’année en année.
Ces dernières décennies, Niklaas voyait avec désolation l’individualisme prendre le dessus sur le partage, la rivalité sur l’entraide... Ou pire !
Regardez-le, dans son costume rouge et blanc, le regard désabusé.
Il avait éprouvé de la colère, d’abord, rejetant sur les parents une faute qui trouvait finalement sa source dans quelque chose de bien plus vaste et plus profond que l’éducation. Certes, certains pouvaient être fautifs, mais c’était plus souvent la société qui les mettait à mal et beaucoup faisaient du mieux qu’ils pouvaient.
Puis l’espoir. Il avait redoublé d’efforts, quelques temps, et il avait cru pouvoir changer la tendance. En vain.
Regardez-le. Aujourd’hui, c’est surtout de la tristesse, dans son regard.
Combien de temps encore ?
Secouant la tête avec dépit, il se hisse pourtant dans son traîneau, saisit les rênes et invite ses rennes à prendre leur envol.
— Oh Oh Oh, en avant !
Cette nuit magique arrive presque à son terme. Niklaas sent son traîneau s’alléger au fil de ses visites. Encore quelques distributions et il retournera au Pôle Nord.
Ses fidèles rênes le font atterrir tout en souplesse sur le toit vierge de toute empreinte d’une petite maison de banlieue. L’épaisse couche de poudre blanche amortit formidablement les sons des sabots et diffuse une pâle clarté sous le ciel étoilé.
Sautant avec agilité depuis son siège, Niklaas attrape les deux cadeaux destinés à cette famille. Point de cheminée, ici. Il se faufilera dans les interstices des portes et des fenêtres, grâce à l’enchantement de son grelot.
Au pied du sapin, il dépose les paquets sans bruit et sans entrain, et se prépare à reprendre sa route.
Une silhouette perdue dans les plis d’un moelleux pyjama bleu à grandes étoiles abricot le regarde avec curiosité.
Regardez le vieux bonhomme à barbe blanche bredouiller de surprise. Il y a si peu d’enfants qui croient encore en lui qu’il en a oublié toute prudence.
— Pourquoi tu fais une tête toute triste, Père Noël ?
Le petit garçon s’approche de la table.
— Tu n’aime pas les cookies ? Je les ai fait avec maman.
Voyez Niklaas, confus, ne trouvant aucune excuse. Il avait pris l’habitude de ne trouver ni gâteaux ni lait, les traditions s’étant perdues entre courses aux jouets et compétitions autour du plus beau présent.
— Arthur, c’est ça ?
Le garçon hoche la tête.
— Je suis heureux de faire ta connaissance. Mais il est tard, tu devrais retourner coucher.
— Je t’ai attendu, tu sais ? Parce que j’ai quelque chose à te demander.
Voyez Niklaas, touché par ce petit homme qui avait veillé pour lui.
— Tu sais, Père Noël, mon papa et ma maman ont divorcé et ma sœur, elle vit avec mon papa et sera pas avec moi, pour ce Noël. Quand j’ai envoyé ma lettre, je le savais pas. J’ai demandé un train à vapeur, avec le wagon à charbon. Mais en fait, ce que je veux, c’est voir Nina.
Niklaas sent quelque chose, là, derrière son cœur. Comme la flamme d’une bougie presque éteinte et qui lutte pour se rallumer et briller. Comme un chaud baiser empli d’espoir et de bienveillance.
Les mots lui manquent. Quand à Arthur, il hésite, craignant de l’avoir fâché.
— Alors, heu, si tu veux bien, tu peux donner le train à Julien, qui est dans ma classe ? Il est tout seul et ça lui fera plaisir. Je ne veux plus de cadeau. Je veux juste jouer avec Nina, mais avec papa elle est en vacances, loin.
Écoutez ce silence. Niklaas sent l’étincelle derrière son cœur exploser. Rayonner. Brûler.
Comment avait-il pu oublier que la moindre particule de bonté justifiait tout son travail ? Pas un Noël n’était suffisamment vide pour disparaître, et peu importe combien seraient les enfants qui en avaient oublié l’essence même. Il suffit d’un seul, tant qu’il est gardien de l’esprit de Noël.
Regardez Niklaas plier sous la culpabilité, puis se redresser, l’esprit clair.
— Arthur, tu es un bon petit. Je te laisse le train, et Julien aura le sien. Vas te coucher, demain tu pourras ouvrir tes cadeaux.
Ce 25 décembre, un sapin chuchote à la fenêtre. Il raconte comment un petit garçon a rallumé une étincelle merveilleuse chez le Père Noël. Il conte aussi comment un patron en colère a rappelé son employé, contraint celui-ci à rentrer en catastrophe et à déposer sa fille chez son ex-femme pour récupérer une commande erronée.
Voyez, en ce 25 décembre, Niklaas qui sourit à sa fenêtre, ravi de son intervention dans un petit bureau du centre commercial. Il pense à Arthur et Nina, réunis et profitant l’un de l’autre aussi longtemps que les flocons perleront des nuages.

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