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Elles étaient là, toutes les trois, suspendues entre ciel et terre. La brise légère de la nuit faisait voleter leurs robes de satin. Sous leurs pieds s’ouvrait un cratère dans lequel roulait un feu vengeur. Au-dessus, la Lune, mais quelle lune, une lune sanglante et blafarde au visage méconnaissable. Elle qui était si aimable et plaisante avec sa face d’albâtre grêlée de cratères et de mers. La voilà qui a tombé le masque. Derrière, ce ne sont que souffrances et mensonges, pâle reflet de celui qui s’en est chut dans le cratère avide.

Longtemps, si longtemps qu’elle ne saurait le dire, elle porta le masque de l’Infâme. Au début elle était vierge et pure de tout mensonge, un mensonge inavouable, de ceux qui ne se disent pas, de ceux qui s’entretiennent et qui se nourrissent de ceux-là même qui lui ont donné naissance.

Au début les apparences sont sauves et la Lune aborde toujours sa face vierge des ravages du mensonge, pourtant le ver est déjà.

Que fait-il, rien, il ne peut se nourrir que de son propre mensonge, alors il attend. Pendant ce temps l’enfant grandit, mais c’est un enfant mal né. Aussi est-il entouré, très entouré, pourtant quelque chose semble lui manquer ou finit-il par dissimuler quelque chose. L’enfant grandit, puis un autre enfant vint, lui aussi né du mensonge, mais il ne le sait pas encore. Ces enfants se voient, s’apprivoisent, mais l’un d’entre eux à perdu quelque chose et il a peur. Peur de quelqu’un ou peur de ce qu’il est, un enfant né d’un mensonge ? Il ne le sait pas et tout n’est que confusion et le ver commence à se nourrir.

Oh pas grand-chose, juste quelques grains par-ci, par-là, mais de ces grains naissent les germes de son propre mensonge. Parce qu’il a peur et parce qu’on le compare à cet autre enfant, il cherche à tout prix à ressembler à cet enfant. Mais cet enfant n’est pas lui et celui qu’il s’efforce d’être n’est pas lui non plus. Cependant il lutte, il lutte contre lui-même, forgeant ses chaînes dans les mensonges les plus purs. Pendant ce temps, le ver grossit tout doucement, grignotant un peu plus le cœur de cette lune, qui déjà arbore cette beauté illusoire que lui octroie le masque. Car enfin comment affronter une vérité quand elle est voilée depuis si longtemps.

Mais l’enfant grandit et le mensonge avec. Il est encore petit mais le mensonge est devenu son compagnon, son compagnon de toujours dans lequel il enferme toute souffrance. Mais ce faisant, il forge un peu plus ses chaînes, transforme son monde en prison. Et la Lune, pauvre Lune, sa beauté empire, elle devient magnifique, mais son cœur est vide et il ne saigne plus depuis longtemps. Bientôt ses larmes se tariront aussi, nourrissant toujours un peu plus ce ver toujours plus gros.

Bientôt l’enfant est un peu plus grand, il vit dans le mensonge, pour le mensonge à travers le mensonge. Mais d’autres le plonge aussi dans le mensonge, de part leur incompréhension, et l’enfant se coule dedans car tout ce qu’il perçoit n’est que mensonge et les mensonges deviennent alors vérité. L’enfant est enserré dans une carapace de mensonges et le ver est repu pour le moment, il n’a plus faim. Il aimerait sortir, mais il ne peut, car il a vidé la Lune de son cœur et de ses larmes, devenant une coquille vide sans âme, ni volonté, juste une prison grêlée dissimulée derrière le masque d’une beauté absolue. Mais même ainsi, endormi le ver distille ses poisons, gangrenant un peu plus sa prison lunaire.

Ses poisons coulent dans les veines de l’enfant, l’empoisonnant à petit feu, l’empêchant de se réaliser, l’empêchant de se regarder. En fait l’enfant ne sait plus qu’il vit dans le mensonge, il a depuis longtemps renoncé. ! un jour il a proféré une vérité, mais elle a été travestit en mensonge, alors qu’on savait qu’on savait que c’était une vérité. Depuis il ne dit plus jamais la vérité puisque les vérités sont devenues mensonges, mais le poison le ronge, un poison nommé Vérité. De temps en temps, il voit cet autre enfant mais c’est un étranger. Il le connaît, mais ils sont si éloignés, il a voulu lui ressembler, en réalité il s’en est éloigné encore plus. L’enfant grandit mais pas les mensonges. Puis un jour l’enfant est amoureux, il se ment plus ou il a l’impression de ne plus mentir. Le ver le sent et se dit que sa prison va s’ouvrir, mais la lune n’est qu’un coquille vide, car elle sait que le mensonge se cache encore et elle garde sa beauté froide et absolue.

Puis l’enfant rompt, non sur un mensonge mais sur une vérité, mais au cœur de cette vérité se dissimule un mensonge. Un mensonge, car il n’a pas voulu s’avouer, il n’a pas regardé le miroir. L’enfant grandit encore un peu et il croit tomber amoureux, mais c’est un mensonge. Il n’est pas amoureux, il est passion et ça c’est une vérité. De nouveau il ne ment plus, il ne ment plus et dit la vérité. Mais la vérité fait mal, la vérité fait du mal à l’autre et l’autre dit aussi la vérité. Mais l’enfant y voit un mensonge et l’enfant souffre, souffre beaucoup. Mais l’enfant ne regarde toujours pas la vérité.

Du temps passe et l’enfant grandit encore. L’enfant grandit encore et tombe encore amoureux croit-il, mais c’est encore un mensonge. L’enfant se ment et ment à l’autre qui a placé en lui sa confiance. Et le ver le sent, mais ce mensonge est si puissant, si pur, que le ver a de nouveau faim. Alors le ver se remet à se repaître de la Lune. Pauvre Lune, son visage n’est plus que lézardes, cratères et larmes empoisonnées, car les poisons suintent désormais hors du ver, dardant leurs aiguillons vers le cœur ardent de l’enfant. Et bientôt le poison gagne son esprit et l’enfant devient bourreau et le mensonge son arme acérée et ardente pour mieux blesser l’autre. Blessé, torturé l’autre à tout prix, parce que l’autre lui renvoie une vérité qui n’est pas mensonge et l’enfant le sait. L’enfant est double, il est à la fois vérité et mensonge, vérité intérieurs enfermée, emprisonnée dans une carapace de mensonge forgée par les années. Et la Lune, pauvre Lune, la douleur aiguë du mensonge dévoilé pénètre ce qu’il lui reste d’âme et le masque de la beauté illusoire se fendille. L’enfant est terrifié car devant lui s’étale le vide, le vide de son existence construite sur des fondations faites de mensonges. À cause de cela, il ne peut entrevoir la vérité, la vérité toute nue, tapie tout au fond de la coquille vide de son esprit.

Existe-t-il encore, existe-t-il vraiment, existe-t-on encore quand tout n’est que mensonge ? Un être même fait de chair et de sang, existe-t-il encore quand tout n’est que mensonge ? À l’intérieur de la Lune, le ver en vient lui-même à douter, est-il une illusion ou est-il né d’un mensonge ? Il est presque la lune lui-même tant il est gros et gras, repu de ses propres mensonges. Pendant ce temps, l’enfant entrevoit la vérité, que doit-il faire ? Cesse d’exister et vivre l’ultime mensonge, celui de la négation de la vie. Ou bien va-t-il plongé dans cet enfer ténébreux, aux murs tapissés des dards acérés de ses mensonges, où se trouve dissimulé la vérité.

L’enfant grimpe lentement les marches, elles ne sont pas encore là. Arrivé devant la fenêtre de son destin, il l’ouvre en grand et contemple le dehors. La lune est là, son masque de beauté froide et absolue n’est que lézardes et crevasses, bientôt la vérité se fera jour. En bas, il y a le puits, avide, noir, sans fond. Mais s’il s’y jette en regardant la vérité et non cet ultime mensonge de la non-existence, qu’adviendra-t-il ? Il ne le sait pas et saute dans le puits. Elles sont là toutes les trois, elles l’observent dans sa chute sans fin. En haut, en silence le masque explose et la lune, pauvre Lune, grêlée par la lèpre du mensonge, grimace. À l’intérieur le ver pleure, il pleure parce qu’il voit la vérité et parce qu’il s’abandonne à la vérité. Il les appelle, son cri se répand dans l’univers. Mais son cri est sincère, alors elles viennent et le ver se calme, tandis que la lune lui tisse un cocon malgré la douleur. Du mensonge renaît toujours la vérité et le ver s’endort. Il s’endort et se transforme, la lune est devenue son cocon, sa protectrice et les cicatrices visibles, très lentement s’estompent.

Que va-t-il advenir de lui et de l’enfant ? Elles ne le savent pas, devinent-elles seulement que les deux sont uns.


Texte publié par Diogene, 9 avril 2015 à 20h01
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