Le chant du Jardin résonne dans mes oreilles, une douce mélodie devenue soudainement amère et menaçante. La chaleur de la cérémonie se transforme en un froid glacial qui me mord la peau.
Je ne suis pas une griffue. Moi qui espérait sincèrement hériter d’un don de protection, la déception a du mal a passée. Un Velours d’Orage. Une fleur que je connais très peu, je l’avoue. Sans compter qu’elles sont en voie de disparition et que nos tuteurs évitent d’en parler… Je vais devoir aller questionner Byra pour en apprendre plus sur les capacités de cette plante.
La nausée me monte à la gorge. J’ai passé ma vie entière à rêver de ce jour, de la confirmation de mon lien avec Lysandro, de la réalisation de mon destin. Et à la place, j’ai ça. Sans compter cette étrange corde sombre qui me lie au Parasite. Pour une fois qu’il aurait pu me lâcher, mais non, il s’accroche bien à ma personne.
Je m’agrippe au bras de Lysandro, cherchant désespérément un point d’ancrage dans ce chaos. Son aura verte, si familière et rassurante, semble soudainement pâle et lointaine. Je sais que je dois lui sourire, lui assurer que tout va bien, mais les mots se coincent dans ma gorge.
Son regard, habituellement doux et compréhensif, est teinté d’une confusion et d’une… appréhension que je n’ai jamais vues auparavant. Je peux sentir sa tension, sa gêne face aux regards horrifiés des autres. C’est injuste. Ce n’est pas sa faute. Ce n’est la faute de personne. C’est… le Jardin. Cette entité capricieuse et cruelle qui a décidé de jouer avec nos vies.
Je détourne le regard, incapable de supporter plus longtemps son expression. Mes yeux glissent vers Phélyx. Il se tient à l’écart, entouré de son aura sombre et menaçante. Il a l’air… agité. Comme un animal en cage.
Je sens un étrange… tiraillement en moi. Une envie irrationnelle de le regarder, de comprendre ce qu’il ressent. Je réprime cette pulsion avec horreur. Je ne veux rien avoir à faire avec lui. Il est dangereux, instable, une ombre dans la lumière du Jardin.
Et pourtant… cette corde sombre qui nous relie vibre d’une énergie étrange et puissante. Je sens sa présence en moi, une résonance subtile et intrusive. C’est comme si une partie de moi est soudainement connectée à lui, à sa noirceur, à sa colère.
Je frissonne. Je refuse d’accepter ça. Ce lien est une erreur, une aberration. Il faut le rompre.
Mais comment ?
Je jette un coup d’œil furtif à Byra. Son visage est grave, ses yeux verts fixés sur le lien qui nous unit. Elle semble… préoccupée. Comme si elle sait quelque chose que les autres ignorent.
Qu’est-ce que le Jardin nous a fait ?
La panique commence à monter en moi. J’ai besoin de réponses. J’ai besoin de comprendre. Et surtout, j’ai besoin de me débarrasser de cette corde sombre qui me lie à Phélyx.
Je serre les dents et force un sourire à Lysandro.
— Tout va bien, je mens. C’est juste… beaucoup à assimiler.
Il me regarde avec un doute évident, mais il hoche la tête et resserre sa prise sur ma main.
— Ce n’est pas grave. On va trouver une solution pour que tout rentre dans l’ordre.
Un long frisson me parcourt de nouveau, une appréhension que je ne souhaite nullement ressentir à cet instant.
— Flora, ma chérie, on y va ?
La voix de ma mère me surprend et je me détache de Lysandro, sans ressentir la même peine qu’auparavant.
— Je suis là pour toi, Flora, reprend mon ami. On va traverser ça ensemble.
Ses mots devraient me réconforter, mais ils sonnent creux. Je sais qu’il ne comprend pas. Personne ne peut comprendre. Je suis seule face à cette inexplicable connexion.
— Merci.
J’embrasse tendrement sa joue et rejoins ma mère qui m’attend patiemment. Elle attrape tendrement ma main, redresse le buste et passe devant les autres habitants de Séviah la tête haute, sans prêter attention aux murmures dans notre dos.
Je regarde une dernière fois en arrière. Lysandro est toujours là, mais son expression n’est plus seulement de la confusion. Il y a aussi… de la tristesse. Et peut-être même une pointe de reproche.
Je détourne le regard et me concentre sur le chemin devant moi. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais je sais une chose : je suis reconnaissante d’avoir ma mère à mes côtés. Même si elle ne comprend pas tout ce que je ressens, je sais qu’elle m’aime et qu’elle veut me protéger. Et pour l’instant, c’est tout ce qui compte.
Elle m’entraîne hors de la clairière, dans un sentier étroit qui serpente entre les arbres du Jardin. L’air y est plus frais, plus chargé du parfum entêtant des fleurs. D’habitude, ce parfum me réconforte, mais aujourd’hui, il me donne la nausée.
— Ne fais pas attention aux autres, commence-t-elle. Si le Jardin t’a dotée d’une fleur si rare c’est qu’il a confiance en toi.
— Et concernant les liens ?
Elle s’arrête, se tourne vers moi et glisse sa main chaude sur ma joue froide, un regard profond et tendre :
— Le Jardin ne fait rien par hasard. Le lien...
Je la regarde, attendant la fin de sa phrase qui ne vient pas :
— Rentrons à la maison, tu dois être épuisée. Nous avons besoin de calme pour comprendre.
Elle me prend la main et nous reprenons notre marche. Le silence est lourd entre nous, chargé de questions non posées et de peurs inexprimées.
Dans notre demeure, l’odeur du lilas m’accueille et je craque. Les larmes dévalent mes joues alors que ma mère m’accompagne tendrement jusqu’au canapé.
Je me laisse tomber sur les coussins moelleux, le corps secoué de sanglots. Ma mère s’assoit à mes côtés et me serre dans ses bras. Je sens sa chaleur, son amour, et je me laisse aller. Je pleure toutes les larmes que j’ai retenues pendant la cérémonie, pendant la marche silencieuse à travers le Jardin, pendant la conversation étrange et déconcertante avec ma mère.
Je pleure pour Lysandro, mon âme sœur perdue, celui que j’étais censée aimer pour l’éternité. Je pleure pour le destin brisé, pour les rêves qui s’effondrent. Je pleure pour moi, pour la fille que j’étais, que je voulais être et que je ne serai jamais.
Ma mère me laisse pleurer. Elle ne dit rien, ne pose aucune question. Elle se contente de me tenir, de me laisser déverser mon chagrin. Et j’en ai besoin. J’ai besoin de cette étreinte, de ce réconfort. J’ai besoin de sentir que je ne suis pas seule dans ce chaos.
Finalement, mes larmes se calment et je relève la tête. Mon visage est rouge et gonflé, mes yeux brûlent. Ma mère me tend un mouchoir et je me mouche bruyamment.
— Je suis désolée, maman, je chuchote. Je ne voulais pas…
— Ne sois pas désolée, ma chérie, dit-elle doucement. C’est normal de pleurer. Tu as vécu beaucoup de choses aujourd’hui.
Je hoche la tête, incapable de parler. Je me sens vide, épuisée.
— Je ne comprends pas, maman, je finis par dire. Je ne comprends rien de ce qui se passe. Pourquoi le Jardin a-t-il fait ça ? Pourquoi moi ?
Ma mère soupire et passe une main sur mon front.
— Je ne sais pas, Flora. Je ne sais pas pourquoi le Jardin a choisi de te lier à Phélyx et Lysandro. Mais je sais que ce n’est pas une punition.
— Comment peux-tu en être sûre ? Il est… il est l’Ombre, maman. Il est tout ce que nous devons éviter.
— Il est aussi un être vivant, Flora. Avec ses propres peurs et ses propres souffrances. Et… et il est ton lien.
Je fronce les sourcils.
— Je ne veux pas qu’il soit mon lien. Je veux Lysandro.
— Je sais, ma chérie. Mais… les liens du Jardin sont puissants. Ils ne sont pas faciles à ignorer.
— Je vais le faire, je dis avec détermination. Je vais rester avec Lysandro.
Ma mère me regarde avec tristesse :
— Je ne sais pas si ce sera possible, Flora. Le lien… Il ne se contrôle pas. Ceux qui ont essayé de le refuser ont souffert.
Je refuse de la croire. Je refuse d’accepter que ma vie soit dictée par cette corde sombre.
— Je vais trouver un moyen, je dis, ma voix tremblante, mais ferme. Je vais trouver un moyen de rompre ce lien.
Ma mère ne dit rien. Elle se contente de me regarder, ses yeux remplis d’une tristesse et d’une inquiétude qui me font froid dans le dos.
Je me lève brusquement. J’ai besoin de bouger, de faire quelque chose. Je me dirige vers la fenêtre et regarde le Jardin qui s’étend devant notre demeure. Les fleurs brillent d’une lumière douce et rassurante, mais aujourd’hui, elles me semblent étrangères et menaçantes.
Je serre les poings. Je ne laisserai pas le Jardin me dicter ma vie. Je ne laisserai pas le Parasite me voler mon destin. Je vais me battre pour ce que je veux. Et je vais gagner.
— Tu devrais aller te coucher. La nuit porte conseil.
J’embrasse tendrement ma mère et me dirige à l’étage vers ma chambre. Je m’allonge sur le lit, la soirée défile devant mes yeux et je cherche une faille à l’intérieur de celle-ci.
Une faille… Il doit y en avoir une. Le Jardin ne peut pas se tromper à ce point. Il ne peut pas me lier à Phélyx. Il y a forcément une explication logique, une erreur, une manipulation.
Je repense à la cérémonie, à la lumière des fleurs, aux auras colorées des autres. Tout semblait si parfait, si harmonieux… jusqu’à ce que cette saleté de lien sombre se forme.
Je revois le visage de Phélyx, son expression agitée et sombre. Je frissonne. C’est impossible. Le Jardin a forcément commis une erreur.
Et puis il y a Lysandro. Son visage confus et blessé. Ses mots qui sonnent si creux maintenant. « Je suis là pour toi, Flora. On va traverser ça ensemble. » Comment peut-il dire ça alors que je suis liée à un autre ?
Ma mère. Son comportement étrange, sa confiance en la décision du Jardin. Elle sait pourtant que le Parasite m’a pourrie la vie.
Byra. Son visage préoccupé, ses yeux qui passent de mon lien à la marque sur mon poignet. Qu’est-ce que ma mentore cache ?
Il y a trop de questions sans réponses. Trop de pièces manquantes dans ce puzzle. Et au milieu de tout ça, il y a cette corde sombre qui me relie au Parasite, qui vibre d’une énergie étrange et menaçante.
Je ferme les yeux et essaie de me calmer. Je respire profondément, en me concentrant sur le parfum apaisant du lilas qui emplit ma chambre. Je dois réfléchir clairement. Je dois trouver une solution.
La nuit porte conseil, dit ma mère. Peut-être a-t-elle raison. Peut-être que demain, les choses paraîtront moins désespérées. Peut-être que je verrai une faille que je ne vois pas aujourd’hui.
Mais au fond de moi, je sais que ce n’est pas si simple. Ce lien… Il pulse là, en moi, comme une présence étrangère et indésirable. Et je ne sais pas comment m’en débarrasser.
Mes pensées se tournent vers le Parasite. Je me souviens de sa fleur, la Nuit d’Épine. Une fleur magnifique et dangereuse, avec ses pétales sombres et ses épines acérées. Je me souviens de la fascination et de l’appréhension qu’elle m’inspirait.
Et je me souviens aussi de la blessure sur sa tige. Une petite déchirure, à peine visible, mais qui m’avait troublée. C’était comme une imperfection dans sa perfection, une faille dans son aura de puissance.
Peut-être… peut-être que c’est là qu’est la clé. Peut-être qu’il n’est pas aussi parfait qu’il le paraît. Peut-être qu’il y a des failles en lui, des faiblesses que je peux exploiter.
Je me souviens de son regard. Il y avait de la colère, de la frustration… mais aussi quelque chose d’autre. Une sorte de… de douleur ? Comme si cette corde sombre le blessait autant qu’elle me blessait.
Je me tourne sur le côté et regarde la lune qui brille à travers ma fenêtre. Elle est belle et froide, indifférente à mon chagrin. Je me sens soudainement très seule.
Je ferme les yeux et laisse le sommeil m’emporter. Mais même dans mes rêves, le lien est là, sombre et menaçant, me rappelant constamment que ma vie a changé à jamais.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
3145 histoires publiées 1387 membres inscrits Notre membre le plus récent est Thigat |