Aujourd’hui, c’était le grand jour. Godefroy, ayant atteint son seizième anniversaire, saurait enfin ce que le Grand Dieu Protecteur avait prévu pour lui. Mais, étant une journée très importante pour son avenir, le jeune garçon ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine anxiété. Il se demandait s’il serait à la hauteur du Destin choisi par la Divinité. Aussi, du fait de son appréhension, il s’était réveillé bien trop tôt. Afin d’éviter de penser à ce qui l’attendait, en attendant d’aller au temple, l’adolescent descendit dans la boutique de sa mère afin de s’occuper des différentes fleurs exposées. La boutique était le paradis floral : il y avait des pots de fleurs partout, de variétés communes ou exotiques, dans une explosion de couleurs ahurissantes. Le garçon se sentit étrangement apaisé en s’occupant des plantes de sa mère. Du plus loin qu’il se souvienne, la nature avait toujours eu cette étrange emprise sur lui, de le recentrer et de le calmer.

Tant et si bien que, ne voyant pas l’heure passer, il fut surpris de voir sa mère le rejoindre. Celle-ci lui offrit un sourire affectueux et, lui posant un baiser sur le front, l’encouragea à aller jusqu’au temple afin de connaître son Affectation, le gourmandant sur le fait de ne pas faire attendre le Dieu Protecteur. Baissant la tête d’un air penaud, Godefroy acquiesça timidement avant de sortir, prenant le temps néanmoins de retourner le panneau “Fermer” vers la face “Ouvert” d’un beau vert bouteille, sur lequel était dessiné des lys et des orchidées.

Pendant le trajet, le jeune homme se prit à rêvasser sur le rôle qui pourrait lui être attribué : explorateur, guérisseur, jardinier, ces trois corps de métiers l’attirant pour des raisons diverses. Il espérait, par contre, ne pas être Destiné à devenir soldat : il abhorrait la violence et ne pensait pas pouvoir s’épanouir dans une telle fonction. Mais, si telle était la volonté du Grand Dieu Protecteur, il serait bien obligé de s’y plier, même si ce serait de mauvaise grâce. Car nul ne pouvait s’opposer aux desseins du Puissant. Après tout, tout contrevenant était considéré comme un traître et était exilé par-delà les Océans, sans jamais plus être autorisé à toucher terre. Ce qui, aux yeux de son peuple, était une punition pire que la mort.