Nouvelle écrite pour la quête "Escale sur l'île du Gobe-Lune" du camp d'écriture Le trésor de l'Encrépine
Objet : Montre à gousset indiquant l'heure du rêve
Origine : Secrète
N° d'identification : O-134-211
Philomène remonta le chemin en sautillant avec joie. Autour d’elle, les arbres au feuillage bleu et aux longs troncs noueux s’éclaircirent, alors que la forêt était remplacée par une prairie à l’herbe rosée, ponctuée de massifs de fleurs violettes et orange. Une brise aux senteurs de jonquille s’enroula dans ses cheveux et joua avec, avant de continuer sa route.
La porte en chêne brun foncé trônait à une dizaine de mètres d’elle, au bout du chemin de sable doré, au milieu du pré. Elle ne se souvenait plus pourquoi, mais elle savait qu’elle devait s’y rendre. Le tintinnabulement avait retenti.
Philomène poussa la porte et pénétra dans une pièce remplie d’étagères et de vitrines occupées par une multitude d’objets. Le battant se referma derrière elle. Elle avança entre les rangées de meubles, droit vers une vitrine bien précise. Elle connaissait bien cet endroit, même si elle ne s'en souvenait pas bien.
Dans la vitrine était posée une montre à gousset, sur sa chaine sagement enroulée. La jeune fille la fixa, emplie soudain d’un doute. Ne venait-elle pas de sonner ? Elle s’approcha et ouvrit la porte, frissonnant d’anticipation.
La sonnerie retentit à nouveau. Elle écarquilla les yeux en suivant la progression de l’aiguille des heures. L’adolescente plissa les paupières pour mieux voir le symbole vers lequel elle avançait : on aurait dit un chat. Une image apparut dans son esprit : un chat noir et blanc, allongé sur une chaise, qui la fixait de ses yeux verts. Gentleman.
Elle cligna des yeux, pendant que d’autres sensations envahissaient son esprit, remplaçant les images, les sons et les odeurs de l’endroit d’où elle venait. Lorsque l’aiguille stoppa au niveau du dessin, l’air autour de Philomène et de la vitrine sembla onduler et scintiller. Elle regarda autour d’elle, à la fois triste et enthousiaste.
Le décor s’effaça au bout de quelques minutes. Elle se retrouva dans une totale obscurité. Pourtant, elle n’avait pas peur. Elle se sentait bien, comme dans un cocon. Un rai de lumière apparut, transformant les ténèbres en obscurité. Philomène sentit sous son dos l’épaisseur de son matelas, sous ses mains la douceur de ses draps et elle perçut la douce fragrance des fleurs séchées sur sa table de chevet.
Elle ouvrit les yeux avec un sourire et s’étira dans la douceur de son lit, dans la tiédeur de sa chambre. Gentleman frotta son museau contre ses lèvres en ronronnant. Il lui donna un léger coup de tête. Elle le gratta au sommet du crâne avec un doux rire.
Puis elle se leva, enfila ses chaussons et quitta sa chambre, comme chaque matin, avant que tout le monde se lève. Elle remonta le long couloir, silencieusement, Gentleman sur ses talons. Elle poussa la porte en chêne brun et entra dans le Cabinet de Curiosités. Elle ouvrit grand les rideaux des deux fenêtres pour laisser le soleil entrer. Puis, elle revint sur ses pas, s’arrêtant devant la montre.
Sa tante lui avait dit plusieurs fois de ne pas toucher aux trésors de cette pièce. Jusqu’à présent, la jeune fille lui avait obéi, mais elle ne savait pas combien de temps elle parviendrait à retenir sa… curiosité. C’était comme si les objets rares et mystérieux de cette pièce l’appelaient.
Philomène se mordit les lèvres et regarda autour d’elle comme si sa tante risquait de bondir sur elle à tout moment. Puis elle tendit la main et ouvrit la porte de la vitrine. Après tout, on ne lui avait pas interdit de toucher les meubles. Fière de son raisonnement, elle reporta son attention sur l’objet.
Il était exactement identique à celui qu’elle avait vu dans son rêve. Le métal, terni, avait une patine qui dénotait son ancienneté. La lumière du soleil parvenait à en arracher quelques étincelles. Des gravures décoraient la surface entière du boitier et du couvercle. En se penchant, elle discerna des symboles et des petites silhouettes — des animaux et des créatures imaginaires. Elle désirait les effleurer pour les sentir sur sa peau. Mais, elle retint son geste.
Le couvercle soulevé en dévoilait les entrailles mécaniques : engrenages délicats, ressorts et pistons se devinaient sous le cadran couleur ivoire, aux aiguilles noires, marqué de symboles là où les heures auraient dû être présentes. L’excitation augmenta d’un cran.
Comme si elle obéissait à sa propre volonté — ou comme si elle répondait à l’appel de la montre —, sa main se tendit vers l’objet.
Après quelques secondes d’attente et de silence, elle la retira, et referma la vitrine. La montre lui était chère, mais elle n’avait pas besoin de la toucher. Elle la portait en elle.
Philomène était une Rêveuse. Dans certains de ses rêves — les plus intenses, les plus présents — elle pouvait s’enfoncer, s’égarer et se perdre. Seule la montre avait le pouvoir de l’y envoyer, à l’heure du rêve, et de l’en arracher, à l’heure du réveil.
A 07 heures, comme chaque matin, le portable de Philomène déclencha sa sonnerie. Elle ouvrit les yeux, encore englué dans le sommeil, et se demanda où elle se trouvait. Puis, elle reconnut sa chambre dans son appartement. Elle soupira, enlaça ses doigts dans le pelage chaud de son chat, Gentleman, et revint tout doucement à la réalité. L'heure des rêves était passée.

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