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Défi du camp d'été 2025 de l'Allée des Conteurs : En te promenant dans la jungle à la recherche de ton CD préféré, tu as un sentiment d’avoir déjà vécu ce moment...

Les pales de l’hélicoptère, mêlées au vent, rendaient impossible pour la scientifique Aveline Vereos d’entendre les paroles du pilote à travers son casque. Le grésillement lui perçait les oreilles. Elle décida de l’ignorer et se concentra sur la jungle luxuriante qu’ils survolaient en basse altitude. L’endroit regorgeait d’espèces animales et végétales symbiotiques. Aveline, experte en Exobiologie Psychotopologique, était là pour étudier la manière dont ces espèces interagissaient entre elles. Pourquoi faire ? Elle n’en avait aucune idée. C’était ça qui la fascinait. Elle rit intérieurement à cette pensée au moment où l’hélico effectua un virage à droite. Le mouvement de son corps, secoué par son rire et la force centrifuge qui l’entraînait vers le vide, fit glisser le CD qu’elle transportait toujours avec elle.

Aveline le vit tomber, inexorablement, au milieu de la jungle, impuissante, n’ayant d'autre réaction que de tendre la main, comme pour tenter de l’attraper.

— FAITES-MOI DESCENDRE IMMÉDIATEMENT ! hurla-t-elle dans le micro de son casque.

— Que se passe-t-il ?

Le pilote tourna brièvement la tête pour la regarder. Elle devait avoir l’air folle : les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte, totalement sous le choc. Des larmes commencèrent même à brouiller sa vision.

— JE DOIS DESCENDRE IMMÉDIATEMENT ! MON CD EST TOMBÉ !

— Votre… CD ?

L’incompréhension du pilote aurait pu être comique, mais la situation était bien trop grave pour faire rire Aveline.

— FAITES-MOI DESCENDRE DE CET HÉLICOPTÈRE !

— Pour un CD ? Vous plaisantez, là ?

— AIS-JE L’APPARENCE DE PLAISANTER ? Ce CD… c’est toute ma vie.

Elle posa sa main sur son cœur, dans une gestuelle théâtrale, à la limite du ridicule.

— Il a été signé par Jorik Quorix en personne ! C’est un collector !

— Je comprends, mais je ne peux pas me poser ici. Nous sommes à quinze minutes de notre point d'atterrissage.

— C’EST BEAUCOUP TROP LOIN ! Je DOIS récupérer mon CD !

— Docteur Vereos…

— FAITES-MOI DESCENDRE OU JE SAUTE !

Le pilote expulsa l’air de ses poumons, visiblement dépassé par la situation.

— D’accord… D’accord… Il y a un point de dégagement entre les feuillages, un peu avant que vous perdiez votre… précieux CD.

— ALORS FAITES DEMI-TOUR !

Aveline hurlait à pleins poumons sur ce pauvre homme, mais que pouvait-elle faire d’autre ? Ce CD comptait tellement pour elle, il l’accompagnait à chaque voyage.

L’hélicoptère fit demi-tour et se posa dans un bruit assourdissant. Avant même que le moteur n’ait cessé de tourner, Aveline s’était déjà précipitée hors de son siège.

— Je vous attendrai là, mais si vous n'êtes pas revenue avant la nuit tombée…

Aveline le foudroya du regard, ce qui le fit pâlir. Puis elle lui adressa un sourire éclatant avant de disparaître dans la jungle dense.

Elle marcha avec une détermination inébranlable. Parfois, elle trébuchait sur des racines, mais elle ne ralentissait jamais le pas. Elle approchait de la soixantaine, mais, à ses yeux, elle était toujours aussi agile qu’à ses vingt ans. C’était faux, bien sûr, mais personne ne le savait à part elle. Elle rit à nouveau de sa propre blague, un rire qui résonna dans la jungle humide, peuplée d’insectes et d'animaux. Pour l’instant, elle n’avait qu’une seule obsession : retrouver son CD.

Heureusement, elle avait glissé un traceur dans la pochette du CD, au cas où quelqu’un tenterait de le lui voler. Elle n’eut donc aucune difficulté à savoir dans quelle direction se rendre.

Mais plus elle avançait, plus une étrange sensation l’envahissait, un malaise qui la rendait désorientée. Elle pensa à un simple manque d’hydratation, mais la réalité, elle ne s’en préoccupait guère. Ce n’était pas sa priorité. Puis, soudainement, elle ressentit quelque chose d’inédit, une impression étrange comme si elle avait déjà vécu cet instant. Elle connaissait bien les effets du "déjà-vu", souvent liés à la fatigue, mais ici, c’était différent.

Une pensée traversa son esprit : “Je sais que je vais trébucher à cet endroit-là.” Et, comme par magie, elle trébucha exactement au même endroit, au même moment. Elle se releva, à la fois effrayée et fascinée par cette sensation.

Elle continua sa marche, et bientôt, elle réalisa qu’elle pouvait anticiper ce qui allait se passer. Chaque geste, chaque mouvement semblait se dérouler dans un ordre prévisible, comme si elle avait accès à un futur immédiat. Elle avançait avec une assurance presque mécanique. Mais, au fond d’elle, quelque chose d’indéfinissable se produisait. Le besoin de retrouver son CD devenait une obsession, une urgence. Elle se mit à courir, anticipant chaque obstacle, chaque branche qui risquait de la faire tomber. C’était électrisant. Elle souriait, démente de joie, dévalant la jungle.

L’écran incrusté dans la paume de sa main émit un bip, son CD était tout près. Elle s’élança dans les buissons, fouillant avec frénésie. Enfin, elle sentit quelque chose sous ses doigts, et en la saisissant, un torrent de sentiments l'envahit. Elle éclata en sanglots, serrant son CD contre son cœur.

Elle essuya ses larmes et s’assura de l'état du disque et de son boîtier. Heureusement, aucune rayure n’était à déplorer. La végétation avait certainement amorti sa chute.

Grandement soulagée, Aveline quitta la jungle d’un pas plus léger. Elle marcha droit devant elle, puis tourna à droite en entendant le bruit d’un cours d’eau.

Elle s’assit au bord de la rivière et observa la jungle environnante. C’est alors qu’elle remarqua des spores flottant dans l’air. Elle comprit, avec une clarté soudaine, que ses visions de déjà-vu et sa capacité d'anticipation étaient dues aux spores. En s’enfonçant dans la jungle, elle avait croisé la Psychotropa lucida, une plante capable de modifier la chimie du cerveau des insectes, leur permettant de percevoir des choses invisibles pour les autres animaux. Mais en grande quantité, ses spores affectaient aussi le cerveau humain, altérant la perception du temps et de la mémoire.

Un éclair de génie traversa l’esprit d’Aveline. Les spores avaient perturbé ses réseaux neuronaux, établissant une connexion entre la mémoire, l’anticipation et la perception des événements. Elle réalisa alors que ces spores pouvaient être utilisées pour explorer des mécanismes psychiques chez d’autres espèces — et même chez les humains. Elles pouvaient offrir un moyen de communication non verbal, transcendant la barrière des langues et des comportements physiques, en modifiant la perception des individus.

C’était une découverte extraordinaire. Elle s’auto-félicita et se réjouit intérieurement de cette avancée. Il lui restait à retourner à l’hélicoptère et à son laboratoire pour étudier plus en détail cette possibilité. Mais avant de partir, elle devait récolter des échantillons des spores. Heureusement, elle avait tout le nécessaire dans l’hélicoptère.


Texte publié par Aihle S. Baye, 25 juillet 2025 à 17h40
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