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tome 1, Chapitre 2 « Gray » tome 1, Chapitre 2

Quelques flocons de neige commencent à tomber lorsque je garde la voiture sur le parking attenant à l’hôtel où se déroule le gala. Beaucoup de monde semble déjà être arrivé, et il n’est même pas tout à fait vingt heures. Heureusement qu’on est parti tôt. Je coupe le moteur et me tourne vers Lily avant qu’elle n’ait le temps de descendre. Je ne voulais pas en parler avec elle tout en conduisant, mais il y a un point important que nous n’avons pas encore abordé concernant ce soir.

Elle me lance un regard interrogateur tout en détachant sa ceinture. Je prends, là, le temps de remarquer tout le soin qu’elle a mis dans sa coiffure – ses cheveux sont regroupés en chignon bas, juste au-dessus de son épaule gauche, et des épingles à strass le décore. Elle porte également plus de maquillage qu’habituellement. Je sais qu’elle n’aime pas trop ça, et j’apprécie qu’elle prenne autant à cœur ma demande. Je n’en doutais pas. Même si notre relation est surtout faite de chaos, de chamailleries et de piques sarcastiques, Lily est une personne en qui j’ai une totale confiance.

- Avant qu’on entre, je voudrais qu’on voit quelque chose ensemble.

- OK… ?

- Je vais avoir besoin de te toucher. Le dos, la main, les épaules, je voudrais être sûr que tu es d’accord, ou non. Et s’il y en a, pour toi, qui sont rédhibitoires.

Je vois bien à son regard qu’elle est surprise et ne s’attendait pas à cette question. Je ne suis pas vexé, ce n’est malheureusement pas la norme de demander le consentement lorsqu’il s’agit de « petits » contacts physiques. Mais Lily fait beaucoup pour moi en acceptant ce marché, je ne pense pas qu’elle s’en rende compte, et il est hors de question que je la mette mal à l’aise en ayant des gestes déplacés.

- Euh… non, rien qui soit vraiment– À part, si, mes cheveux. Ça m’a pris mille ans à faire, donc l’ébouriffage de cheveux, tu oublies. Je sais que c’est ta passion, me regarde pas comme ça. Je suis quelqu’un d’assez tactile, ajoute-t-elle en haussant les épaules, et puis t’es pas un mec bizarre dans le métro. Enfin, t’es bizarre, mais t’es Gray, quoi.

- Lily Noble me fait un compliment ! C’est un compliment, hein ? Ça ressemble à un compliment…

Elle lève les yeux au ciel et secoue doucement la tête, faisant s’échapper une mèche de son chignon, qu’elle s’empresse de ranger derrière son oreille.

- T’es sûre que c’est bon ?

- Oui, ça ne me dérange pas, hoche-t-elle la tête. De toute façon, il va sûrement falloir qu’on danse un slow ou quelque chose, non ? Il y a de la musique à ses trucs là. Et, pour toi, du coup ?

- Rien de particulier, dis-je en secouant la tête. Je te promets de ne pas abuser.

- Autant tu n’es pas ma personne préférée, Gray… autant je te fais confiance sur ce point. Arrête de me regarder comme ça.

- Non mais tu ne peux pas me demander de rester de marbre face à tes compliments, Titi. Ça arrive tellement rarement… si ce n’est jamais.

- Ah, tu m’soules !

Lily ouvre assez violemment la porte de la voiture et sort. Rapidement, ses cheveux blonds sont parsemés de gros flocons de neige. Je la regarde remonter le col de son manteau et croiser ses bras sur son corps pour essayer de se réchauffer. Un sourire s’invite malgré moi sur mes lèvres tandis que je sors à mon tour pour la rejoindre. Je lui présente mon bras, elle me lance un énième regard suspicieux, puis nous avançons vers l’entrée de l’hôtel bras dessus, bras dessous.

On entend la musique de l’orchestre émanant de la grande salle, à gauche de l’accueil, et même quelques bribes de conversations, certaines en langue étrangère. Une fois nos manteaux déposés à la consigne, je range mon ticket dans la poche intérieur de ma veste et me tourne vers Lily qui est en train de vérifier son maquillage dans un petit miroir de poche.

- Quoi ? me demande-t-elle en voyant que je la fixe. Si tu me dis que ma robe ne convient pas… Oh, la Terre appelle Gray ?

- Hein ? Désolé. Non, ta robe est très bien. Je te vois pas souvent en tenue de soirée, c’est… ça te va bien.

Je me racle la gorge, un peu gêné. Elle est très belle ; sa robe a dû être faite sur mesure parce qu’elle lui va à la perfection. Elle va faire une très bonne impression à mon directeur de thèse, j’en suis sûr. Elle me regarde d’un air moqueur, une main sur la hanche, un sourire narquois étirant ses lèvres. Cette expression… OK, on se reprend Gray. Je fais deux pas dans sa direction, m’approchant assez pour pouvoir lui parler à voix basse. Évidemment, elle ne bouge pas d’un iota.

- T’habitues pas trop, Titi. Demain, on reprend la joute où elle s’est arrêtée.

Elle ouvre la bouche pour me répondre, mais nous sommes interrompus par l’appel de mon nom venant de la salle de réception. Je tourne la tête et vois l’un de mes collègues doctorants me faire signe depuis les portes ouvertes. Je lui rends son signe, et glisse ma main sur le dos de Lily. Elle se tend de manière imperceptible contre ma paume.

- Showtime, qīn ài de*.

Lily me lance un regard confus, mais se laisse porter. En entrant dans la pièce, l’odeur très spécifique de Noël – sapin et pain d’épices – me prend au nez. De grands lustres en cristal éclairent les tables rondes parsemées autour d’une piste de danse vide. Certaines personnes se sont déjà installées à leur place, mais la majorité des invités sont disséminés en petits groupes.

- Sylvester, on ne pensait plus te voir !

Oliver Jones, un autre doctorant de mon année, en langues et civilisation également, tend sa main pour me saluer. Il doit avoir déjà bu quelques coupes de champagne, il n’est pas si bavard d’habitude. À côté de lui, son fiancé, Kyle, secoue la tête de dépit.

- Tout le monde n’a pas vingt-cinq minutes d’avance comme toi, Jones. Il m’a bousculé pour être le premier doctorant à arriver. Il est impossible, j’te jure, déclare Kyle en tendant sa main vers Lily. Enchanté, je suis Kyle. Et lui, c’est Oliver.

- Bonsoir, sourit ma compagne pour la soirée. Lily.

Pendant une bonne dizaine de secondes, le regard de Kyle passe de Lily à moi, et un grand sourire barre son visage. À côté de lui, Oliver a un nouveau verre plein dans la main, et il le vide à une vitesse alarmante. Sous mes doigts, je sens Lily commencer à se tortiller d’embarras.

- Quoi ? lâché-je.

- Rien, vous allez juste bien ensemble, c’est tout.

- T’es sérieux ? dis-je en levant les yeux au ciel.

- Je te rassure, elle est probablement trop bien pour toi. Mais je sais pas… et puis, vous êtes coordonnés ! Adorable.

De quoi il parle ? Je baisse les yeux sur mon costume. C’est un costume cintré de couleur bordeaux – je l’ai emprunté à mon oncle, et une chemise blanche. Comment ça on est coordonnés ? Je n’ai pas le temps de réagir que Lily lisse les pans de ma veste de sa main.

- La vérité est que ce n’est même pas fait exprès, fait-elle semblant de chuchoter à Kyle.

- Je pensais pas que vous vous entendriez aussi bien, vous deux. Je sens que c’est pas un bon combo pour mon amour propre. Lily, je vais te présenter à mon directeur de thèse… Et toi, occupe-toi de ton homme, il en est à sa combientième flûte ?

Je ne laisse ni l’un ni l’autre répondre, et appuie légèrement sur le bas du dos de Lily pour la guider avec le groupe de professeurs qui discutent un peu plus loin. Lorsque Professeur Luo croise mon regard, son expression sérieuse est cassée par un sourire. Je m’entends très bien avec mon directeur de thèse. Ça n’a pas été facile de sécuriser une place parmi ses étudiants, mais j’ai eu la chance d’être choisi. C’est pour ça que faire bonne impression est vital. Hors de question que je passe trois mauvaises années juste parce que je l’aurais offensé ou que sais-je encore.

- Bonsoir, professeur.

- Monsieur Sylvester, ravi de vous voir ! Vous devez êtes Lily Noble… j’ai beaucoup entendu parler de vous !

- Bonsoir, sourit Lily en inclinant légèrement le haut de son corps. C’est un honneur de vous rencontrer, Professeur Luo. Gray m’a beaucoup parlé de vous et de vos travaux, qu’il tient en très haute estime…

- Oh, là, oh, là. J’espère qu’il ne vous rabâche pas trop les oreilles avec les gribouillages d’un vieil homme. Gray me dit que vous êtes en master de gestion, c’est bien ça ? Vous souhaitez ouvrir une boutique, un café ?

Lily me jette un regard surpris. Oui, j’ai parlé d’elle et de ses projets. Je passe la majorité de mon temps avec le professeur Luo, il aurait été surprenant que je ne parle pas une seule fois de ma compagne en trois mois et qu’elle apparaisse subitement à la soirée de gala du département. Ça fait donc plusieurs semaines que je dissémine des informations sur Lily. Je ne pensais pas qu’il en aurait retenu autant, certes… Il est possible aussi que j’ai commencé à parler de Lily avant même qu’elle ait accepté de m’accompagner, et que je me sois un peu emporté lorsque j’ai parlé de notre rencontre à certains de mes camarades… mais là n’est pas la question.

- Gray, vous avez là une charmante compagne, me dit professeur Luo en tapotant la main de Lily. Mademoiselle, je compte sur vous pour l’empêcher de trop se perdre dans son travail, nous savons tous les deux qu’il a un peu trop tendance à oublier le monde extérieur, parfois.

Alors non, elle ne le sait pas. Parce que nous ne vivons pas ensemble, et que je ne lui parle pas de mon travail… Mais l’expression de Lily est la représentation parfaite de quelqu’un qui voit exactement de quoi parle l’autre. Sans même avoir besoin de réfléchir, elle acquiesce d’un sourire et promet à mon directeur de thèse de prendre soin de moi. Le pire, c’est qu’elle a l’air vraiment sincère.

Notre conversation – ou plutôt celle de Lily et de Pr. Luo – est stoppée par l’arrivée d’un autre chercheur. Nous nous excusons, et je nous dirige vers la table où nous devrions être placés. Nos deux noms sont installés l’un à côté de l’autre, à une grande table ronde accueillant six autres invités.

- Comment tu fais ? demandé-je à Lily qui tourne vers moi un regard interrogateur.

- Comment je fais quoi ?

- Tout le monde t’apprécie… t’as pas remarqué ? Kyle, professeur Luo… même Oliver n’a pas été désobligeant. Ça n’arrive absolument jamais.

- Il avait l’air trop défoncé pour dire quoi que ce soit de cohérent, à mon avis. Et puis, t’es tout aussi sociable que moi, Gray. Je pense que tu gagnerais haut la main la médaille d’or aux jeux olympiques du flirt.

- Tu trouves que mes compétences en flirt sont bonnes à ce point-là ? souris-je en me penchant vers elle.

Comme toujours, la seule réaction que je peux voir sur son expression est un regard joueur et un sourire en coin. Elle se rapproche encore un peu de moi ; seuls quelques centimètres séparent nos deux visages.

- D’après les dires de ton fan club officiel… dont je ne fais pas partie, rassure-toi. J’ai plus de dignité que ça.

- J’ai un fan club ? D’où tu sais que j’ai un fan club ?

- T’es pas au courant ? Il a été créé l’année dernière par deux filles de ton département. Elles se sont renseignées sur toi au point de venir nous trouver moi et Zoé. On a limite passé un entretien.

- Parce qu’on était dans le même lycée ? Sérieux ? Vous leur avez dit quoi ?

- Rien qui n’entacherait ton image, t’inquiètes. La preuve, le club a perduré...

Je lui lance un regard en biais, qu’elle me rend. J’ignorais véritablement qu’un fan club à ma personne s’était créé. Je ne suis certes pas souvent sur le campus depuis le début de mon doctorat, mais on aurait quand même pu m’en parler avant… Je ne déteste pas l’attention. C’est flatteur, tout au contraire. Je suis plutôt du genre à la rechercher, l’attention. Après… un fan club…

- Dîtes nous si on vous gêne, les deux tourtereaux, là ! résonne bien trop fort la voix d’Oliver qui s’assoit en face de nous à la table.

Évidemment, il faut qu’on soit assis à la même table que lui. Je n’ai rien contre Oliver Jones, à proprement parler… Il est juste habituellement plutôt désagréable, et pas vraiment de bonne compagnie. Heureusement qu’il y a Kyle. Qui n’est pas près de lui, d’ailleurs. Ils sont en couple depuis la création de l’univers de ce que j’ai compris, même si je ne comprends pas trop pourquoi. Kyle est aussi sympathique qu’Oliver est insupportable.

- Ne soit pas jaloux, Oliver, tu as perdu ton savoir-faire avec ton cher et tendre, enfin si tu l’as jamais eu… ça n’est pas une raison pour t’en prendre à Gray. Tu ne lui arrives pas à la cheville, clairement, mais quand même.

Je me mords la lèvre pour ne pas rire, et détourne mon regard vers Lily. Je suis plus souvent receveur de ses remarques que celui à qui elles profitent. Ses mots sont aussi acérés que la lame d’un couteau. Son expression est pourtant tout ce qu’il y a d’innocent et d’amical.

- T’es pas ami avec ce type, on est d’accord ? murmure-t-elle discrètement à mon intention alors que les autres chaises vides se remplissent progressivement.

- Pas du tout, fais-toi plaisir. Il n’y a vraiment que les professeurs que je voudrais éviter de froisser. Pour le reste… je te laisse juge et bourreau.

Elle fait ce petit mouvement de la tête, qu’elle penche légèrement et rapidement de gauche à droite, comme à chaque fois qu’elle est contente de quelque chose, et se redresse sur sa chaise. Je réprime un rire ; ça va être une soirée très intéressante. Nous sommes entourés de doctorants à l’égo surdimensionné – le mien y compris, je ne vais pas le nier – et s’il y a bien une chose que Lily ne supporte pas… c’est ça. Ils ne sont pas près pour ce qui s’apprête à leur tomber dessus.

* « Chérie » en chinois.


Texte publié par mad.autrice, 9 juin 2025 à 12h50
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