Voici donc le premier défi de ce recueil.

Option taille 1000 mots

Objet/chose « quartz »

Émotion/état « témérité »

Couleur « crème »

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Couvrant la bougie qu’il venait d’allumer, le pirate reporta son attention sur la carte sur laquelle il s’usait les yeux depuis un moment. Posant sa boussole sur la table, il tentait d’établir sa position en se fiant au ciel étoilé. Là-haut, les constellations brillaient en cette nuit estivale. L’air était chaud mais les embruns rafraîchissaient l’atmosphère la rendant presque agréable de nuit.

Cette nuit, tout était calme. Le silence était seulement troublé par le vent dans les cordages et les voiles ainsi que le clapotis des vagues contre la coque de bois. L’air iodé apportait aussi l’odeur du tabac que certains de ses hommes fumaient ainsi que celle du rhum. En parlant de son équipage, certains de ces membres somnolaient sur le pont. Certains à même le sol et d’autres adossés aux mâts et aux nombreux tonneaux encore disponibles. Cependant, il allait falloir se ravitailler à la prochaine île. Les pillages avaient été bons et le capitaine pouvait se permettre d’acheter des vivres à foison. Après avoir payé ses hommes et les potentielles réparations de son navire bien entendu.

Un bruit d’éclaboussure le fit lever les yeux de sa carte. En s’approchant du bastingage, il vit un spectacle qu’il allait longtemps garder en mémoire.

S’ébrouant près de la coque, une créature hybride entre un cheval et un poisson d'une jolie teinte bleue et aux crins couleur crème semblait l’observer. Le pirate n’en cru pas ses yeux en reconnaissant le mythique monstre marin connu sous le nom d’hippocampe. Plongé dans sa contemplation, il en fut brusquement tiré par une voix féminine près de lui.

— Elle est belle, n’est-ce pas ?

Le capitaine sursauta et se tourna vivement. Devant lui se tenait une femme qui semblait avoir dans la quarantaine. Si elle portait des vêtements simples composés d’un pantalon et d’une chemise, les reflets dansants de ses habits étaient tels qu’ils semblaient être faits d’eau. Elle était plus petite que lui et menue mais il se dégageait d’elle une sorte d’aura qui imposait de suite le respect. Le pirate n’en revenait pas alors qu’il comprenait qui était cette femme.

— Si on m’avait dit que j'accueillerai une Souveraine des Mers sur mon bateau…

Sa remarque tira un nouveau rire à l’inconnue.

— Pourquoi être si surpris ? Après tout, les pirates appartiennent d’une certaine façon aux peuples des mers que nous autres Souverains des Mers protégeons.

— Je ne pensais pas que des êtres comme vous venaient discuter avec des humains.

L’hippocampe poussa un hennissement avant que sa maîtresse ne soupire.

— Tu ne manques pas de témérité dans tes paroles. Mais nous avons beau avoir un statut presque divin, rien ne nous empêche de côtoyer des mortels.

— Et du coup, qu’est-ce qui vous amène sur mon navire en pleine nuit ? J’imagine que vous venez pour de bonnes raisons.

La Souveraine des Mers resta silencieuse un instant avant de fouiller dans la besace qu’elle portait. Elle en sortit une bourse et la tendit au pirate.

— En effet, mes visites aux mortels ne sont pas anodines. Je ne viens à eux que quand j’ai besoin de leurs services.

Alors, elle avait besoin de lui ? Le capitaine en resta sans voix pendant une poignée de secondes avant de se reprendre.

— Et qu’attendez-vous d’un homme de mon espèce ?

— Que tu caches le contenu de cette bourse. C’est un trésor inestimable.

Donner un trésor à un pirate ? C’était risqué tout de même. A part du quartz, il était possible de faire commerce de tout. Et le capitaine se doutait que ce ne devait pas être de minables cristaux sans valeur. Aussi, il attrapa la bourse non sans hâte.

— Puis-je voir son contenu ?

— Oui, tu peux.

Le pirate ouvrit le cordon de la bourse et malgré l’éclat pâle de la lune et des étoiles, il pût voir sans peine le contenu et en comprendre son importance. La vue de l’objet luisant faiblement dans l’obscurité le fit instantanément pâlir.

— Je m'acquitterai de cette mission, mais puis-je vous demander pourquoi me confier cela ? Il s’agit du bien le plus précieux qui existe pour un Souverain des Mers si je ne me trompe pas.

— Et tu as raison. Néanmoins, le vent commence à tourner pour nous, les Souverains des Mers.

Elle fit une pause pour observer sa compagne équine plonger la tête dans les vagues. L’hippocampe la regarda intensément et presque aussitôt, leur lien mental s’activa.

— Tu es sûre de vouloir confier une telle chose à cet homme ?

— Les Dragonniers ne penseront pas à venir chercher un tel trésor chez des pirates. Et je n’ai malheureusement pas beaucoup d’autres alternatives, Adamaria.

— Je le sais mais l’avenir de notre ordre dépend du contenu des bourses que tu vas donner.

— J’en suis consciente, ne t’en fais pas.

La femme rompit le contact télépathique et se tourna vers le pirate.

— Le vent tourne pour l’ordre des Souverains des Mers. Les Dragonniers préparent l’assaut contre nous et il faut impérativement que notre ordre ne disparaisse pas complètement. Aussi, tu dois cacher cette bourse au prix de ta vie.

Il était vrai que les Souverains des Mers semblaient sur le déclin. Les Dragonniers voulaient en finir avec eux et cela se voyait. Malgré tout, on pouvait voir ces humains immortels en compagnie de leurs monstres marins se dresser contre eux. Mais pour combien de temps encore ? Le pirate l’ignorait mais il était prêt à aider pour que l’héritage des Souverains des Mers ne tombe pas entre les mains des Dragonniers.

Ce fut sur une promesse que les deux interlocuteurs se séparèrent et plusieurs années plus tard, une paire de mains attrapa le contenu de la bourse écrivant une nouvelle page de l’histoire des Souverains des Mers.