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tome 1, Prologue « Désespoir d'une nuit » tome 1, Prologue

— Celle-ci manque d’eau, apporte lui quelques gouttes de Terraqua.

— Oui, dame Vernelle, murmure une jeune gardienne en s’inclinant.

Ses pieds nus effleurent les dalles de pierre couverte de mousse pour rejoindre un puits et en remplir un fond de seau.

Dame Vernelle l’observe se servir, remarque la souplesse de ses gestes, le respect de son corps avec la sérénité des lieux et sent que Brya saura prendre soin du Jardin quand son heure sera venue.

Elle se tourne, un fin sourire aux lèvres, un courant d’air fait virevolter ses longs cheveux dans le crépuscule. Ses yeux de jade se posent sur des féélies vertes, qui, dans trois lunes, lieront des âmes et bouleverseront des vies comme le veut la tradition de Séviah.

D’un geste tendre, elle touche les pétales se remémorant le jour de leur apparition dans le Jardin, l’étonnement de voir pour la première fois ces fleurs parmi les célestines, les lumareves et les griffues.

Le silence qui règne dans le parc n’est pas aussi apaisant qu’en ce temps-là. L’ancienne resserre son châle sur ses épaules, lève les yeux vers la lune qui se cache sous d’épais nuages noirs et lui arrache un frisson le long de la colonne vertébrale.

Elle continue d’avancer, parmi les fleurs diverses et variées, distribuant ses conseils aux apprenties Gardiennes pour entretenir les plants et les accompagner dans leur épanouissement en leur fournissant engrais, eau et luminosité pour les rendre robustes et éblouissants.

Elle s’approche du Souffle d’Age dont les feuilles dépérissent et caresse l’épais tronc avec mélancolie. Son regard expert se pose sur une branche en particulier qui a perdu de sa vigueur et de sa splendeur. Dame Vernelle sent la sève qui coule dans l’arbre se servir dans le sol pour se nourrir, elle peut presque entendre les battements du cœur de chaque enfant né avec lui.

Car chacune des graines du Jardin est issue d’un enfant. Un petit être qui voit sa vie, son âme connectée avec une plante qui décrira son destin. Un bourgeon qui se liera avec un autre pour créer une nouvelle semence, et qu’à jamais le cycle subsiste et protège leur monde et embellisse le paysage de leurs puretés exceptionnelles.

— Dame Vernelle ! Quelque chose ne va pas avec les lumareves !

La vieille femme s’approche, observe les fleurs habituellement de couleur de neige qui se teintent d’un gris maladif. Un mauvais présage pour ces fleurs liées aux émotions.

— Ressentez-vous quelque chose, Lyra ? interroge Dame Vernelle, son ton grave.

La jeune apprentie fronce les sourcils, fermant les yeux un instant.

— Une tristesse… comme un voile froid qui les recouvre. Et une sorte de… colère sourde qui vibre sous la terre.

Le frisson qui a parcouru l’échine de Dame Vernelle revient, plus intense cette fois. La colère… Un sentiment familier.

Soudain, un souffle glacial balaye le Jardin, faisant trembler les pétales des célestines et tinter légèrement les clochettes des souffles-d’Argents. Un murmure indistinct flotte dans l’air, un chuchotement plaintif et vengeur qui semble provenir de nulle part et de partout à la fois.

« Ils paieront… ils souffriront… comme moi… »

Plusieurs apprenties gardiennes sursautent, leurs visages se crispent de peur. Brya, cependant, reste immobile, ses yeux fixés sur Dame Vernelle, une lueur d’inquiétude mêlée à de la détermination dans son regard.

Dame Vernelle lève une main tremblante, essayant de calmer la panique naissante.

— Silence ! Écoutez attentivement. Il ne pourra rien faire. Ne le laissez pas vous effrayer.

Mais elle sent elle-même la puissance de cette tristesse et de cette colère, plus forte qu’elle ne l’a ressentie depuis des décennies. La présence d’Elias, ou du moins son empreinte énergétique se montre plus insistante.

Son regard se porte involontairement vers l’endroit où les jeunes pousses des Féélies vertes étaient apparues. Elles semblent légèrement plus sombres qu’auparavant, une subtile nuance de grisâtre ternissant leur émeraude éclatant. La puissance d’Elias affleure, insidieuse et rampante.

À ce moment précis, une silhouette obscure émerge des ombres au bord du Jardin. D’abord indistincte, mais, à mesure qu’elle avance, la lumière crépusculaire révèle une forme humaine, drapée dans des vêtements sinistres et flottants. Une aura de désarroi et de rage l’entoure, tangible et oppressante.

Les apprenties gardiennes reculent en silence, la peur peinte sur leurs visages. Brya se place instinctivement un pas devant elles, ses mains serrées, mais son regard étonnamment ferme.

Dame Vernelle reconnaît immédiatement l’individu. L’énergie froide, le désespoir palpable…, c’est lui.

— Elias… murmure-t-elle, sa voix pleine de tristesse et d’une vieille fatigue. Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne trouveras pas la paix ici.

Les yeux injectés de sang d’Elias se fixent sur Dame Vernelle, puis glissent lentement vers les jeunes Féélies vertes. Un rictus de douleur et de haine déforme ses traits.

— La paix ? Il n’y a pas de paix, Vernelle. Seulement le vide. Et je ferai en sorte que ces illusions de bonheur… ces liens fragiles… connaissent le même néant.

Il tend une main spectrale vers les plantes, et une nouvelle vague d’énergie sombre s’en échappe, plus puissante que la précédente.

Les boutons commencent a gelées, à se replier sur eux-mêmes apportant avec ce geste le cri des êtres qui leur sont attachés.

— Elias, arrête ! Les autres ne sont pas responsables de ton malheur !

— Alors qui l’est ? Qui a tué mon amour ? Qui doit payer pour ça ?

Des éclairs strient le ciel, le vent s’élève, soumettant les fleurs et faisant tomber les feuilles des arbres du fond du Jardin.

— Je… Elle… trop faible…

— Lyra était forte ! Une percée-pure comme aucune autre !

Dans la voix de l’homme, la folie perce les mots, similaire à l’orage qui gronde autour d’eux, et la Gardienne observe les plantes succomber une à une, abîmant à chaque fois son cœur. Une déglutition. Les larmes brûlent ses yeux alors qu’elle jette un dernier regard à Brya avant de dire :

— Tout est de ma faute.

Le cri de la jeune gardienne lui brise ses tympans alors que la rage d’Elias, dans un ultime spasme de désespoir, l’attire avec lui vers le néant.

Le Jardin, autrefois un havre de paix, marque aujourd’hui la désolation d’un cœur meurtri et de plusieurs vies abîmées que l’avenir portera comme des cicatrices invisibles. Des destins qui ont éclos parmi le chaos.


Texte publié par Tynah, 8 juin 2025 à 20h12
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