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Texte issu d'un Défi du Chaudron:

Standard (jusqu'à 1.000 mots)

Objet/chose « ardoise »

Émotion/état « hystérie »

Couleur « argenté »

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Alex Kurun se tenait face à l’océan, les cheveux balayés par le vent. De violentes bourrasques soulevaient les vagues, les amenant à s’écraser sur les rochers en contre-bas.

« La tempête “Halix” s’intensifie au large de Varsenia. Selon les modèles VortexSim et NehvitaCore, elle devrait toucher les côtes vers 14h. Des rafales jusqu’à 185 km/h et d’importants risques de submersion marine sont à craindre. L’alerte rouge est déclenchée et les habitants sont invités à rejoindre les abris municipaux. »

Rien de bien nouveau. Son quotidien.

Alex resta encore un moment à contempler les vagues déchaînées, les embruns salés et les coupures du vent sur son visage allégeant son humeur. Enfant, il sortait sous les orages, se laissant malmener par la pluie et les rafales. Il rentrait alors, dégoulinant d’eau, vidé par la colère des cieux, mais heureux. Brisé et pourtant plus vivant que jamais.

Puis il installa les derniers instruments et remonta dans sa voiture.

Il traversa la ville, réduite à une forteresse spectrale, silencieuse derrière ses volets et portes barricadées. Il se gara au pied du laboratoire central de la Nehvita Search Corporation. La façade principale de la tour était exposée aux vents dominants. Sur la gauche, on apercevait le mur expérimental, recouvert d’un bardage ventilé sur ossature métallique et truffé de capteurs. Une de leurs nombreuses innovations. Grâce aux plaques amovibles, il était possible de varier les processus d’expérimentation de manière rapide et pratiquement infinie.

Quand la météo était à l’orage comme aujourd’hui, le noir profond des plaques d’ardoise naturelle contrastait avec l’argenté métallique des autres parois, créant parfois l’illusion d’un portail sombre et mystérieux vers un autre monde...

Alex grimpa quatre à quatre les marches jusqu’à son laboratoire personnel.

Avec son père, qui avait créé Nehvita S.C., Alex avait contribué à affiner et améliorer les modèles de prévision de ces phénomènes extrêmes. Les peurs irraisonnées et les hystéries collectives engendrées par les tempêtes n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Les modèles avaient tenu leurs promesses, et plus aucune perte humaine n’avait été à déplorer depuis plus de trois ans. Un véritable exploit. Pourtant, ce n’était pas ce qui l’avait motivé.

Il ne l’admettrait jamais ouvertement, mais son intérêt était en réalité focalisé sur la tempête elle-même. La puissance des éléments. La violence du cyclone. Le déchaînement des vents. La force destructrice des tornades. Il cherchait ce ... quelque chose qui semblait puiser en lui la moindre particule d’énergie et, comme dans un processus d’échange, lui avait toujours apporté la paix.

Aujourd’hui serait un jour différent, il en était persuadé. Aujourd’hui, ce serait LA tempête.

Une fois dans son labo, Alex alluma les consoles de mesure reliées aux appareils qu’il avait disposés le long de la côte. Les capteurs lui indiquaient que les rafales atteignaient déjà une force et une régularité impressionnante. Concentré sur les relevés, il ne prit pas conscience que son cœur battait au même rythme que les bips du sonar.

Une heure plus tard, tous les cadrans s’affolaient : la puissance de la tempête augmentait au-delà des prévisions.

Parfait.

Alex ne croisa personne lorsqu’il monta sur le toit. Il déverrouilla la sécurité et s’arc-bouta contre la lourde porte pour s’extraire du bâtiment.

La pluie fouettait durement les pavés du toit, et, sous le souffle du vent, Alex avança avec peine. Il parvint au parapet, auquel il s’agrippa des deux mains. Il ferma brièvement les yeux, respira profondément. Tout son corps pulsait en harmonie avec la nature qui ne demandait qu’à se libérer de ses chaînes.

Devant lui, l’ouragan approchait.

Devant lui, il vit le doux visage de Charlie.

Charlie. Sa femme, sa flamme, sa vie. Il était en voyage à l’autre bout du monde quand elle avait eu son accident, il y avait déjà si longtemps. Elle n’avait pas survécu à la collision avec un bus aux freins défaillants. Les treize tonnes du bus avaient écrasé sa voiture sans pitié.

Il n’avait pas été pas là quand elle s’était éteinte dans une chambre insipide de la Clinique de la Baie. Il était à cette époque parti sous les tropiques faire des tests afin d’améliorer l'algorithme de NehvitaCore. À son retour, il avait été pressé d’annoncer à Charlie qu’il avait obtenu des résultats très prometteurs pour ses recherches. Mais, à peine débarqué à l’aéroport, son père lui annonça que Charlie était morte deux jours auparavant.

Personne ne l’avait prévenu. Ni son père, ni les médecins. Pas plus que ses supposés amis. Pas même les si chères copines de Charlie. « Tu as pu terminer les tests, tu vas sauver des millions de vies ! De toute façon, le temps que tu reviennes, ça aurait été trop tard... »

Après l’enterrement, il s’était plongé corps et âme dans son travail. Le modèle prévisionnel NehvitaCore sortit dans sa version finale une dizaine de mois plus tard et dépassa toutes les espérances. Il était si précis qu’aucune alerte ne perturbait plus personne. Les citoyens se sentaient en sécurité, n’ayant plus qu’à suivre docilement les recommandations.

Une vraie réussite pour Nehvita S.C.. La gloire pour lui et son père.

Alex sentait sa respiration embrasser le rythme des rafales. Son cœur imprimait son battement aux trombes de pluie qui grossissaient et engloutissaient le paysage. Il transféra son chagrin et sa colère au cœur de la tempête. Celle-ci but avidement chaque parcelle d’émotion, chaque molécule d’énergie qu’il avait laissé grossir depuis sept ans. Sept ans sans Charlie.

Lâchant la rambarde, Alex lui fit face. Écartant les bras, s’offrant tout entier aux turbulences, les fortifiant, il sourit.

La fureur de l’homme et de la tempête se déversèrent dans le chaos et dévastèrent ce lieu maudit.