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tome 1, Chapitre 14 « Vers la première sphère » tome 1, Chapitre 14

Il n’y a pas d’amour pour quelqu’un comme moi. Je suis une traînée. Une roulure. Je n’ai jamais pu accorder mon cœur à un seul homme. Ou plutôt si, je l’ai fait, et j’ai toujours été déçue en retour. Alors j’ai décidé d’être égoïste, de ne plus penser qu’à moi et mon plaisir. Vous pensez que j’en suis fière ? Que ça me rend heureuse ? Détrompez-vous. Je me hais à vomir. Je suis devenue l’antithèse de ce que je voulais être au départ. J’ai renié toutes mes promesses. Et si cette aventure était ma rédemption ?

***

Ma malédiction… Pourquoi il a fallu que ça m’arrive ? Ma vie est gâchée. J’aurais pu vivre tranquillement, en jouissant des plaisirs terrestres en attendant l’heure de mon trépas. J’aurais pu m’en foutre de ce soi-disant « don ». Mais non, il a fallu que je tente de l’utiliser. Pour faire du bien autour de moi. Oui, aussi pour gagner de l’argent. Mais surtout pour soulager la souffrance humaine. A quoi bon finalement ? Ces humains ne sont qu’un ramassis d’ordures !!! Regardez où je me trouve à cause d’eux. Je les hais. C’est eux qui devraient être à ma place et moi en train de les regarder en ricanant. Tout ça pour en arriver là… Pitoyable…

***

Je suis nulle. Je l’ai toujours été. Personne ne m’a jamais accordé la moindre considération. Je n’existe quasi pas aux yeux de mes parents. Ils n’en ont qu’après mon frère et ma sœur. Ah, celle-là, ne m’en parlez surtout pas ! Une vraie pétasse, surtout depuis quelle a réussi. Elle a cristallisé les regards de milliers de gens sur elle. Faut dire qu’elle a tout pour captiver : une plastique superbe (entretenue au prix de grands efforts, certes), un talent indéniable, un charisme incroyable. Tout ce que je n’ai pas et que je n’aurai jamais. Pourquoi a-t-elle tout et moi rien ? La vie est injuste…

***

Je suis qui, moi ? Je ne me souviens de rien. Je suis en colère, c’est tout ce que je sais.

***

Les pieds nus de la Grande Adoratrice foulaient les dalles de la cour intérieure du temple. Tout resplendissait de la lumière solaire, chaude et pénétrante. Elle enjamba quelques corps. Sa chevelure blonde ruisselait sur son dos, son teint olivâtre brunissait à vue d’œil. Ses yeux hagards n’avaient pas encore reconnecté avec la réalité matérielle de ce qui l’entourait.

Depuis le début de la grande quête, un voile noir s’était abattu sur Pleroma. Sylgrid avait dévoilé son vrai visage, celle de la digne héritière spirituelle de Kentaurus. Et d’ailleurs, cette filiation n’était-elle que virtuelle ? Certains avaient publiquement émis l’idée qu’elle puisse être la fille naturelle de l’ancien monarque. Après tout, personne ne savait d’où elle provenait ni comment elle avait débarqué à Pleroma pour être adoptée par l’Arkhonte. Ce simple dernier fait leur suffisait à prouver son ascendance illustre. Pourquoi Anselme se serait-il encombré d’une orpheline quelconque ?

Les propagateurs de cette rumeur avaient été rapidement identifiés. Ils furent les premiers sacrifiés au dieu Soleil, égorgés et leurs cadavres séchant sous la chaleur de l’astre, à la vue de toutes et tous.

Revenue dans la salle du trône, elle accueillit les nouvelles de la troupe de soldats partis dans la Réserve.

« Alors, ils ont été platement battus ? Ce n’étaient que des sous-fifres de toutes façons, je n’en attendais pas plus d’eux. Mais maintenant au moins, nous savons ce que valent nos adversaires. »

« De toute façon », dit Horestia, agenouillée devant la Grande Adoratrice, « ils vont arriver à la première sphère. Ils n’ont aucune chance de s’en sortir, nos troupes n’ont même pas besoin d’intervenir ».

« C’est moi, et moi seule, qui décide quand et si nos valeureux interviennent », répliqua Sylgrid d’un ton glaçant. La fière Horestia frissonna.

« Envoyez-en quelques-unes dans la Réserve. Qu’elles en interceptent autant qu’elles peuvent. Pour le reste, laissons faire la Réserve ».

« Il en sera fait selon vos ordres, Grande Adoratrice ». Après le salut d’usage, Horestia se retira, la peur à l’âme.

***

Tancrède leva le visage en direction du ciel. A travers le dôme de la Réserve, il vit le Soleil lourd, énorme, qui les écrasait de sa chaleur. Il rabaissa les yeux en une fraction de secondes, des flashs crépitaient dans sa tête.

« A ce rythme, nous n’aurons jamais le temps de trouver le remède », lâcha-t-il.

« De toute façon, ce n’est manifestement pas ce que souhaite la gamine cinglée », dit Glydis.

Ils repensèrent tous aux derniers évènements. Ainsi, en plus des dangers de la Réserve, ils allaient devoir affronter les soldats de Pleroma.

« Bon, et si nous mettions un peu de musique », dit d’un ton guilleret Tancrède.

Et sans attendre de réponse, il enclencha son diffuseur.

Qu’as-tu fait de moi ?

Je n’ai plus une once de chance

D’éprouver encore de l’émoi

Tu m’as laissé le cœur en bas

Je ne suis plus qu’une poupée

Complètement désarticulée

Animée

Pour toujours

Par la détresse de l’anamour

Dès les premières notes, Vanya se mit à hurler.

« Eteins-moi ça, tout de suite !!! »

Tout le monde sursauta, une nuée d’oiseaux s’envola avec grand fracas.

« Mais qu’est-ce qui t’arrive ??? », cria Glydis, qui n’aimait pas être surprise de la sorte.

« Je déteste cette chanteuse ! », se contenta de répliquer Vanya.

« Mais comment c’est possible ? », dit naïvement Syphax. « Tout le monde l’aime. »

« Et bien pas moi !!! », hurla à nouveau Vanya.

« Mais veux-tu bien me dire pourquoi tu te mets dans cet état », s’énerva Tancrède.

« Il y a quelque chose que tu ne nous dit pas », dit Glydis d’un ton soupçonneux.

Après un temps d’hésitation, Vanya finit par cracher le morceau.

« C’est ma sœur ! »

Le silence se fit d’un coup, il sembla que même les bruits de la nature environnante fussent assourdis.

« Ta…ta sœur ? », marmonna Tancrède, qui vouait une véritable adoration à Aria Lyra.

« Oui, ma sœur », répéta Vanya d’un ton las.

Syphax ne parvenait pas à refermer sa bouche. Glydis lui donna un petit de coup de la paume de sa main droite pour l’y aider. Il referma la bouche d’un claquement sec mais ses yeux restaient exorbités.

« Pourquoi ne nous l’as-tu pas dit plus tôt ? », dit doucement Glydis.

« Pourquoi faire ? Et en quoi ça vous regarde de toute façon ? »

« Ouh, Mademoiselle est fâchée »

« En tous cas, tu ne sembles pas la porter dans ton cœur », dit calmement Tancrède

« Elle m’a toujours gâché la vie Depuis toujours, il n’y en a eu que pour elle. Moi, à côté, je n’ai jamais existé »

La bonne humeur du début s’était évanouie. Le quatuor reprit la route en silence.

Ils bivouaquèrent à l’orée d’un bois de bouleaux. « Nous approchons de la zone irradiée. Je pense que nous y serons demain vers midi. En attendant, nous dormirons ici. Je monterai la garde. », dit Tancrède.

« Nous monterons la garde, pendant que les gosses dorment. », lui répondit Glydis. « A tour de rôle. De toute façon, je n’ai pas très sommeil. »

Tancrède acquiesça.

Tancrède prit la première partie. Le feu crépitait doucement et ses trois compagnons s’étaient assoupis dans leur sac de couchage respectif. Un léger ronflement parvint de la couche de Glydis. Elle dormait à poings fermés, contrairement à qu’elle lui avait dit une heure plus tôt.

Il repensa aux derniers évènements. Des craquements dans le lointain ne laissèrent pas son esprit en paix. À tout moment, il s’apprêtait à faire feu contre un éventuel ennemi, humain ou non-humain. Mais ce n’était que le bruit du vent dans les branchages. Il dut reconnaître qu’il était plus fatigué que ce qu’il croyait. A un moment, le besoin de dormir fut plus impérieux que tout. Il sombra.

Heureusement, Glydis s’était entretemps réveillée. Elle posa son sac de couchage sur les épaules de Tancrède et entreprit la relève de la garde.

Curieusement, elle n’était pas anxieuse. Plutôt triste. Avait-elle vraiment mérité tout ça ?

Soudain, son instinct lui souffla que quelqu’un d’autre était là.

Surgissant de derrière un arbre, elle vit Mickaël.

« Mickaël ! »

« Salut Glydis. »

Elle se leva et s’approcha de lui à pas feutrés.

« Te revoilà enfin. Je ne savais plus si j’avais rêvé ou si tu étais réel », dit-elle à voix basse.

« Je suis revenu vous prévenir. Vous allez bientôt accoster la première sphère. Prenez garde. Vous allez faire face à des choses qui vous dépassent. Ne manger rien de ce qu’on vous propose. »

« Quoi ? »

« Rien, tu m’entends ? Rien. »

Et il disparut.

Le cœur battant, et désormais incapable de dormir, Glydis attendit patiemment le lever de l’astre du jour.

Les autres s’éveillèrent tout doucement les uns après les autres. Lorsque tous furent debout et un brin rassasié, Glydis leur raconta la visite de Mickaël.

« Alors il est revenu, pour de vrai ? Mais il fallait me réveiller ! », pesta Syphax. « Non, répondit Glydis, tu dormais trop bien et en plus, sa visite n’a duré que quelques instants ».

« Es-tu sûre de ne pas avoir rêvé Glydis ? », demanda Tancrède, décidément toujours dubitatif.

« Sûre et certaine ».

« Je me demande toujours si c’est vraiment un fantôme », s’interrogea Vanya, qui semblait de meilleure humeur que la veille.

« Moi je suis certain que non », répéta Tancrède. « C’est encore une idée de la Divine Adoratrice pour nous embrouiller ».

« Grande », rectifia Syphax.

« Peu importe, vous savez de qui je parle. »

Après s’être rafraîchi à une rivière toute proche et dont l’eau paraissait saine, ils reprirent leur route.

Vanya se rapprocha de Tancrède, qui marchait à une certaine distance devant les autres. Ainsi, ils pourraient parler sans être entendus de Glydis et de Syphax.

« Tancrède, c’est vraiment vrai ce que tu as vu ? J’ai été une princesse des animaux dans une vie antérieure ? »

« Ma foi, je le pense oui. D’où ton don actuel. »

« Rappelle-moi comment j’étais s’il-te-plaît ? »

« Je me rappelle avoir vu une jeune femme d’environ vingt-cinq ans, mince, grande, les cheveux noirs noués en un chignon élégant, entourée d’une cour où toutes et tous se pressaient autour d’elle. »

« Est-ce qu’elle avait l’air d’être aimée ? »

« Je le pense bien, oui. »

Vanya soupira d’aise. « Ah, si je pouvais redevenir cette princesse que tout le monde aimait. »

Elle s’approcha encore et effleura la main de Tancrède. Celui-ci la repoussa violemment mais c’était trop tard, le mécanisme s’était enclenché.

Un village en feu, des gens qui fuyent, la princesse seule sur une plate-forme de son palais, contemplant sa ville dévastée. A ses mains, une fiole de poison… Se pourrait-il que…

Tout s’arrêta d’un coup. Tancrède tenta de reprendre son souffle.

Glydis avait accouru à ses côtés, prenant le risque de laisser Syphax seul en arrière.

« Tancrède, ça va ? Tu tiens le coup ? »

« Oui oui, c’est déjà fini, merci. »

Elle l’aida à se relever.

« Des visions ? Terribles apparemment. »

« Et bien… »

Avant qu’il n’eut le temps d’en dire plus, il entendit Syphax crier « Vanya, où vas-tuuu ? »

Tancrède et Glydis se précipitèrent à la poursuite de la jeune fille et la ratrappèrent aisément.

« Où allez-vous jeune fille ? », lui demanda Glydis en s’emparant de son bras gauche.

« Lâche-moi, lâche-moi. J’en ai marre. Tu as vu comme il m’a repoussé ? ça a toujours été comme ça dans ma vie, je n’en peux plus. »

Une gifle.

Vanya tomba par terre, en larmes.

Tancrède intervint : « Glydis, étaitce vraiment nécessaire ? »

« Ça faisait un moment que ça me démangeait. Toujours à geindre. Mais qu’est-ce qu’elle croit ? Que pour les autres la vie est une partie de plaisir ? Si c’était vrai, nous ne serions pas ici ! »

Elle s’éloigna pour se calme tandis que Syphax aidait Vanya à se remettre sur pieds et que Tancrède se morfondait en excuses.

« Je suis désolé, vraiment. Je ne voulais pas te bousculer. J’ai été surpris, c’est tout. Tu sais ce que ça déclenche chez moi. »

Vanya renifle. « Ok, désolé aussi. Je sais que je ne devais pas te toucher, c’était plus fort que moi. »

Se tournant vers Glydis : « Et, la vieille, la petite conne te présente ses excuses. »

D’un coup, Glydis se retourna, courut vers Vanya, la prit dans ses bras et la couvrit de baisers.

« Désolé, on est tous à cran. »

« Bon, le moment bisous est fini, on peut reprendre la route maintenant ? », s’impatienta Syphax.

Quelques instants plus tard, Vanya eut quand même le cran de demander à Tancrède ce que ses visions lui avait révélé de nouveau.

« Rien », mentit-il. « Ton contact a été trop rapide, je n’ai rien vu. » Glydis le regarda du coin de l’œil.

Le ciel était voilé, cachant les rayons de plus en plus chauds du soleil.

La Grande Illumination… Quand aura-t-elle lieu ?

Soudain, ils furent interrompus dans leur rêverie collective par des bruits, lointains mais qui avaient l’air de se rapprocher.

Ayant pénétré dans les bois, ils se cachèrent comme ils purent derrière des arbres plus ou moins gros. Plus de doute possible, c’était des bruits de pas, des bruits de personnes en train de courir dans leur direction.

La peur s’empara de chacun d’eux. Les respirations se firent saccadées. Les battements de leur cœur prirent le dessus sur tout le reste.

Enfin, ils furent là. Tancrède les reconnut de suite : la bande de jeunes gars condamnée en même temps qu’eux. Il voulut aller à leur rencontre mais son instinct lui souffla de ne pas faire un geste. Il rencontra le regard de Glydis qui lui intimait la même chose.

Heureusement, ils ne les remarquèrent pas et s’éloignèrent vers l’est.

Quand il jugea qu’ils étaient suffisamment loin, Tancrède quitta sa cachette.

« C’est bon, on peut y aller. »

« Tu es sûr ? », demanda Glydis.

« Oui, ils doivent être loin maintenant. »

« Dans quelle direction allaient-ils ? », demanda Vanya.

« La même que la nôtre. », dit Tancrède. « Vers la première sphère. »

« Elle est encore loin, cette sphère machin-chose ? », demanda Syphax.

« Non non, nous devrions y arriver avant la fin de la journée. »

Ils reprirent leur marche et quittèrent le bois. Une plaine s’étendait devant eux mais le bois suivant était déjà à portée de vue.

« ça y est », annonça Tancrède, « nous rentrons en zone irradiée ».

Ils s’arrêtèrent un instant. Ils n’entendirent que le bruit du vent glissant sur la lande. Ce qu’ils avaient vécu jusqu’ici dans cette Réserve n’était rien en comparaison de ce qui les attendait.

Ils prirent chacun une première gélule protectrice avec un peu d’eau. Quand ils se furent assurés qu’aucun effet secondaire ne se manifesterait de suite, ils continuèrent de marcher vers la zone du soleil levant.

Et enfin, après avoir gravi une colline à faible déclivité, ils la virent. Un dôme rosé, à l’intérieur duquel se distinguaient une ville et des manifestations d’une grand activité. La première Sphère.


Texte publié par NiKolas45, 29 août 2025 à 15h39
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