Comme Godefroy, d’autres jeunes se dirigeaient vers le temple, si bien que quand l’adolescent arriva finalement à destination, il était perdu dans la foule de jeunes gens venus pour la cérémonie d’Affectation. Le troupeau des jeunes ayant atteint leur seizième anniversaire s’arrêta devant le Temple. Ils furent accueillis par un prêtre aspirant, reconnaissable à sa tunique d’un rouge vif sans ornement. Devant le brouhaha des jeunes excités par l’imminence de la cérémonie, le religieux se racla la gorge puis, quand le silence fut, entama son discours :

- Bienvenue à votre cérémonie d’Affectation. Ici, peu importe que vous soyez nés avec une cuillère en argent dans la bouche ou dans la fange, vous êtes tous égaux aux yeux de notre Dieu et pouvez donc être Affecté à n'importe quel poste, tant que celui-ci vous a été Assigné par le Seigneur. Votre future fonction ne vous convient pas ? Ne faites pas preuve de témérité et résignez-vous : vous n’y pourrez rien changer. Si vous vous révoltez, vous savez ce qui vous arrivera : vous serez exilé, sans possibilité de pardon, et ne pourrez plus jamais toucher terre. Continuez à voguer en mer, jusqu’à votre mort. Je vous déconseille donc fortement de protester. Maintenant que ceci est clair pour tous, veuillez me suivre, je vais vous conduire auprès du Haut Prêtre, le seul autorisé à vous mener auprès de notre Dieu.

Ayant fini de parler, l’apprenti prêtre se tourna vers le temple et rentra à l’intérieur. Suivi de près par la foule d’Aspirants. Les choses sérieuses pouvaient commencer. Silencieux, intimidés par l’introduction solennelle du jeune adulte, les adolescents commençaient, si tel n’avait pas déjà été le cas avant, à stresser par rapport à ce que l’avenir leur réserverait. Car, comme dit par le religieux qui les avait accueillis, ils n’avaient aucun contrôle sur ce qu’ils feraient plus tard. La tâche à laquelle ils seraient Assignés leur étant imposée par la Divinité titulaire de leur peuple. Même les plus rebelles du lots, refroidi par la menace rappelée lors du discours d’introduction, n’osaient pas faire de vague. Car, même s’ils s’en défendaient, tous craignaient l’exil et personne ne souhaitait être condamné à finir ses jours en mer.