Il tendait son pouce à la sortie d’un village minuscule. Depuis quarante minutes que j’étais perdue dans ce paysage, je n’avais pas croisé d’autre voiture. Je m’arrêtai sur le bas côté et ouvris la portière passager. Il marcha nonchalamment jusqu’à moi.
Son sac à dos de surplus militaire prit place dans le coffre entre ma valise et mes sacs de marchandises.
Il recula son siège au maximum pendant que je redémarrais. Il râla sur le peu de latitude qu’il y avait pour pencher le siège en arrière.
— Eh oui, c’est une commerciale, une paroi métallique nous sépare du coffre immense. Pas pratique pour faire la sieste entre deux rendez-vous. On m’a affecté une nouvelle région alors j’ai préféré faire le trajet la veille de ma prochaine démonstration. J’ai bien fait car je suis complètement paumée ! Tu connais le coin ?
— Pas plus qu’un autre. Je suis de partout et de nulle part. Le monde est ma poche.
— Tu avais vraiment la foi, de faire du stop dans cet endroit désert…
— J’ai un pouce magique. La preuve, tu es là.
Je lui racontai un peu ma vie itinérante en espérant qu’il répondrait en relatant la sienne, mais il n’était pas si bavard que je l’aurais pensé d’un jeune baroudeur trop confiant.
Il portait un simple marcel et un pantalon sombre. Étonnamment discret pour un gars de son âge. D’ailleurs sa coiffure n’était ni rasée sur les côtés, ni façon mulet. L’ensemble donnait un effet intemporel, presque suranné. Enfin je ne regardais pas trop, concentrée sur la route. Pourquoi y avait-il si peu de panneaux ? Ils pourraient au moins indiquer la grande ville la plus proche ! Les endroits paumés considèrent sans-doute qu’il n’y a que leurs habitants qui fréquentent leurs routes.
J’essayai de relancer mon GPS mais toujours pas de signal. Je ne me souvenais pas qu’il existait d’aussi grosses zones blanches.
— Tu pourras prendre à droite au bout, me dit tout à coup mon passager.
J’obéis et arrivai dans un village assez fou, une pépite. Un musée à ciel ouvert ! Ses occupants semblaient tenir leur rôle très à cœur, certains portaient des sabots, les femmes des coiffures type 1950… Peu de voitures dans la rue mais toutes de collection. Les rez-de-chaussée accueillaient presque sans exception une boutique, souvent un bistro. Il y avait aussi beaucoup d’oiseaux, ça chantait dans tous les sens. Et beaucoup d’insectes, d’ailleurs ça faisait trois fois que je lavais mon pare-brise depuis que j’avais pris le garçon en stop. Il me demanda de m’arrêter devant une pompe à essence aux formes rondes. Un pompiste nous fit le plein d’essence au plomb ! Par chance, je ne roulais pas en Diesel. Je vis mon covoitureur donner quelques pièces à l’homme quand il raccrocha la poignée.
— C’est mon dédommagement pour toute la route que je t’ai fait faire ! me dit-il ensuite.
— J’étais perdue, de toute façon…
— Tu ne vas plus l’être, maintenant que je suis arrivé chez moi. Je t’inviterais bien à manger un morceau, mais je ne suis pas sûr de ce que ça donnerait une fois rentrée à ton époque. Tu vas pouvoir repartir par la deuxième à gauche et puis tout droit pendant trois kilomètres, là tu devrais retomber sur un panneau d’autoroute.
Il récupéra son sac puis me fis un signe d’adieu. Je démarrai comme un zombie, sans vouloir comprendre ses paroles. Mes pieds et mes mains suivirent ses instructions et effectivement je retrouvai la civilisation peu de temps après.
En arrivant à mon hôtel, je sortis ma valise du coffre et mon regard fut attiré par une boîte bleue et plate : un paquet de gitanes, design Max Ponty, l’original de 1947 ! C’est bête, je ne fume plus.

| LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
|
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
3333 histoires publiées 1459 membres inscrits Notre membre le plus récent est Bleu Paris Festival |