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J’entendais le bruit du vent et un vrombissement continu, comme un roulement.

Le train dans lequel je me trouvais avançait à toute vitesse. Il semblait ne pas vouloir s’arrêter.

Installé sur un siège, tout au fond du wagon, je me réveillais doucement.

Ma tête me faisait horriblement mal. J’avais l’impression d’avoir un volcan en irruption à l’intérieur de mon crane. C’était une sensation très désagréable.

Je tentais d’ouvrir les yeux à plusieurs reprises, mais la somnolence m’empêchait de les garder ouverts. Mes paupières étaient lourdes et désiraient rester closes.

J’ai posé une main sur mon front. Il n’était pas brûlant de fièvre. Sauf que c’est ma main qui me faisait mal.

C’était étrange.

Au bout d’un moment, je réussis à ouvrir grand les yeux.

Là, je vis que j’étais seul.

J’ai porté mon regard vers la fenêtre, sur ma gauche. Je pu apercevoir des ruines se succéder. A mesure que le train avançait, je voyais la désolation de l’environnement qui m’entourait.

Une larme se mit à couler, sans que je ne sache pour quelle raison.

Aucuns souvenirs ne me revenaient.

Je ne savais pas mon nom, d’où je venais, ni comment je m’étais retrouvé ici.

Le train m’apparaissait soudain telle une prison, mais aussi, et c’en était inexplicable, comme ma tour d’ivoire. Je m’y sentais à la fois à l’aise et en sécurité.

Je tentais de me lever enfin, lorsque je sentis des vertiges m’étreindre violemment.

Une migraine atroce se déclara sitôt que j’eusse entrepris de me mettre debout. Alors je pris la décision d’attendre un moment et d’observer l’intérieur du wagon.

Il était simple, paré d’un blanc cassé aux parois, les sièges drapés de bleu et de noir. Quant au sol, il tendait volontiers vers le gris.

C’était plutôt triste.

L’atmosphère ne recélait aucune odeur, aucune émotion. La plénitude régnait.

Mais pourquoi, en l’absence de congénères, me sentais-je si bien ?

Je tentais de nouveau de me mettre droit sur mes jambes, et, cette fois-ci, je ne ressentis aucun étourdissement.

A cela, je décidais de poser une main sur le dossier du siège et j’entrepris d’examiner les portes. Autrement dit, les seules issues.

Je voulu d’abord ouvrir celle juste à côté de moi. Mais elle était fermée. Toutefois, je vis à travers la petite fenêtre que je me trouvais à l’arrière du train.

Il ne me restait donc qu’une chose à faire : me diriger vers l’avant.

Je me mis à déambuler entre les sièges, et quelques secousses faillirent me faire tomber. Mais je me cramponnais bien aux sièges qui se succédaient autour de moi.

Je ne pu d’ailleurs m’empêcher de les scruter chacun. Ils étaient tous vide.

Pourquoi étais-je seul ?

Aucune trace ne laissait à penser que des personnes s’étaient installées dans ce wagon.

Alors, qui m’y avait mis ?

J’arrivais de l’autre côté du wagon. Une petite feuille était collée juste à côté de la poignée. Par réflexe, je lu d’abord ce qui y était inscrit.

« Je suis visible à l’œil nu, mais inaccessible aux humains. Je voyage au gré du vent, et déverse parfois mes larmes lorsque ma colère est grise. »

Une énigme ? Très peu pour moi.

J’ai posé une main sur la poignée et l’abaissa.

Rien.

La porte restait close. Elle était, comme celle de l’autre côté, fermée à clé.

Je tentais à plusieurs reprises de l’ouvrir, m’acharnant dessus comme un fou. Mais elle souhaitait rester fermée.

Je soupirais de frustration.

Je trouvais cela injuste d’être dans cette situation. Et c’était pire d’avoir ce sentiment d’être enfermé dans un monstre de métal et d’acier, et encore davantage dans un seul de ses compartiments.

Je m’accroupis, et relu une deuxième fois les mots écrits sur le bout de papier.

Devoir réfléchir à un moment pareil m’étais inconfortable.

Pourtant, peu à peu, je me prêtais au jeu.

C’est quelque chose qui flotte apparemment… Qu’est-ce qui se voit, mais ne se touche pas…et qui semble verser de l’eau… ?

Alors que je fermais les yeux pour me concentrer, une vision m’apparut.

Un nuage… Un majestueux nuage solitaire semblait glisser sur un ciel entièrement bleu.

La réponse, je l’avais.

Et maintenant ?

J’attendis que quelque chose se passe. Mais rien ne se produisit comme je m’y attendais.

Alors, j’ouvris la bouche, et prononça le mot attendu.

Ma voix sembla produire un écho qui se répercutait dans tout le wagon, et je sentis quelque chose s’échapper de ma gorge.

Le mot « nuage » sortait lettre après lettre de mon corps !

Désabusé, je ne fis rien.

J’observais les lettres flottées dans le vide et se diriger vers le trou de la serrure.

Elles rentrèrent une par une et j’entendis un léger claquement lorsqu’elles furent toutes à l’intérieur.

La porte s’ouvrit, précédant ma surprise.

Qu’est-ce que c’est que tout ça ? Me suis-je perdu dans un monde parallèle ?

Je me suis relever et observa ce qui se trouvait dans le second wagon.

Mon étonnement ne cessa de s’agrandir.

*

Je me trouvais maintenant dans une forêt. Il y avait des arbres à la place des sièges, et de l’herbe sur le plancher. Le plafond était un ciel animé, et des oiseaux voletaient ici et là.

L’environnement était enchanteur. Aussi, pour la première fois depuis mon « réveil », je me mis à sourire.

Ce wagon était plus long que le précédent, et nettement plus intriguant.

Une odeur de fruits et de fleurs aromatiques inondaient l’atmosphère d’un parfum savoureux.

Mon odorat était conquis.

J’avançais dans ce paysage merveilleux, lorsque j’entendis la porte se refermer derrière moi.

Nullement inquiet, je me suis mis à avancer.

Je n’arrivais pas à restreindre mon désir de toucher chacun des éléments que je voyais. Tout me paraissait si réel…

Parvenu au milieu du wagon, il y avait assez d’espace pour s’allonger. C’est ce que je fis, en m’étonnant moi-même.

Le dos idéalement plaqué au sol, j’en profitais pour observer le ciel.

Le calme et la quiétude… Voilà ce que je ressentais à cet instant.

Même seul, et sans savoir pourquoi, je me sentais heureux.

J’ai alors profité de ce moment quelques minutes, avant de continuer mon cheminement vers l’avant du train le cœur déjà nostalgique.

En arrivant devant la porte, j’ai abaissé immédiatement la poignée. Sans surprise, la porte resta close. Je commençais déjà à être habitué à ce genre de refus.

Je l’examinais, lorsque je vis un renfoncement tout en haut. Il avait la forme d’une main.

Trop haut pour l’atteindre, je me mis en quête de chercher un moyen pour m’élever à sa hauteur.

Je revins sur mes pas et trouva une petite souche. Elle semblait assez grande pour m’aider dans mon entreprise.

Je la pris et l’emmena devant la porte. Après quoi, je posai mes pieds dessus. Sa taille était suffisante.

Le renfoncement semblait selon toutes vraisemblances m’inviter à y poser une main.

Je m’exécutais alors, sans crainte.

Ma main entra aisément dans le creux, comme si c’était la mienne qui l’avait causé. Je sentis une douleur l’irradier, mais elle disparut aussi vite qu’elle était apparue.

C’était très étrange ces douleurs qui venaient et disparaissaient.

J’entendis très vite un bruit provenir de la serrure.

La porte s’ouvrit devant mes yeux et je pénétra dans le wagon suivant.

*

Le troisième wagon était totalement différent des deux précédents.

Il se remplissait d’un brouillard épais, de sorte que je ne voyais vraiment rien.

Là encore, je me doutais qu’une autre porte m’attendait de l’autre côté. Mais je ne savais pas encore comment j’allais devoir m’y prendre pour l’ouvrir.

Contrairement aux autres fois, ce wagon m’était moins rassurant.

On ne distinguait rien à plus de trois mètres, et le silence n’arrangeait pas les choses.

Une fois les pieds posés sur le plancher, la porte derrière moi se referma.

Je sentis un frisson me parcourir, de peur d’avancer sur ce terrain qui me rendait anxieux.

Bizarrement, je craignais ces ténèbres, m’avouais-je en tapotant le sol avec mes pieds.

J’hésitais à avancer.

Je reniflais pour voir si une odeur familière me parvenait, mais ne sentis rien. C’était donc bien un brouillard, et aucunement de la fumée.

D’une certaine façon, j’avais cru un instant que le train brûlait. Mes sens s’étaient mis soudain en alerte, de façon inconsciente.

Après avoir pris mon courage à deux mains, je me mis à marcher droit devant moi.

Quelques instants plus tard, je sentis quelque chose me barrer la route.

Je dû m’arrêter.

Je touchais pour voir de quoi il s’agissait. Cela ressemblait à une pile de bagage, et impossible pour moi de les dégager.

La solution était de les contourner.

Je tentai alors de passer par la gauche, mais des valises, là encore, obstruaient le passage.

Je devais donc me rabattre sur la droite.

Une fois de l’autre côté, je réussis à me faufiler entre la paroi du train et le tas de bagages. Mais je ne voyais toujours pas de porte au-delà.

C’est ainsi que pendant un long moment, je dû traverser le wagon, parfois en me penchant pour passer sous une arche faite de bagages, et d’autre fois en me tordant le corps pour les dépasser en empruntant un chemin exigu.

Et le brouillard n’arrangeait pas les choses.

Il fut plusieurs où je me sentis observer, et même épier. Alors je fis attention de bien regarder autour de moi. Et à un moment, ma crainte, qui n’était qu’une simple paranoïa au départ, se transforma en une véritable peur.

Des yeux rouges vifs comme de la braise m’observaient…

Ils se faisaient d’ailleurs bien moins discrets depuis que j’avais croisé leur regard.

C’est après une pause que je repris mon cheminement à travers ces sentiers empreints de brume, accompagné de ces étranges yeux rouges qui m’empêchaient de fermer quelques instants les yeux tant ils m’effrayaient.

L’effroi m’habitait. A plusieurs reprises, j’avais tenté de courir jusqu’à eux, craignant malgré tout de tomber sur une créature immonde.

Mais ils disparaissaient sitôt que mon courage surpassait ma peur.

Alors je reprenais là où je m’étais arrêté.

Je pu enfin, après de nouveau une longue marche, atteindre l’autre porte.

A la vue de celle-ci, le soulagement me fit lâcher un soupir heureux.

Je couru jusqu’à elle, tout content de pouvoir sortir de ce wagon, lorsque les yeux rouges se placèrent entre nous deux.

Je m’arrêtais brusquement dans ma course, le souffle haletant.

Là, j’entendis une voix s’élever.

« Qui est devant toi ? »

Mes yeux s’écarquillèrent en grand.

Je ne su quoi répondre, surpris d’entendre une voix humaine, mais aussi le corps trop tétanisé pour faire sortir un seul mot de ma bouche.

« Qui est face à toi ?, répéta la voix.

Il n’y avait que des yeux, pas de corps. Comment pouvais-je répondre à cette question ?

« Réponds, et tu passeras ce dernier wagon. »

Devant cette éventualité, je commençai à faire fonctionner mes méninges du mieux que je pouvais.

Mais aucune idée ne germa dans mon crane.

« Si tu ne peux répondre, tu resteras pour toujours dans ce wagon », dit la voix sur un ton plus ferme.

Moi, rester ici ? Il en est hors de question !

C’est alors que je me mis à crier. Du moins, c’était mon intention.

Etrangement, aucun mot ne sortir de ma bouche. Ils semblaient s’étouffer d’eux-mêmes.

« Comme l’est ce wagon, ton esprit est rempli d’un brouillard. Cela t’empêche de te souvenir et de voir plus clair. »

Je devais me souvenir à qui appartenaient ces yeux rouges ? Quelle absurdité…

Sans m’en rendre compte, je me mis à hurler de désespoir. Cette fois-ci, ma voix brisa le silence et l’écho de mon cri résonna à travers tout le wagon.

Je me sentais perdu. J’avais envie de sortir de cet enfer, d’avoir réponses à mes questions.

Dans mon grand désarroi, je pris peu à peu conscience que quelque chose m’empêchait de vouloir obéir à cette voix.

Lorsque j’eu finis de crier, je décidais de m’accroupir. J’ai regardé autour de moi, avec le sentiment que quelque part, une personne m’attendait peut-être.

Je fis peu à peu le vide dans mon esprit, espérant que tout cela ne serait pas inutile. La voix elle-même me le conseilla.

Je repris enfin mon calme et plongea mon regard dans les yeux qui me faisaient face.

Ils me semblaient tout à coup familiers, alors que des yeux seuls ne sont pas suffisants pour identifier une personne.

Un nom me vint soudain à l’esprit. Lui aussi, je le reconnaissais.

Je levai la tête vers le haut, puis tourna sur moi-même, cherchant la source de la voix.

« Je me souviens de qui il s’agit. »

La voix attendit un instant, comme pour me faire attendre, puis réapparue brusquement.

« De qui s’agit-il ? »

Je souris.

« Il s’agit… de moi. »

Le brouillard se dissipa tout à coup, et les yeux rouges disparurent à leur tour.

J’entendis bientôt un bruit léger provenir de la porte, laquelle s’ouvrit lentement.

J’avais trouvé la bonne réponse.

Arrivé devant la porte, je la poussa, pensant pénétrer dans un quatrième wagon. Mais la surprise m’assaillit…

J’étais arrivé au bout. Et à l’endroit où il y aurait dû y avoir une cabine de commande, le vide béait devant mes yeux.

Je voyais avec effroi et déception les rails sous mes pieds. Le train les engloutissait au fur et à mesure de son avancée.

J’ai porté mon regard au loin, sans espoir.

Tout n’était que ruines. Des maisons et des voitures brûlées par un incendie, qui devait être gigantesque, se succédaient autour du train.

Je ne comprenais pas.

J’attendis un moment, l’esprit perplexe.

Passer tous ces wagons pour finalement apprendre que j’étais… seul et perdu ?

Je m’accroupis, retenant difficilement quelques larmes.

L’incompréhension m’habitait. Les questions m’inondaient le crane.

Je ne savais plus quoi penser, ni que faire.

Alors, voyant qu’il n’y avait aucune issue, je décidais de mettre un point final à cette ridicule histoire.

Décidé, je me levais, mes pieds flirtant avec le vide.

Je me mis à regarder le ciel, les nuages… Puis le soleil. Trop éblouissant, j’ai levé ma main pour le cacher de mes yeux…

Et je su tout suite qui j’étais réellement, ce qu’il m’était arrivé, et la raison de ce rêve.

Brusquement, je me remémorais toutes les phases importantes de ma vie, me rappelant des choses qui étaient chères à mon cœur.

J’entendis alors une voix m’appeler par mon nom.

Je la reconnu, et souris.

*

J’ouvris les yeux et découvris mon épouse, sa tête penchée vers moi.

Elle était radieuse et belle comme lors de notre première rencontre.

« Tu te réveilles enfin ?

- Oui… J’ai fait un rêve très étrange.

- Ah, et qu’était-ce donc ? »

J’ai passé une main dans ma barbe naissante, et me suis mis à frotter mes yeux.

Je souris ensuite avec malice. Cela étonna ma femme. Elle ne m’avait pas vu ainsi depuis quelques temps.

« Une histoire qui m’a appris beaucoup de chose.

- Quoi donc ?

- Déjà, je suis heureux d’être avec toi, mon petit nuage adoré. Après mon accident, dans ce train, j’avais peur… N’avoir plus qu’une seule main et ses stigmates à vie… Tout cela me déprimait. Mais je crois que cela ne devrait pas nous empêcher de réaliser nos rêves et de vivre, tout simplement. Et… »

Je m’interrompis.

Les réminiscences de mon rêve refirent soudain surface. Sans doute me revenaient-elles à l’esprit pour m’encourager dans la voie de la guérison, et surtout de l’acceptation.

« Quoi d’autres ? demanda ma femme d’une voix rieuse. Tu m’as l’air bien enthousiaste ce matin. J’en suis étonnée, mais… J’en suis aussi très contente.

- Ma chérie, je suis heureux d’être en vie et d’être ce que je suis. J’ai tout ce qu’un homme peut espérer. Alors, levons-nous et prenons le train pour faire ce voyage que nous voulions faire avant cet accident.

- En es-tu sûr ?

- Je crois bien que oui. »

Avec tendresse, je souris de nouveau à ma femme. Je n’étais pas seul, et j’avais tout une vie à remplir de moments magnifiques.

Après des semaines sans avoir le courage de regarder, j’osais enfin poser mes yeux sur mon poignet désormais privé de sa main.

Je l’acceptais, dorénavant. Et même sans elle, je continuerais à avancer sur le chemin de la vie, pour ma famille et aussi pour moi-même.

J’embrassais une dernière fois ma femme, avant de partir voir nos enfants, le cœur heureux.

Je crois que je n’oublierais jamais ce rêve étrange… Et ce qu’il m’a apporté.


Texte publié par Encredebrume, 6 avril 2015 à 16h03
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