Le vent hurlait à travers les branches noueuses de la Forêt Maudite, un chant funèbre qui s'accordait parfaitement à l'état d'esprit de Sir Kaelan de Valois, chevalier de son état.
Épuisé, le corps endolori et l'âme lasse, il rentrait enfin au Royaume d'Eldoria après des mois passés à combattre dans une guerre dont il ne se rappelait déjà plus les raisons exactes. Son cheval, un vieux destrier fidèle nommé Brume, avançait péniblement, les sabots s'enfonçant dans la boue glacée.
Ce jeune chevalier de 25, était grand, fort et robuste pour son âge.
La nuit était tombée, épaisse et sans étoiles, et Kaelan maudissait sa décision de couper à travers ces bois sinistres. On racontait que des mages oubliés et de grands druides y avaient jadis pratiqué des rituels arcaniques (invocation et l'évocation des puissances), laissant derrière eux une aura de malveillance qui imprégnait chaque arbre tordu. Une odeur de terre humide et de décomposition flottait dans l'air, lourde et oppressante.
Soudain, le ciel déchira son voile d'encre. Un coup de tonnerre démentiel gronda, faisant vibrer la terre sous les pas de Brume. L'écho roula à travers la forêt, un rugissement divin qui parut durer une éternité. Puis, dans un éclair aveuglant qui transforma la forêt en un tableau spectral de noir et de blanc, la foudre s'abattit. Elle frappa à quelques pas de Kaelan, une colonne de lumière pure et terrifiante qui pulvérisa le sol et les arbres alentour.
La déflagration fut si violente que Brume, affolé, se cabra avec un hennissement de terreur. Kaelan, pris au dépourvu, fut désarçonné. Il sentit le sol dur le frapper, une douleur fulgurante qui le laissa pantelant, le souffle coupé. Alors que tout autour de lui tournait, une sensation étrange commença à se répandre dans ses membres, comme une paralysie, une chaleur glaciale, une énergie inconnue qui pulsait sous sa peau. L'obscurité l'engloutit.
Quelques instants plus tard, l'obscurité se dissipa lentement, non pas comme un voile que l'on lève, mais comme une encre épaisse qui se dilue dans l'eau. Kaelan s'attendait à la douleur lancinante de ses blessures, le froid mordant de la forêt, la peur panique d'être seul et désarmé. Mais il n'y eut rien de tout cela. Seulement un engourdissement étrange, une sensation de plénitude inattendue, comme si chaque fibre de son être avait été retissée avec un fil invisible et indestructible. Il avait été bléser au visage, mais protéger par sa côte de maille.
Il ouvrit les yeux. Le ciel était toujours noir, mais une lueur pâle, presque irréelle, filtrait à travers la canopée, révélant les silhouettes tordues des arbres. Brume n'était plus là.
Autour de lui, la terre était labourée, les troncs d'arbres calcinés témoignaient de la violence de la foudre. Quelques branches étaient encore en feu. Il se redressa difficilement, lentement, sans effort.
L’égratignure au visage disparue soudainement, la voyant disparaître dans le reflet d’une flaque d’eau. Pas de douleur apparente. C'était comme s'il n'avait jamais été désarçonné, comme si le coup de tonnerre et l'éclair n'avaient été qu'un rêve fiévreux.
Il porta une main à son visage, sentant la texture de sa peau changée, le battement régulier de son cœur – non, pas tout à fait régulier. Il y avait une pulsation, oui, mais elle était différente, plus profonde, plus lente, comme le tic-tac d'une horloge ancienne et inébranlable. Une froideur commença à se répandre en lui, non pas le froid de la nuit, mais une sorte de vide insidieux, une absence de la fragilité humaine qu'il avait toujours connue.
Il se leva, ses muscles répondant avec une vigueur qu'il n'avait pas ressentie depuis qu'il était plus jeune. Il fit quelques pas, puis courut, traversant les sous-bois avec une agilité surprenante. Le souffle ne lui manquait pas. La fatigue ne le touchait plus. Il s'arrêta devant un petit ruisseau et regarda son reflet dans l'eau sombre. Ses yeux étaient les mêmes, mais il y avait une nouvelle intensité, un éclat presque surnaturel qui n'était pas le sien. C'était le regard d'un jeune homme qui avait traversé le voile, qui avait touché à quelque chose d'indicible.
Une pensée, froide et terrifiante, commença à germer dans son esprit. La foudre. La Forêt Maudite. Les légendes des mages et des druides. Et cette absence de douleur, cette vitalité anormale. Il n'était plus le même. Il était... différent.
Le mot n'existait pas encore dans son vocabulaire, mais la sensation était là, écrasante, inéluctable. Il était seul, dans cette forêt silencieuse, et une nouvelle horreur, plus profonde que n'importe quelle bête ou sorcier, venait de naître en lui.
Quand Kaelan reprit pleinement ses esprits, la confusion laissa place à une lucidité glaçante. La foudre n'avait pas seulement illuminé la forêt ; elle avait réécrit son être. Il se releva sans une courbature, ses muscles vibrant d'une énergie nouvelle et inépuisable. La fatigue, cette compagne fidèle des chevaliers, avait tout simplement disparu, comme un mauvais rêve.
Il retrouva son épée, Fiel-de-Fer, gisant à quelques pas, son fourreau en cuir déchiré par le choc. Son sac de voyage, renversé, avait répandu quelques hardes et un pain durci sur la terre humide. Il ramassa ses affaires, chaque mouvement exécuté avec une grâce et une force inattendues. Puis, il entendit un léger hennissement. Brume ! Son fidèle destrier était là, caché derrière un épais buisson de genévriers, les yeux encore élargis de terreur, mais indemne. Kaelan s'approcha, posa une main rassurante sur l'encolure tremblante du cheval. L'animal, sentant la force tranquille émanant de son maître, se calma progressivement. Kaelan monta en selle, le poids de son armure lui paraissant insignifiant. La Forêt Maudite, qui l'avait toujours opprimé de son silence et de ses ombres, semblait désormais lui obéir, les chemins s'ouvrant devant lui avec une facilité déconcertante. Le voyage de retour, qui aurait dû lui prendre des heures dans son état d'épuisement, s'effectua en deux heures seulement, sous une lune pâle et indifférente à la transformation de l'homme qu'elle éclairait.
Le Royaume d'Eldoria et le Château d'Argent
Sur ces terres fertiles, s’étendait deux grand royaumes, Le Royaume d'Eldoria et Vandoria, irrigués par le fleuve Argent qui les séparait. C'était des terres de traditions ancestrales et de foi inébranlable. Ses habitants, des paysans robustes aux nobles terriens, étaient connus pour leur piété farouche et leur méfiance envers tout ce qui sortait de l'ordinaire. Les superstitions couraient aussi vite que le vent, et les murmures de sorcellerie ou de magie noire pouvaient enflammer les esprits plus sûrement qu'une armée ennemie. Le temps s'y écoulait au rythme des saisons et des cloches de l'église, dictant la vie, la mort et les récoltes.
A quelques kilomètres du bord de l’atlantique, le royaume d’Eldoria, se dressait le Château d'Argent, une forteresse massive de pierre grise, dont les tours crénelées défiaient les siècles. Il était la résidence de la famille royale d'Eldoria, les Valois de Silvanus, qui régnaient depuis des années avec une main ferme et une dévotion exemplaire. Jusqu’à que le frère du roi Sire Aubert Valois de Silvanus, seul héritier pris le pouvoir. La vie au château était réglée comme une horloge monastique. Du lever des premiers rayons du soleil à la tombée de la nuit, chaque membre de la cour, des dames de compagnie aux écuyers, des prêtres aux soldats, avait sa place et sa tâche. Les repas étaient des affaires somptueuses mais protocolaires, les messes quotidiennes des obligations solennelles, et les entraînements à l'épée des rituels immuables.
Kaelan Valois de Silvanus, bien que chevalier, venait d'une lignée qui, sans être misérable, n'avait jamais brillé par sa richesse ou son influence. Ses ancêtres avaient toujours servi la couronne avec une loyauté sans faille, et Kaelan lui-même était respecté pour sa bravoure au combat et son sens de l'honneur. Il avait ses propres quartiers modestes dans l'aile des chevaliers, des pièces fonctionnelles qui témoignaient d'une vie spartiate.
Les Figures du Château d'Argent
La vie au Château d'Argent était une danse orchestrée de rituels et de hiérarchie. Kaelan y retrouva les visages familiers, bien que sa propre perception d'eux semblait altérée.
• Serge, l'écuyer loyal : Serge était le compagnon le plus proche de Kaelan, son écuyer depuis près de dix ans. Plus jeune d'une décennie, il était un homme robuste et dévoué, au visage rond et aux yeux vifs qui ne rataient jamais grand-chose. Serge était la simplicité et la loyauté incarnées, et Kaelan savait qu'il pouvait compter sur lui plus que sur quiconque. Mais Serge était aussi un homme du peuple, profondément ancré dans les croyances et les peurs eldorianaises. Sa dévotion serait-elle ébranlée par ce qu'il ne manquerait pas de percevoir ?
• Père Thomas, le gardien des âmes : Le chapelain du Château d'Argent, Père Thomas, était une figure imposante et austère. Son visage émacié était constamment marqué par une sévérité que seule la lecture des Saintes Écritures semblait adoucir. Ses sermons dominicaux résonnaient dans la chapelle avec la puissance du tonnerre, dénonçant sans relâche les péchés de la chair, les tentations de l'esprit et les hérésies qui menaçaient l'âme des fidèles. Pour Kaelan, sa présence incarnait l'ordre inflexible du monde qu'il venait de quitter, un ordre qui, il le sentait, allait bientôt le rejeter.
• Lord Armand de Montaigne, l'ombre hautaine : Toujours présent à la cour, Lord Armand de Montaigne était l'archétype du noble eldorianais : fier, pompeux, imbu de sa lignée immémoriale et d'une orthodoxie religieuse qui confinait à la bigoterie. Il avait toujours regardé Kaelan, le "chevalier sans terre," avec un dédain à peine voilé. Ses remarques acerbes et son regard perspicace pourraient, à l'avenir, devenir une menace insidieuse pour le secret de Kaelan.
• Et bien sur ses parents : Sire Aubert de Valois et Dame Élise de Valois. Des parents aimant. Ils chérissaient leur seul fils rester au foyer. Ses deux sœurs avaient déjà épousées des nobles dans d’autres contrées. Croyant tout les deux, mais prêt à accepter les choses avec explications logiques, dont le père Thomas et Lord Armand ne pouvait entendre.
Ils régnaient depuis des décennies dans ce royaume et leur fils bien aimé devra prendre la relève.
L'ambiance générale était celle d'un temps suspendu, où le progrès était lent et où le passé pesait lourd. La peur de l'inconnu, des famines, des épidémies et des châtiments divins était omniprésente. Les hivers étaient rudes, les étés capricieux, et la vie était une lutte constante. Au sein de ce monde d'incertitudes et de labeur, la foi et les traditions étaient les seuls ancrages stables, et tout ce qui les remettait en question était perçu comme une menace directe à l'existence même. C'était un royaume où l'anormalité était synonyme de damnation.
C'est dans ce contexte que Kaelan fit son retour.
Devant la grande porte du château, les deux gardes avertirent la cour. Le chevalier Kaelan, est de retour parmi nous, hurlat-il ! Soyez le bienvenu chez vous, sir !
La grande porte du château s'ouvrit sur lui, révélant la cour animée. Les palefreniers s'empressèrent de prendre Brume, et Serge, son visage éclairé d'un large sourire, vint à sa rencontre.
"Sir Kaelan ! Par tous les saints, vous êtes de retour ! On vous croyait encore à des lieues !" s'exclama Serge, son soulagement palpable.
Kaelan descendit de cheval avec une légèreté qui aurait dû le surprendre, mais qui lui parut naturelle. Il força un sourire. "Le vent était avec moi, Serge. Et la soif de rentrer au bercail."
Serge l'observa un instant, les sourcils froncés. "Vous avez... bonne mine, Sire. Étrangement bonne, après un tel périple. Pas une égratignure ? La campagne fut donc si aisée ?"
Kaelan sentit un frisson courir le long de son échine. La première fissure. "La chance du soldat, mon ami," répondit-il, une pointe de nervosité dans la voix. Il tapota l'épaule de Serge, forçant une camaraderie qu'il sentait déjà lui échapper. Il lui fallait masquer cette nouvelle force, cette absence de fatigue, cette étrange vitalité qui le distinguait désormais.
Il ne savait pas encore, ce que la forêt lui avait apporter ce jour.
Pour fêter son retour, le roi organisa un grand banquet en son honneur.
Malgré une certaine fatigue, il racontait ses périples des lointains lieues, comment il était arrivé à combattre avec ses autres chevaliers d’infortunes ou la plupart décédèrent des forces de la guerre et d’autre de la maladie…..
Une petit guerre sans envergure, mais indispensable mon fils ! Nous sommes heureux de ton retour.
Lord Armand, lors du dîner à la Grande Salle, ne manqua pas de lancer, d'un air narquois : "Notre brave Kaelan semble avoir trouvé la fontaine de jouvence sur le champ de bataille. Les années ne pèsent visiblement plus sur lui." Kaelan se contenta de sourire, ignorant l'insinuation. Vous savez Lord Armand, je n’ai que 25 ans et vous 38, vous vous comparez à moi quand on à un âge avancé tel que le votre ? En souriant.
Allons, allons messires, point de méchanceté aujourd’hui, nous fêtons le retour de mon fils !

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